Type de texte | source |
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Titre | Encyclopédie méthodique. Beaux-Arts |
Auteurs | Watelet, Claude-Henri Levesque, Pierre-Charles |
Date de rédaction | |
Date de publication originale | 1788:1791 |
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Date de traduction | |
Date d'édition moderne ou de réédition | |
Editeur moderne | |
Date de reprint | Réédité à l’usage des artistes sous le titre Dictionnaire des arts de peinture, sculpture et gravure, Liège, Panckoucke, 1791 ; reprint Genève, Minkoff, 1972. |
, art. « Considerations sur la peinture des anciens » (numéro vol. 1) , p. 661-662
On sait que les anciens ont traité des sujets qui supposoient de grands effects de clair-obscur : tel étoit celui de cet enfant qui souffloit un feu dont sa bouche et l’appartement étoient éclairés. Peut-être cependant n’ont-ils pas poussé cette partie jusqu’à cet idéal que nous appellons magique ; mais ils la possédoient assez bien pour imiter la nature, pour exprimer la vérité. Mengs accorde aux peintures d’Herculanum une belle partie du clair-obscur, et de la perspective aërienne ; celle que possédoit si bien le Corrége ; celle qui fait que les objets semblent s’arrondir et qu’on croit pouvoir se promener autour d’eux : elle est dûe à une juste dégradation, savamment proportionnée à la distance ; elle est dûe à l’intelligence de la nature de l’air, corps diaphane qui s’imbibe de lumière, et qui, passant entre les corps, la leur communique même dans les endroits que les rayons directs ne peuvent frapper.
Dans :Antiphilos, L’Enfant au brasero(Lien)
(vol. 1), p. 655
Calaces, Colaces, Calates ou Calades, car son nom se trouve écrit de toutes ces manières, peignoit en petit des sujets comiques. On croit qu’il étoit d’Athenes. [[4:suite : Dionysos]]
Dans :Antiphilos et le Gryllos ; Calatès, Calliclès et les tableaux comiques(Lien)
(vol. 1), p. 649
Antiphile né en Egypte, a travaillé en grand et en petit. On cite de lui des sujets qui, s’il étoient traités d\'une manière conforme à sa réputation, exigeoient de la beauté, tels que son Hésione, sa Minerve, son Bacchus ; d’autres qui exigeoient de l’expression, tels que l’Hippolyte saisi d’effroi à la vue du taureau envoyé contre lui. Il a peint une figure ridicule qu’il appelloit en riant gryllos, le pourceau : c’est de là que les anciens ont nommé grylles les peintures comiques, que les modernes appellent bambochades.
Dans :Antiphilos et le Gryllos ; Calatès, Calliclès et les tableaux comiques(Lien)
, art. « Peinture chez les Grecs » (numéro vol. 1) , p. 646
Quand il avoit terminé un ouvrage, il l’exposoit en public, non pour respirer la fumée des éloges, mais pour recueillir la critique et pour en profiter. Il avoit même soin de se ternir caché derriere le panneau, pour que sa présence ne genât pas les propos des spectateurs. Critiqué un jour par un cordonnier parce qu’il avoit mis une courroie de moins qu’il n’en falloit à une chaussure, il se corrigea, et exposa le lendemain le même tableau. Le cordonnier, fier de s’être montré si bon juge, s’avisa de critiquer la jambe : mais alors Apelles se montra et lui dit, « cordonnier, ne monte pas plus haut que la chaussure ». Ce bon mot est passé en proverbe. [[4:suite Apelle et Alexandre]]
Dans :Apelle et le cordonnier(Lien)
, art. « Ligne d’Appelles » (numéro vol. 1) , p. 476-477
Pline rapporte que ce Peintre, quelqu’occupé qu’il pût être d’ailleurs, ne passoit aucun jour sans tirer quelque ligne : Fuit alioquin perpetua consuetudo numquam tam occupatam diem agendi, ut non, lineam ducendo, exerceret artem. Winckelmann croit que ce passage ne signifie pas qu’il ne laissoit passer aucun jour sans peindre ; mais que chaque jour il étudioit son art, en dessinant d’après nature, ou d’après les grands maîtres qui l’avoient précédé : mais ce n’est point de cela qu’il s’agit dans cet article.
Nous voulons parler de la manière dont, suivant Pline, Appelles fit connoître sa visite à Protogènes. Voici le passage littéralement traduit par M. Falconet.
