Type de texte | source |
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Titre | Explication d’une inscription grecque trouvée dans une statue antique de bronze, avec des observations sur quelques points de l’histoire de l’art chez les Anciens |
Auteurs | Lettrone, Louis |
Date de rédaction | |
Date de publication originale | 1843 |
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, p. 25-38
J’insisterai d’abord sur l’imparfait epooun, au lieu de l’aoriste epoêsan, en m’écartant à regret de l’opinion de Visconti, qui semble condamner d’avance, comme futile et vaine, la distinction que je vais établir. Car, à propos de l’inscription Epollonios Nestoros Athênaios epoiei, qui se lit sur la pierre où est assis le fameux torse du Belvédère, il dit : « Celui qui sait que les Grecs se servaient indifféremment des temps de leurs verbes ne voudra pas trop subtiliser sur l’emploi de l’imparfait au lieu du passé ». Je crois cependant que si notre grand antiquaire avait eu l’idée de comparer les époques des monuments sur lesquels se trouve l’aoriste ou l’imparfait, dans la signature des œuvres de l’art, il aurait vu que l’emploi de l’un ou de l’autre, loin d’être, comme il le pense, à peu près indifférent, est soumis à une certaine règle qui souffre peu d’exceptions ; et il aurait attaché, sans doute, plus d’importance à un caractère qui, s’il est bien établi, deviendra un principe dont l’histoire de l’art pourra tirer plus d’une application utile. […] Il semble donc qu’il se sera introduit, au siècle d’Alexandre, un nouvel usage adopté généralement par les peintres et les statuaires, celui de substituer l’imparfait à l’aoriste, qui auparavant était exclusivement employé. Ce changement est expliqué par le passage où Pline dit que les maîtres dans l’art de peindre et de sculpter (pingendi fingendique conditores) inscrivirent cette inscription au-dessous de leurs ouvrages les plus achevés : Apelle ou Polyclète le faisait (Apelles faciebat aut Polycletus) ; « comme s’il se fût agi, ajoute l’auteur, d’une ébauche, et qu’il leur restât contre la sévérité des critiques un recours pour obtenir leur pardon, dans cette promesse d’opérer ces corrections désirées ». Cette modestie, que Pline loue si fort, il ne la fait commencer qu’à Polyclète. Sans doute ce grand sculpteur ne fut pas d’abord imité des autres artistes ; mais, lorsque Apelle l’eut adoptée à son tour, il paraît qu’elle devint une mode générale. Aussi Pline continue en disant : « Je ne crois pas qu’il soit arrivé jusqu’à nous plus de trois exemples de cette inscription absolue : un tel le fit ». Ces exemples devraient se rapporter aux temps postérieurs à Apelle ; autrement il serait extraordinaire, quand les monuments prouvent qu’antérieurement on n’employait que l’aoriste, que Pline eût entendu parler seulement de trois inscriptions pareilles. On comprend que, l’exemple d’Apelle ayant entraîné tous les artistes, il n’y en eut plus qu’un très petit nombre qui fussent d’un amour propre assez intrépide pour continuer à se servir de l’aoriste, et s’exposer, ajoute Pline, aux sarcasmes des envieux: quo apparuit, summam artis securitatem auctori placuisse; et ob id in magna invidia fuere omnia.
Le témoignage de cet écrivain est encore ici confirmé par les monuments. Car, à côté du grand nombre de ceux que je viens de citer, où le nom de l’artiste est suivi de l’imparfait, je n’en trouve que deux qu’on soit en droit de regarder comme étant de l’époque grecque, quoique de beaucoup postérieurs à Alexandre […] Ainsi, quand on distingue les époques, on reconnaît qu’en pareil cas les artistes grecs n’employaient pas indifféremment, comme le pense Visconti, l’aoriste et l’imparfait. Il devient établi que, jusqu’à l’époque alexandrine, ils se servaient toujours de l’aoriste, qui était, en effet, le seul temps qu’on dût employer, avant qu’une modestie plus ou moins sincère et le besoin d’éviter l’équivoque résultant du double sens de epoiêse, n’introduisissent l’usage de l’imparfait. Il s’ensuit que, si l’emploi de l’aoriste n’est pas une preuve d’ancienneté, puisque l’usage n’en a jamais été tout à fait abandonné, l’imparfait est un indice presque certain d’une époque plus ou moins postérieure à Alexandre. Visconti aurait pu se convaincre que l’emploi de l’un ou de l’autre temps était soumis à une certaine règle et non livré au caprice, s’il avait remarqué qu’excepté le verbe poiein, venant après des noms d’artistes, tous les autres verbes qui indiquent l’érection, la construction ou la dédicace d’un monument sont toujours à l’aoriste ; ainsi, anethêke, aphieke, kathiêke, epeskeuase, aneneôsato, kateskeuase, idrusato, anesthêke, eisatho, esiêse, etc. […] Il en est de même de poiein lorsque ce verbe ne suit pas le nom d’un artiste et qu’il accompagne les mots autel, colonne, monument, etc. il s’emploie toujours à l’aoriste, ne signifiant, en pareil cas, que faciundum ou collocandum curavit. De là vient que, sur tous les vases, même ceux de l’époque récente, on trouve toujours epoiêse, ce verbe indiquant l’œuvre d’un potier, non d’un peintre ou d’un sculpteur ; tandis que le verbe graphein, qui exprime celle du peintre, sur les vases de cette époque, est souvent à l’imparfait.
Dans :« Apelles faciebat » : signatures à l’imparfait(Lien)