Type de texte | source |
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Titre | Il Galateo ovvero de\'costumi |
Auteurs | Della Casa, Giovanni |
Date de rédaction | |
Date de publication originale | 1558 |
Titre traduit | Le Galatée, ou l’art de plaire dans la conversation |
Auteurs de la traduction | Hamel, Jean Baptiste du |
Date de traduction | 1666 |
Date d'édition moderne ou de réédition | |
Editeur moderne | |
Date de reprint |
, « De la beauté », 158-161
Quoy qu’il soit bien difficile de dire ce que c’est que la beauté, neantmoins pour vous en donner connoissance, il faut que vous sçachiez que la beauté est une proportion des parties entre elles, et de chaque partie avec le tout. Ainsi les choses où cette proportion se rencontre peuvent estre appellées belles. I’ay quelquefois ouy dire à un scavant homme, que la beauté approche autant qu’elle peut de l’unité, et que la laideur s’en éloigne. Si vous regardez le visage d’une belle fille, vous verrez qu’il n’a de la beauté que parce que toutes ses parties, et tous ses traits semblent n’avoir esté faits que pour un seul visage. Il n’en est pas de mesme de la laideur. Une personne laide aura peut-estre deux gros yeux qui luy sortiront hors de la teste, un nez extrémement petit, deux grosses joües, une bouche platte, le mention avancé, et le tein brun. Enfin on diroit que ce sont les parties de plusieurs visages, ou que c’est un composé de pieces rapportées. Il se trouve mesme des femmes qui ont chaque partie regardée à part, fort belle : mais l’union de toutes ces parties fait un composé laid et desacreable : la veritable raison de cette laideur, est qu’il semble que toutes ces parties ont esté faites pour plusieurs personnes, et non pas pour une seule, et l’on diroit qu’elle les auroit empruntées aux unes, et aux autres. Peut-estre que ce peintre qui pour representer une belle Venus, voulut voir les filles de Calabre toutes nuës, ne faisoit autre chose que de reconnoistre en toutes ces filles les diverses parties, qui avoient plus de proportion entr’elles, et qui sembloient comme avoir esté empruntées d’un mesme corps, et les ayant assemblées dans son portrait, il s’imagina que la beauté de Venus pour estre parfaite devoit ainsi estre une.
Ne vous figurez pas que cette unité soit seulement necessaire dans le visage, dans les membres, et dans le corps. Il faut mesme qu’elle se trouve dans les actions, et dans la conversation. Par exemple si vous voyez une Dame bien parée laver du linge à une fontaine publique, quoy que d’ailleurs elle vous fust indifferente, neantmoins elle vous deplairoit en tant qu’elle s’éloigneroit de l’unité, car elle auroit la façon d’une femme noble, et feroit les actions d’une servante. Et quoy qu’elle ne vous eust rien fait sentir, rien goûter de desagreable, que sa voix ni sa couleur ne choquassent ni vos oreilles, ni vos yeux, et enfin qu’elle n’eust rien qui peust vous rebuter, ne vous déplairoit elle pas, seulement à cause que ces actions n’ont aucun rapport avec ses ajustemens et avec sa condition?