« On sait ce qui se passa entre lui (Apelles) et Protogènes. Celui-ci demeuroit à Rhodes ; Apelles y étant abordé, avide de connoître, par ses ouvrages, un homme qu’il ne connoissoit que par sa réputation, alla d’abord à son attelier. Protogènes étoit absent ; mais une vieille gardoit seule un fort grand panneau, disposé sur le chevalet, pour être peint. Elle lui dit que Protogenes étoit sorti, et lui demanda son nom. Le voici, dit Apelles, et prenant un pinceau, il conduisit avec de la couleur, sur le champ du tableau, une ligne d’une extrême ténuité (arreptoque penicillo, lineam ex colore duxit summœ tenuitatis per tabulam.) Protogenes de retour, la vieille lui dit ce qui s’étoit passé. On rapporte que l’Artiste, ayant d’abord observé la subtilité du trait, dit que c’étoit Apelles qui étoit venu ; que nul autre n’étoit capable de rien faire d’aussi parfait ; et que lui-même en conduisit un encore plus délie, avec une autre couleur (ipsumque alio colore tenuiorem lineam in illa ipsa duxisse), et dit à la vieille que, si cet homme revenoit, elle lui fit voir cette ligne, en ajoutant que c’étoit là celui qu’il cherchoit. La chose arriva : Apelles revint, et honteux de se voir surpassé, il refendit les deux lignes avec une troisieme couleur, ne laissant plus rien à faire à la subtilité (vinci erubescens, tertio colore lineas secuit, nullum relinquens amplius subtilitati locum). Protogenes s’avouant vaincu, courut en diligence au port chercher son hôte. Or a jugé à propos de conserver à la postérité cette planche qui fit l’admiration de tout le monde, mais particulièrement des artistes. Il est certain qu’elle fut consumée dans le dernier incendie du palais de César, au Mont Palatin. Je l’avois auparavant considérée avec avidité, quoiqu’elle ne contînt, dans sa plus spacieusé largeur, que des lignes qui échappoient à la vue, et qu’elle parût comme vuide au milieu d’excellens ouvrages d’un grand nombre d’artistes (Nihil aliud continentem quam lineas visum effugientes, inter egregia multorum opera inani similem). »
Pline a vu lui-même le tableau ou plutôt le panneau. Le fait s’étoit conservé avec l’ouvrage, dont il pouvoit seul fournir l’explication, et s’étoit transmis d’âge en âge : ce seroit une critique téméraire que de vouloir le révoquer en doute aujourd’hui.
Il peut d’abord sembler frivole, et il est en effet précieux, puisqu’il nous éclaire sur l’histoire de l’art au temps d’Appelles. On voit que sa dispute avec Protogenes n’étoit qu’un combat d’adresse : c’étoit un défi à qui traceroit le trait le plus subtil, et celui qui fit un trait assez fin pour qu’il fût impossible de le refendre, fut déclaré vainqueur. Les deux rivaux s’admirèrent mutuellement, et se reconnureut mutuellement pour de grands maîtres, sans avoir d’autre base de leur jugement que l’extrême finesse de pinceau qu’ils possédoient tous deux, et que tous deux regardoient sans doute, comme une partie très-importante de l’art.
Que devons-nous inférer de ce fait ? Que du temps d’Apelles et de Protogenes, on faisoit autant de cas de la finesse du pinceau, qu’on en estime aujourd’hui la largeur ; que les peintres de cet âge, qui possédoient sans doute les grandes parties de l’art, qui leur étoient communes avec les sculpteurs, étoient secs, durs et mesquins dans la partie du métier, et qu’enfin leur manœuvre devoit avoir beaucoup de rapport avec celle de nos peintres gothiques. C’étoit avec le pinceau le plus fin, c’étoit avec les traits les plus subtils, qu’ils rendoient certaines parties que, depuis la perfection du métier, on exprime bien mieux par masses ou par touches. Aussi ne trouve-t-on dans Pline aucune expression qui réponde à celle qu’employent les Historiens de l’art moderne en Italie, lorsqu’ils appellent une barbe bien peinte una bella macchia (une belle tache). Jamais dans Pline, on ne trouve aucun terme qui réponde à celui de largeur de pinceau, de faire large, de large exécution ; et lorsqu’il loue des Peintres pour avoir bien rendu les cheveux et les polis, je ne serois pas éloigné de croire qu’il entend que ces peintres rendoient toute la finesse des cheveux, et que, d’un pinceau subtil, ils en comptoient en quelque sorte tous les poils. Les contemporains d’Apelles étoient donc grands de dessin et d’expression, mais petits d’exécution. C’est ce que prouve le terme de sept années entières qu’employa Protogenes à faire un tableau d’une seule figure. Il est vrai qu’Apelles lui reprochoit ce fini excessif ; mais les artistes tiennent toujours plus ou moins à leur siècle, et tout ce qu’ils peuvent faire, c’est d’outrer ce qui est en usage. Le fini excessif de Protogenes semble prouver qu’un fini froid étoit d’usage de son temps. Il fut enfin regardé comme l’un des plus grands peintres de son siècle : sa manière n’avoit donc rien dont on fût très-choqué.
On admiroit encore les lignes d’Apelles & de Protogenes du temps de Pline : faut-il en conclure que, du temps de Pline, on faisoit consister dans l’extrême finesse du pinceau le plus grand mérite de la peinture ? Je ne crois pas cette conséquence nécessaire. Il suffit que ces lignes eussent été admirées du temps d’Alexandre, pour qu’elles le fussent encore du public du temps de Vespasien. Pline étoit du nombre des admirateurs ; mais on sait qu’il n’étoit pas grand connoisseur, et il pouvoit bien partager l’admiration publique, sans savoir bien précisément pourquoi il admiroit. C’étoit un amateur, et les amateurs sont fort sujets à se passer, en quelque sorte, l’admiration de main en main. L’O du Gioto n’étoit qu’un tour d’adresse, comme la ligne d’Apelles, et si cet O existoit encore, et qu’il fût exposé dans une vente, je suis sûr qu’il seroit poussé à un très-haut prix. Les connoisseurs savent cependant aujourd’hui ce qu’ils doivent penser de l’O du Gioto.
