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Type de textesource
TitreDe inventione
AuteursCicéron (Marcus Tullius Cicero)
Date de rédaction(-84)
Date de publication originale
Titre traduitL’Invention
Auteurs de la traductionAchard, Guy
Date de traduction1994
Date d'édition moderne ou de réédition
Editeur moderne
Date de reprint

(II, 1), p. 142-144

1. Crotoniatae quondam, cum florerent omnibus copiis et in Italia cum primis beati numerarentur, templum Iunonis, quod religiosissime colebant, egregiis picturis locupletare uoluerunt. Itaque Heracleoten Zeuxin, qui tum longe ceteris excellere pictoribus existimabatur, magno pretio conductum adhibuerunt. Is et ceteras conplures tabulas pinxit, quarum nonnulla pars usque ad nostram memoriam propter fani religionem remansit, et, ut excellentem muliebris formae pulchritudinem muta in se imago contineret, Helenae pingere simulacrum uelle dixit; quod Crotoniatae, qui eum muliebri in corpore pingendo plurimum aliis praestare saepe accepissent, libenter audierunt. Putauerunt enim, si, quo in genere plurimum posset, in eo magno opere elaborasset, egregium sibi opus illo in fano relicturum.

2. Neque tum eos illa opinio fefellit. Nam Zeuxis ilico quaesiuit ab iis quasnam uirgines formosas haberent. Illi autem statim hominem deduxerunt in palaestram atque ei pueros ostenderunt multos, magna praeditos dignitate. Etenim quodam tempore Crotoniatae multum omnibus corporum uiribus et dignitatibus antisteterunt atque honestissimas ex gymnico certamine uictorias domum cum laude maxima retulerunt. Cum puerorum igitur formas et corpora magno hic opere miraretur: « Horum, inquiunt illi, sorores sunt apud nos uirgines. Quare, qua sint illae dignitate, potes ex his suspicari. » « Praebete igitur mihi, quaeso, inquit, ex istis uirginibus formonsissimas, dum pingo id quod pollicitus sum uobis, ut mutum in simulacrum ex animali exemplo ueritas transferatur. »

3. Tum Crotoniatae publico de consilio uirgines unum in locum conduxerunt et pictori quam uellet eligendi potestatem dederunt. Ille autem quinque delegit ; quarum nomina multi poetae memoriae prodiderunt, quod eius essent iudicio probatae, qui pulcritudinis habere uerissimum iudicium debuisset. Neque enim putauit omnia, quae quaereret ad uenustatem, uno se in corpore reperire posse ideo, quod nihil simplici in genere omnibus ex partibus perfectum natura expoliuit. Itaque, tamquam ceteris non sit habitura quod largiatur, si uni cuncta concesserit, aliud alii commodi aliquo adiuncto incommodo muneratur.

4. Quod quoniam nobis quoque uoluntatis accidit, ut artem dicendi perscriberemus, non unum aliquod proposuimus exemplum, cuius omnes partes, quocumque essent in genere, exprimendae nobis necessarie uiderentur ; sed omnibus unum in locum coactis scriptoribus, quod quisque commodissime praecipere uidebatur, excerpsimus et ex uariis ingeniis excellentissima quaeque libauimus. Ex iis enim, qui nomine et memoria digni sunt, nec nihil optime nec omnia praeclarissime quisquam dicere nobis uidebatur. Quapropter stultitia uisa est aut a bene inuentis alicuius recedere, si quo in uitio eius offenderemur, aut ad uitia eius quoque accedere, cuius aliquo bene praecepto duceremur.

5. Quodsi in ceteris quoque studiis a multis eligere homines commodissimum quodque quam sese uni alicui certe uellent addicere, minus in arrogantiam offenderent ; non tanto opere in uitiis perseuerarent ; aliquanto leuius ex inscientia laborarent. Ac si par in nobis huius artis atque in illo picturae scientia fuisset, fortasse magis hoc in suo genere opus nostrum quam illius in suo pictura nobilis eniteret. Ex maiore enim copia nobis quam illi fuit exemplorum eligendi potestas. Ille una ex urbe et ex eo numero uirginum, quae tum erant, eligere potuit; nobis omnium, quicumque fuerunt ab ultimo principio huius praeceptionis usque ad hoc tempus, expositis copiis, quodcumque placeret eligendi potestas fuit.

