Type de texte | source |
---|---|
Titre | Salon de 1765 |
Auteurs | Diderot, Denis |
Date de rédaction | 1765 |
Date de publication originale | |
Titre traduit | |
Auteurs de la traduction | |
Date de traduction | |
Date d'édition moderne ou de réédition | 1984 |
Editeur moderne | Buhdahl, Else Marie; Lorenceau, Annette |
Date de reprint |
, Salon de 1765, p. 80
Un peintre ancien disait à son élève qui avait couvert sa Vénus de pierreries : « Ne pouvant la faire belle, tu l’as faite riche. » J’en dis autant à Lagrenée.
Dans :Apelle : Hélène belle et Hélène riche(Lien)
, p. 207
Certainement cet homme peint sans savoir ce qu’il fait ; il ne sait pas encore ce que c’est qu’un sujet, il ne se doute pas qu’il doit être caractérisé par quelques circonstances essentielles ou accidentelles qui le distinguent de tout autre. Quand il a placé devant un paysan un peu singulièrement vêtu une jeune fille soucieuse debout ; à côté d’elle une vieille femme attentive ; qu’il a jeté par-ci par-là quelques arbres, et fait sortir d’entre ces arbres la tête d’un jeune paysan qui rit, il imagine que je dois savoir que c’est le devin de Village. On dit qu’un bon homme de peintre qui avait mis dans son tableau un oiseau et qui voulait que cet oiseau fût un coq, écrivit au dessous : C’est un coq. Sans y entendre plus de finesse, M. Briard aurait fort bien fait d’écrire sous les personnages de son tableau : Celui-ci, c’est un devin ; celle-là, c’est une fille qui vient le consulter ; cette autre femme, c’est sa mère ; et voilà l’amant de sa fille. Fût-on cent fois plus sorcier que son devin, comment devine-t-on que celui qui rit est d’intelligence avec le devin ? Il faut donc encore écrire : Ce jeune fripon et ce vieux fripon-là s’entendent. Il faut être clair, par n’importe quel moyen.
Dans :Peintres archaïques : « ceci est un bœuf »(Lien)
, p. 85-86
Le sacrifice de Jephté. L’ordonnance de ce tableau est assez bonne. Au milieu de la toile un autel allumé; à côté de l\'autel, Jephté penché sur sa fille, le bras levé et prêt à lui enfoncer le poignard dans le sein ; sa fille étendue à ses pieds, la gorge découverte, le dos tourné à son père, les yeux levés vers le ciel. Le père ne voit point sa fille ; la fille ne voit point son père. Devant la victime, un jeune homme agenouillé tenant un vaisseau et disposé à recevoir le sang qui va couler. A droite, derrière Jephté, deux soldats ; à gauche, sur le fond, au delà de l’autel, trois vieillards.
Beau sujet, mais qui demande un poète moins sage, plus enthousiaste que la Grenée. – Mais ce Jephté ne manque pas d’expression. – Il est vrai ; mais a-t-il celle d’un père qui égorge sa fille ? Croyez-vous que si ayant posé sur la poitrine de sa fille une main qui dirigeât le coup, prêt à enfoncer un poignard qu’il tiendrait de l’autre main, il eût les yeux fermés, la bouche serrée, les muscles du visage convulsés et la tête tournée vers le ciel, il ne serait pas plus frappant et plus vrai ? Ces deux soldats, oisifs et tranquilles spectateurs de la scène, sont inutiles. Ces trois vieillards, oisifs et tranquilles spectateurs de la scène, sont inutiles. Et au milieu de ces froids et muets assistants qui donnent à Jephté l’air d’un assassin, ce jeune homme qui prête son ministère sans sourciller, sans pitié, sans commisération, sans révolte, est d’une atrocité insupportable et fausse. La fille est mieux, encore est-elle faible, de plâtre et non de chair. En un mot, demandez aux indulgents admirateurs de ce morceau s’il inspire rien de cette terreur, de ce frémissement, de cette douleur qu’on éprouve au seul récit. C’est que le moment que le peintre a choisi, le plus terrible par la proximité du péril, n’est peut-être ni le plus pathétique ni le plus pittoresque. Peut-être m’aurait-on affecté davantage en me montrant une jeune fille couronnée de bandelettes et de fleurs, soutenue par ses compagnes, les genoux défaillants, et s’avançant vers l’autel où elle va mourir de la main de son père; peut-être le père m’aurait-il paru plus à plaindre attendant sa fille pour l’immoler, que le bras levé, l’immolant.
Dans :Timanthe, Le Sacrifice d’Iphigénie et Le Cyclope (Lien)