De Piles, dans ses Vies des peintres, a changé les lignes d’Apelles & de Protogenes en des contours fins & corrects : c’est altérer l’Histoire ; c’est travestir une histoire ancienne par un costume moderne. Pline seul nous a conservé le fait ; il l’a expliqué clairement ; c’est donc lui qu’il faut suivre, et puisqu’il est clair il ne faut pas l’interpréter. En se permettant d’altérer ainsi les anciens événemens, un ne pourroit en tirer que de faux résultats.
Un ami de Voltaire alla le voir, et ne le trouvant pas, il laissa quelques vers sur son bureau ; voici la réponse que fit Voltaire :
On m’a conté, l’on m’a menti peut-être,
Qu’Apelle un jour vint, entre cinq et six,
Confabuler son cher ami Zeuxis,
Et, ne trouvant personne en son taudis,
Fit, sans billet, sa visite connoître.
Sur un Tableau par Zeuxis commencé,
Un trait hardi fut savamment tracé ;
Zeuxis connut son maître & son modèle.
Ne suis Zeuxis ; mais chez moi j’ai trouvé
Un trait frappé par la main d’un Apelle.
L’histoire est changée, ce qui n’est pas une faute dans un badinage poétique ; mais elle a la vraisemblance qu’exigent nos idées actuelles sur l’art. Il est certain qu’une touche savamment prononcée sur un tableau, pourroit faire juger qu’elle est de la main d’un grand maître.
Dans :Apelle et Protogène : le concours de la ligne(Lien)
, art. « O du Giotto »
« C’est une de ces sortes d’histoires qui ne signifient pas grand chose, et dont cependant les auteurs font quelquefois grand bruit. Vous saurez donc que l’envoyé du pape (Benoît IX) ayant vu à Sienne et à Florence tous les peintres les plus fameux, s’adressa enfin au Giotto (pour les ouvrages dont le pontife avoit dessein d’orner l’église de saint Pierre). Après lui avoir témoigné l’intention du pape, il lui demanda quelques dessins pour les lui montrer, avec ceux qu’il avoit déjà des autres peintres. Giotto, qui étoit extrêmement adroit à dessiner, se fit donner aussitôt du papier, et avec un pinceau, sans le secours d’aucun autre instrument, il traça un cercle, et en souriant il le mit entre les mains de ce gentilhomme. Cet envoyé, croyant qu’il se moquoit, lui répartit que ce n’étoit pas ce qu’il demandoit, et qu’il souhaitoit un autre dessin. Mais Giotto, lui repliqua que celui-la suffisoit, qu’il l’envoyât hardiment avec ceux des autres peintres, et que le pape en connoîtroit bien la différence : ce que le gentilhomme fit, voyant qu’il ne pouvoit rien obtenir davantage. »
« Or on dit que ce cercle étoit si également tracé et si parfait dans sa figure, qu’il parut une chose admirable quand on sut de quelle sorte il avoit été fait, et ce fut par-là que le pape et ceux de sa cour comprirent assez combien Giotto étoit plus habile que tous les autres peintres dont on lui envoyoit les dessins. Voilà l’histoire de l’O du Giotto, qui donna lieu aussi-tôt à ce proverbe Tu sei piu tondo che l’O di Giotto, pour signifier un homme grossier et un esprit qui n’est pas fort subtil. » « Il semble par-là que le plus grand savoir de tous ces anciens peintres existât dans la subtilité et la délicatesse de leurs traits ; car ce fut par des lignes très subtiles et très déliées, qu’Apelle et Protogène disputèrent à qui l’emporteroit l’un sur l\'autre, et Protogène ne céda à Apelle que quand celui-ci eut coupé avec une troisième ligne plus délicate les deux qu’ils avoient déjà tracées l’une sur l’autre. A vous dire le vrai, ni l’O du Giotto, ni ces lignes d’Apelle et de Protogène ne sont point capables de nous donner une haute idée de leur savoir. (Felibien.) »
On reconnoît, dans le passage que nous venons de citer, le langage d’un homme qui connoît les arts, et qui ne rapporte pas avec admiration ce qui n’est admirable qu’aux yeux de l’ignorance. Tout ce que prouve le cercle tracé sans compas par le Giotto, c’est qu’il avoit la main très sûre, et qu’il pouvoit tracer un beau contour avec fermeté s’il avoit ce beau contour dans la tête, ou s’il savoit le choisir dans la nature : il restoit donc à savoir, et c’étoit le principal, s’il avoit la tête ainsi meublée et s’il étoit capable d’un pareil choix ; à ces conditions, la fermeté de sa main devenoit une qualité estimable. L’officier du pape raisonnoit donc mieux que ce pontife et toute sa cour, quand il demandoit au peintre un autre dessin.