Dans :Zeuxis, Hélène et les cinq vierges de Crotone(Lien)

(II, 1), p. 142-144

1. Jadis, les citoyens de Crotone, qui possédaient tout en abondance et qui étaient comptés parmi les plus riches d’Italie, décidèrent d’orner de peintures exceptionnelles le temple de Junon, temple auquel ils vouaient une très grande vénération. Ils s’assurèrent donc à grands frais le concours de Zeuxis d’Héraclée qui était considéré alors comme le peintre de loin le meilleur. Il peignit de très nombreux tableaux dont une partie a subsisté jusqu’à notre époque en raison de la vénération attachée à ce sanctuaire et, pour fixer dans une image muette un modèle de beauté féminine parfaite, il dit vouloir peindre Hélène. Les Crotoniates, qui avaient souvent entendu dire que, pour peindre le corps féminin, il dépassait largement les autres, accueillirent volontiers cette idée. Ils pensaient en effet que, s’il se surpassait dans le genre où il était le plus fort, il leur laisserait dans ce beau temple un chef-d’œuvre.

2. Leur attente ne fut pas trompée. En effet Zeuxis leur demanda aussitôt quelles belles jeunes filles ils avaient. Ils conduisirent immédiatement l’homme à la palestre et lui montrèrent de nombreux jeunes hommes, dotés d’une grande beauté. En effet il y eut un temps où les Crotoniates étaient de loin les premiers en force et en beauté physiques et ils remportèrent dans les combats gymniques de très honorables et glorieuses victoires. Il admira donc vivement la beauté corporelle de ces jeunes gens : ses interlocuteurs lui dirent alors : « Nous avons chez nous de jeunes filles, les sœurs de ces jeunes gens. Tu peux, d’après leurs frères, juger de leur beauté. » Il leur répond : « Amenez-moi donc, je vous prie, les plus belles de vos filles, le temps que je peigne ce que je vous ai promis, pour que la vraie beauté passe de ces modèles vivants à un tableau muet. » 3. Alors les Crotoniates, par un décret public, firent venir les jeunes filles en un même endroit et donnèrent au peintre la possibilité de choisir celle qu’il voudrait.

Il en choisit cinq. Bien des poètes ont transmis leurs noms, parce qu’à leurs yeux elles avaient été distinguées par le jugement d’un homme qui avait dû avoir un sentiment très sûr de la beauté. Il en choisit cinq parce qu’il pensait que tout ce qu’il recherchait pour faire un beau portrait, il ne pouvait le rencontrer dans un seul corps. C’est que la nature n’a pas placé l’absolue perfection dans une seule créature. Aussi, comme redoutant de ne pas avoir de quoi donner aux autres, si elle accordait tout à une seule femme, elle offre des attraits différents à chacune, en y joignant quelque disgrâce.

4. Puisque nous aussi, nous avons eu l’intention de donner des préceptes complets en matière d’éloquence, nous ne nous sommes pas proposé un seul modèle dont il nous aurait fallu reproduire tous les détails, dans quelque domaine que ce fût ; mais, après avoir rassemblé tous les auteurs, nous en avons tiré ce que chacun semblait offrir de plus utile comme précepte, cueillant la fleur de ces talents divers. En effet parmi ceux qui méritent d’être célèbres et de n’être pas oubliés, il nous apparaissait que chacun donnait quelque excellent conseil mais que personne n’en donnait de remarquables sur tous les points. C’est pourquoi il nous a paru stupide de laisser de côté une bonne trouvaille chez quelqu’un, parce que celui-ci nous rebutait par un défaut, ou de suivre jusqu’aux erreurs d’un autre, parce qu’il donnait un bon conseil qui nous plaisait. 5. Et si, dans tous les autres arts pareillement, les gens consentaient à emprunter à de nombreux maîtres leurs leçons les plus utiles plutôt que de se vouer à un seul, quel qu’il soit, ils choqueraient moins par leur arrogance, ne persévéreraient pas tant dans l’erreur et souffriraient nettement moins de leur ignorance.

Et si ma connaissance de l’art oratoire égalait celle de la peinture chez Zeuxis, peut-être notre ouvrage serait-il plus célèbre dans son genre que la peinture de Zeuxis. En effet nous avons eu la possibilité de choisir parmi un plus grand nombre de modèles que lui. Celui-ci n’a pu choisir que parmi les jeunes filles qui vivaient à une époque donnée dans une seule ville. Nous, nous avons eu à notre disposition toutes les ressources fournies par tous les maîtres qui ont existé dè !s le début de l’enseignement de la rhétorique jusqu’à notre époque et nous avons pu choisir tout ce que nous voulions.