Quand le Poussin traçoit d’une main tremblante le beau tableau du déluge ; quand Jouvenet paralytique peignoit de la main gauche son Magnificat, ni l’un ni l’autre de ces artistes n’auroit tracé un cercle sans compas, et tous deux firent des ouvrages bien supérieurs à ceux du Giotto. L’adresse de la main peut aider un artiste, mais le véritable principe de son talent est dans son esprit. C’est abbaisser les arts, c’est n’en avoir pas le sentiment, que d’élever trop haut la partie purement manuelle.
Dans :Apelle et Protogène : le concours de la ligne(Lien)
, art. « Sculpture », « Sculpture chez les Grecs », p. 328
Les artistes du beau style donnèrent à la grace un charme plus attrayant, et remplacèrent la fierté par l’aménité. C’étoit, dit Winckelmann, la fière Junon qui, pour être sûre de plaire, emprunte le ceste de Vénus. Il croit que les peintres furent les premiers à cultiver cette grace, que Parrhasius en fut le père, et qu’elle se communiqua sans réserve à Apelles. Les statuaires l’empruntèrent des peintres, et tous les ouvrages de Praxitèles se distinguèrent par la grace.
Dans :Apelle supérieur par la grâce(Lien)
, art. « Sculpture », « Sculpture chez les Grecs », « Observations de Mengs sur l’histoire de l’art chez les Anciens », p. 334
Vers le règne d’Alexandre, on atteignit à la plus haute perfection, en donnant plus de mouvement aux contours et en ôtant à la pierre sa dureté ; les sculpteurs commencèrent alors à étudier la chair et cherchèrent à parvenir à la parfaite imitation de la nature. C’est vraisemblablement à la peinture que la sculpture doit ce dernier effort. Elle-même ne dut approcher de ce degré de perfection que dans l’école de Pamphile ; on peut même croire que beaucoup de choses manquoient encore à cette école ; mais Apelles, son éléve, parut ; il aggrandit le goût de son temps et en ôta toute la sécheresse. Lui-même disoit que chacun des autres peintres en particulier savoit beaucoup, mais que lui seul avoit la grace en partage : il ajoutoit qu’il avoit un grand avantage sur Protogène, celui de savoir le moment où il falloit quitter un ouvrage. Il ne faudroit pas inférer de là qu’il laissoit à ses tableaux quelques négligences, mais qu’il savoit éviter tout ce qui conduit à la sécheresse qui est la suite d’un fini trop recherché.
Dans :Apelle et la nimia diligentia(Lien)
, art. « Couleur » (numéro vol. 1) , p. 161
Quoique l’on doive convenir que la quantité des substances colorantes donne un avantage aux peintres modernes sur les anciens qui n’employoient que les couleurs capitales, il ne faut pas croire que les ceux-ci fussent réduits à une disette qui les empêchât d’être grands coloristes. Les couleurs dont ils faisoient usage, et qui ne montoient qu’au nombre de cinq, en y comprenant le noir et le blanc, produisoient par leurs différentes combinaisons 819 changements. C’est M. Mayer, professeur de Gœttingue, qui en a fait le calcul. Pour affirmer ou nier qu’Apelle ou Protogène, ont été grands coloristes, il faudroit avoir vu de leurs tableaux : mais l’argument qu’on tireroit du petit nombre de couleurs primitives dont ils couvroient leur palette ne pourroit fournir contre eux aucune preuve concluante. On assure que Santerre, qui pouvoit profiter de tous les matériaux qu’employoient ses contemporains, s’étoit volontairement réduit aux cinq couleurs des anciens Grecs. Il plaît aux amateurs par un coloris tendre et gracieux. Il auroit tiré des mêmes matériaux une couleur vigoureuse s’il y avoit été porté par son goût naturel. Les substances qu’il employoit étoient l’outre-mer, le massicot, le gros rouge-brun, le blanc de craie et le noir de Pologne.
Dans :Apelle et la tétrachromie(Lien)
, art. « Peinture chez les Grecs » , p. 647
[[4:suit Apelle Vénus inachevée ; voir aussi Apelle irreprésentable]] Apelles, comme les peintres qui l’avoient précedé, travailloit à l’encaustique, et n’employoit que quatre couleurs ; cependant avec ces quatre seules couleurs il représenta l’éclair et le tonnerre, avec assez de succès au moins pour que les anciens ayent vanté cet effort de l’art. C’est que le clair-obscur a bien autant de part à ces grands effets que l’extrême variété des teintes. On connoît dans cette partie les succès de la gravure qui n’a d’autres ressources que l’opposition du noir et du blanc. [[4:suite : Apelle et Campaspe]]
Dans :Apelle et la tétrachromie(Lien)
, p. 650-651
Pline remarque qu’Apelles, et ses contemporains, et tous ceux qui les avoient précédés, n’employoient que quatre couleurs ; le blanc, le rouge, le jaune et le noir. Ils se servoient pour le rouge de la sinopis de Pont ; M. Falconet remarque que Polygnote joignoit le pourpre à ces quatre couleurs, mais ce n’étoit ajouter qu’un nouveau rouge : il se pourroit même que Polygnote n’eût employé que la Sinopis pour représenter la robe de pourpre d’Héléne.
J’ai peine à croire qu’ici le récit de Pline soit bien exact. En paroissant accorder quatre couleurs aux anciens peintres de la Grece, il ne leur en accorde en effet que deux ; car le noir n’est que la privation de la lumiére et par conséquent de toute couleur, et le blanc n’est que la représentation de la lumière. Ils suppose des Artistes dont il célébre l’habileté, beaucoup plus pauvres dans les moyens qu’ils employoient que les ouvriers qui peignoient en Egypte les bandelettes des momies. En effet, ceux-ci employoient au moins quatre couleurs véritables ; le bleu, le rouge, le jaune & le verd. Je serois donc porté à croire, malgré l’autorité de Pline, que Polygnote et ses contemporains faisoient usage de ces quatre couleurs, auxquelles ils joignoient le blanc et le noir. De ces matériaux simples, pouvoit naître un très-grand nombre de combinaisons qui permettoient aux peintres, non de colorer comme le Titien, mais de produire au moins des effets imposans de couleur.
Pline met Apelles et ses contemporains au nombre des peintres qui n’ont employé que quatre couleurs. Son assertion est combattue, ou du moins balancée par un passage de Cicéron. « C’est la beauté des formes, dit l’Orateur, et la pureté du trait que nous louons dans les ouvrages de Zeuxis, de Polygnote, de Timanthe et de ceux qui n’ont employé que quatre couleurs : mais dans Aëtion, Nicomaque, Protogènes, Appelles, tout est déja parfait. » Similis in pictura ratio est, in quà Zeuxim, & Polignotum, & Timanthem, & eorum qui non sunt usi plusquam quatuor coloribus, formas & lineamenta laudamus : at in Aëtione, Nicomacho, Ptotogene, Appelle, jam perfecta sunt omnia. (De clar. orat.)
Cicéron aimoit les arts, il avoit vu en Grece les ouvrages des grands Artistes, il achetoit de ces ouvrages ; je ne dirai pas qu’il eût une connoissance profonde des arts ; mais il étoit ce qu’on appelle communément un connoisseur ; c’en est assez pour la question dont il s’agit. Or il oppose Apelles et ses contemporains, aux anciens peintres qui n’employoient que quatre couleurs, et qui étoient moins des peintres que des dessinateurs qui relevoient de quelques couleurs leurs compositions. J’aurai plus de confiance en son jugement qu’en celui de Pline qui peut-être aimoit peu les arts, qui ne fut engagé à en parler que parce qu’il traitoit des substances employées par les Artistes, et qui peut-être encore ne commença à s’occuper un peu des arts, que lorsqu’il fut parvenu à la partie de son livre où il crut devoir en parler.
On peut donc croire que peu de temps après Parrasius et Zeuxis, les peintres cesserent de se contenter de quatre couleurs.
Dans :Apelle et la tétrachromie(Lien)
, art. « Sculpture », « Sculpture chez les Grecs » , p. 317-318
Comme ces premières têtes étoient trop mal travaillées pour qu’on pût distinguer si elles appartenoient à des hommes ou à des femmes, on s’avisa, dans la suite, d’indiquer le caractère du sexe vers le milieu de la pierre qui représentoit le corps de la statue. A une autre époque on imagina d’indiquer la séparation des cuisses par une incision. Ce nouveau progrès, dont on fait honneur à Dédale, fut regardé comme prodigieux par un peuple destiné à devenir un jour, pour les arts qui dépendent du dessin, le maître et le modèle de tous les peuples de l’Europe. […] Nous venons de les voir séparer les jambes des figures, et s’approcher de l’époque où ils sauront faire ce qu’on peut appeller des statues ; mais, les premières qu’ils firent, au lieu de montrer les contours purs et coulans de la nature, ne furent qu’imparfaitement équarries, et à cette époque, l’art naissant des Grecs, ressembloit à ce que resta celui des Egyptiens. Les yeux applatis, et allongés sembloient clignotans, car c’est ainsi, comme le pense du moins Winckelmann, qu’il faut entendre le passage de Diodore de Sicile, qui concerne Dédale, au lieu qu’en suivant l’interprétation des traducteurs, cet historien auroit dit que l’artiste donne à ses figures des yeux fermes. Au reste ces figures équarries étoient droites, roides, sans action, sans mouvement, ayant les bras pendans sur les côtés, et les jambes parallèles et peu écartées l’une de l’autre.
Dans :Dédale et l’invention de la sculpture(Lien)
, « Histoire de la sculpture, Seconde partie », p. 340
Athènes qui devoit produire un jour de si grands artistes, et acquérir par eux tant de gloire, vit naître dans son sein, treize siècles et demi avant notre ère, le plus ancien des artistes dont le nom ait été conservé. C’est DÉDALE, petit fils d’Erechtée, roi d’Athènes. On sait que le mot Dédale, Daedala, désignoit autrefois, dans la langue grecque, tous les ouvrages faits avec art, en sorte qu’on est incertain si Dédale donna son nom à l’art, ou si ce fut de l’art qu’il reçut son nom. Dédale ayant tué le fils de sa sœur, se réfugia auprès de Minos II, roi de Crète, et fit un grand nombre d’ouvrages de sculpture pour ce monarque et pour ses filles. On prétend que, le premier, il détacha les membres des figures, et leur ouvrit les yeux.
Dans :Dédale et l’invention de la sculpture(Lien)
, art. « Portrait », p. 205
Chez les Grecs, ces grands maîtres de l’art, il n’y avoit point de mots pour exprimer les idées que nous rendons par peindre le portrait, peintre de portraits. Le plus célèbre de leurs peintres de portraits fut Apelle, qui étoit en même-temps le plus célèbre de leurs peintres d’histoire. Il paroît seulement que, dans le dernier siècle de la république Romaine, une artiste Grecque, Lala de Cyzique, se borna au genre du portrait.
Dans :Femmes peintres(Lien)
, art. « Peinture chez les Grecs » (numéro vol. 1) , p. 640
[[7:voir le reste dans Bularcos]] Si nous nous égarons, c’est sur les traces de Pline qui est confus dans les faits, indécis sur les dates, et dont le récit offre des contradictions fréquentes.
Dans :Fortune de Pline(Lien)
, art. « Peinture chez les Grecs » (numéro vol. 1) , p. 650
Pausias, de Sicyone, d’abord éleve de Briès, son père, et ensuite de Pamphile. Nous avons vu qu’Apelles, éleve de Pamphile, crut que, pour acquérir plus de considération, il devoit se mettre quelque temps sous la discipline des maîtres de Sicyone, et voilà qu’un peintre de Sicyone entre à grands frais dans l’école de Pamphile. C’est une de ces nombreuses difficultés qui se trouvent dans l’histoire de l’Art antique, parce que de tous les auteurs qui en ont traité, il ne nous reste que Pline qui en a écrit briévement sans avoir toutes les connoissances nécessaires ; et que si d’autres écrivains ont parlé de l’art ou des Artistes, ce n’a été qu’en passant.
Dans :Fortune de Pline(Lien)
, art. « Peinture chez les Grecs » (numéro vol. 1) , p. 644
On peut conclure de son entretien avec Socrate, rapporté par Xénophon, qu’il est le premier peintre de la Grèce qui se soit occupé de cette grande partie de l’art[[5:l’expression.]], et qu’il ne s’y est livré que par le conseil du philosophe.
Mais si Parrhasius mit le premier de l’expression dans ses tableaux, ce qui paroît confirmé par Pline, qui dit que le premier il rendit les finesses du visage, comment Polygnote avoit-il dans cette partie la supériorité qu’Aristote semble lui attribuer ? Peut-être faudra-t-il entendre par le mot êthê, les mœurs, qu’employe Aristote, ce qu’on entend dans les arts par le caractère, et ce qui n’est point encore l’expression des affections de l’ame. Michel-Ange avoit un grand caractère ; mais il n’avoit pas l’expression de Raphaël.
Dans :Parrhasios et Socrate : le dialogue sur les passions(Lien)
, art. « Caractère », p. 92
Lorsque les arts du dessin, de la sculpture et de la peinture sont au berceau, c’est aux caractères les plus généraux que s’attachent ceux qui les exercent ; et leurs chefs-d’œuvres consistent à faire distinguer, dans les représentations qu’ils entreprennent, un homme d’avec une femme, et un cheval d’avec un bœuf.
Dans :Peintres archaïques : « ceci est un bœuf »(Lien)
, art. « Détails », p. 192
Pausanias nous a transmis une longue description de tous les ornemens qui accompagnoient la célèbre statue de Jupiter Olympien, chef-d’œuvre de Phidias. Il paroît que ces ornemens ne manqueront pas d’admirateurs dans l’antiquité, parce que ces sortes de fautes contre le véritable esprit des arts charmeront toujours le vulgaire de tous les temps. « Tâchez d’appercevoir, dit M. Falconet, si cette quantité d’ornemens de toute espèce concouroit au vrai but de l’art on s’en éloignoit ; laissez-là les éloges que les écrivains ont pu faire de cet ensemble, ces éloges fussent-ils l\'écho de l’admiration des contemporains : et si après en avoir jugé par le goût universel qui l’emporte sur les fantaisies des temps et des pays particuliers, vous trouvez que le Jupiter, avec tous ses ornemens, étoit encore grand, majestueux, sublime, vous pourrez trouver qu’en retranchant une partie de ces superfluités, il eût été en proportion du retranchement, plus majestueux et plus sublime encore. »
Dans :Phidias, Zeus et Athéna(Lien)
, art. « Poésie »
Ce mot vient du verbe grec πέω faire. Le poëte est, par excellence, celui qui fait, qui produit, qui invente. Le peintre est poëte quand il crée ; il n’est que peintre, quand il copie, ou qu’il imite.
Homère fut poëte quand il représenta Jupiter ébranlant l’Olympe d’un mouvement de ses noirs sourcils : il inventa, il vit, il peignit par la parole, la physionomie du Maître des Dieux. Phidias fut poëte, quand après avoir lu les vers d’Homère, il devint son rival et peut-être son vainqueur ; quand il se représenta la tête imposante et majestueuse du Dieu, celle qu’elle devoit être d’après les vers du poëte ; quand dans un recueillement qui ne peut appartenir qu’au génie, éloignant de son imagination toutes les idées qui ne conviennent qu’à la foiblesse humaine, il parvint à voir le Dieu comme un modèle docile qu’il auroit posé devant lui ; quand, dans la longue durée de son enthousiasme, il créa la tête du Jupiter Olympien, qui fit l’admiration de toute la Grèce.
Dans :Phidias, Zeus et Athéna(Lien)
, art. « Sculpture », « Histoire de la sculpture, Seconde partie », p. 349
§39, PHIDIAS. Toute l’antiquité se plut à célébrer son Jupiter Olympien. Il disoit lui-même que l’idée de ce chef-d’œuvre lui avoit été inspirée par ces vers d’Homère qui représentent le maître des dieux ébranlant l’Olympe d’un mouvement de ses noirs sourcils. Le dieu étoit assis sur un trône ; sa couronne imitoit des branches d’olivier. Il tenoit dans sa main droite une Victoire d’ivoire et d’or, ayant la tête ceinte d’une bandelette, et surmontée d’une couronne : dans sa gauche étoit un sceptre brillant de l’éclat de tous les métaux, et surmonté d’un aigle. Le manteau du dieu étoit d’or, ainsi que sa chaussure ; des animaux et des lys formoient le dessin de ce manteau. L’ivoire dominoit dans ce monument ; ce qui a fait dire à Strabon qu’il étoit d’ivoire, quoique l’artiste y eût employé l’or et d’autres métaux : la figure étoit assise ; et, quoique le temple fût vaste et élevé, sa tête touchoit presque à la voûte : si le dieu eût voulu se lever, il auroit été obligé de la percer. L’intention de l’artiste étoie de donner une idée de la grandeur du dieu ; et quoique cette proportion, trop forte pour celle du temple, puisse nous sembler vicieuse, les anciens qui ont vu le monument n’ont fait que l’admirer : nous n’avons pas le droit de nous montrer plus sévères, nous qui ne pouvons nous en former qu’une image imparfaite ; croyons que l’artiste avoit mis dans cet ouvrage tant de majesté, qu’elle faisoit oublier ce que les proportions avoient d’exagéré. Le trône étoit d’or, d’ivoire et d’ébène. Les ornemens en peinture et en sculpture y étoient prodigués. Pausanias nous en a transmis la description ; que nous croyons inutile de transcrire. Il suffit de savoir qu’il étoit chargé d’une multitude d’objets, sans doute bien traités, mais qui ne devoient pas être exempts de confusion. On est obligé de convenir que, du temps de Phidias, on n’avoit pas encore découvert que le grand s’aggrandit par la sobriété et la simplicité des ornemens. Il en aura été des Grecs comme des modernes ; ce n’aura été qu’après avoir saisi le grand dans les parties capitales, que le goût se sera porté vers la théorie du grand dans les accessoires.
La statue de Minerve, dans le Parthenon, à Athènes, étoit au nombre des ouvrages célèbres de Phidias : elle étoit d’or et d’ivoire. Un sphynx formoit le cimier de son casque, et aux deux côtés étoient des gryphons. La statue étoit debout et la draperie descendoit jusqu’aux pieds. Sur sa poitrine étoit la tête de Méduse en ivoire et une victoire haute de quatre coudées ; cette mesure, qui nous a été conservée par Pausanias, peut nous donner une idée de la grandeur collossale de la statue. La déesse tenoit une lance, près de laquelle étoit un dragon que l’on croyoit être le dragon érichtonien. Son bouclier étoit à ses pieds : à la partie convexe, l’artiste avoit sculpté le combat des Amazones, à la partie concave, le combat des dieux des géans : il n’avoit pas même épargné le travail sur la chaussure ; on y voyait représenté le combat des Lapithes et des Centaures. Les anciens ont loué cette profusion ; les modernes ont raison de ne la point approuver. Sur la base qui supportoit ce collosse étoit représentée en bas-relief la naissance de Pandore. Ce sujet contenoit vingt divinités.
Dans :Phidias, Zeus et Athéna(Lien)
, article « Caricature », vol. 1, p. 96
Aristote dit que les arts, dans leurs imitations, font les hommes, ou tels qu’ils sont, ou meilleurs qu’ils ne sont, ou enfin plus mauvais. Le peintre ou le dessinateur de caricatures les fait plus mauvais ; mais il peut, comme dans la comédie, avoir un but moral ; et alors il ne dit pas : voilà comme vous êtes, mais, voilà comme vous affectez d’être. Telles sont les caricatures du célèbre Hogart, qui en exagérant les caractères, les usages et les mœurs de ses compatriotes, eut, sans doute, intention de les corriger.
Dans :Polygnote, Dionysos et Pauson : portraits pires, semblables, meilleurs(Lien)
, art. « Sculpture », « Histoire de la sculpture, Seconde partie », PRAXITELE (numéro §60) , p. 357-358
Tous les ouvrages que Pline vient de rapporter sont de bronze : il parle ailleurs de ceux de marbre. « En parlant des statuaires, dit-il, nous avons fait mention de Praxitèles qui s’est surpassé lui-même dans le marbre. Mais la première des statues, non-seulement de Praxitèles, mais de toute la terre, c’est sa Vénus qui a engagé bien des gens à entreprendre la navigation de Gnide pour la voir. Cet artiste avoit fait deux Vénus qu’il mit en vente en même temps : l’une étoit couverte d’une espèce de voile, et par cette raison, ceux de Cos, qui avoient le choix, la préférèrent, quoiqu’ils pussent avoir l’autre au même prix, croyant montrer en cela de la pudeur et des mœurs sévères : les Gnidiens achetèrent l’autre. La différence de leur réputation est extrême. Le roi Nicomède voulut dans la suite acheter celle des Gnidiens, sous la promesse de payer les dettes de la ville, qui étoient immenses ; mais les habitans aimèrent mieux s’exposer à tout que de s’en défaire, et ils eurent raison ; car, par cette figure, Praxitèle illustra la ville de Gnide. Le petit temple où elle est placée est ouvert de toutes parts, afin que la figure puisse être vue de tous côtés, ce qu’on croit ne pas déplaire à la déesse ; et, de quelque côté qu’on la voie, elle excite une égale admiration. On dit qu’un homme épris d’amour pour cette figure, s’étant caché, en jouit pendant la nuit, et qu’une tache qui y resta fut la marque de sa passion. » […]
Le même auteur fait voyager le jeune Anacharsis à Gnide : « Bientôt, lui fait-il dire, nous nous trouvames en présence de la célèbre Vénus de Praxitele. On venoit de la placer au milieu d’un petit temple qui reçoit le jour de deux portes opposées, afin qu’une lumière douce l’éclaire de toutes parts. Comment peindre la surprise du premier coup-d’œil, et les illusions qui la suivirent bientôt ? Nous prêtions nos sentimens au marbre, nous l’entendions soupirer. Deux élèves de Praxitele, venus récemment d’Athènes pour étudier ce chef-d’œuvre, nous faisoient entrevoir des beautés dont nous ressentions les effets, sans en pénétrer la cause. Parmi les assistans, l’un disoit : Vénus a quitté l’Olympe, elle habite parmi nous. Un autre : si Junon et Minerve la voyoient maintenant, elles ne se plaindroient plus du jugement de Pâris. Un troisième : la Déesse daigna autrefois se montrer sans voile aux yeux de Pâris, d’Anchise, et d’Adonis : a-t-elle apparu de même à Praxitele ?... Oui, répondit un élève, et sous la figure de Phryné. En effet, au premier aspect, nous avions reconnu cette fameuse courtisane. Ce sont de part et d’autre les même traits, le même regard. Nos jeunes artistes y découvroient en même temps le souris enchanteur d’une autre maîtresse de Praxitele, nommée Cratine. »
« C’est ainsi que les peintres et les sculpteurs, prenant leurs maîtresses pour modèles, les ont exposées à la vénération publique sous les noms de différentes divinités. C’est ainsi qu’ils ont représenté la tête de Mercure d\'après celle d’Alcibiade. » « Les Gnidiens s’enorgueillissent d’un trésor qui favorise à la fois les intérêts de leur commerce et ceux de leur gloire. Chez des peuples livrés à la superstition, passionnés pour les arts, il suffit d’un oracle ou d’un monument célèbre pour attirer les étrangers. On en voit très-souvent qui passent les mers et viennent à Gnide contempler le plus bel ouvrage qui soit sorti des mains de Praxitele. » Nous avons dit à l’article MYTHOLOGIE, en parlant de Vénus, que celle qui porte le nom de Médicis, nous offre probablement, sinon une copie, du moins une imitation de la Vénus de Gnide. On voyoit encore celle-ci à Constantinople du temps de Théodose.
Dans :Praxitèle, Vénus de Cnide(Lien)
, art. « Couche », vol. 1, p. 157-158
Ce mot signifie en peinture un enduit de couleur qu’on met sur des treillages, des trains de carosses, des auvents etc, sur des planches, sur des murailles, sur des toiles avant de peindre dessus. On appelle cette façon d’enduire, imprimer. Cette toile, dit-on, n’a eu qu’une couche de couleur. On dit bien en peinture coucher la couleur. Avant de fondre les couleurs, il faut qu’elles soient couchées : mais on ne dit pas : ce tableau a eu trois couches de couleurs, pour exprimer qu’il a été repeint trois fois sur l’ébauche (ancienne Encyclopédie).
On pourroit employer ce mot, si l’on peignoit comme Pline prétend que Protogene peignit son Ialise. « Il mit, dit-il, à ce tableau quatre couleurs l’une sur l’autre, pour le défendre des injures du tems et de la vétusté, afin qu’une couleur venant à tomber l’autre lui succédât. » Il faut donc croire, sur la foi de Pline, que Protogene fit quatre fois sur la même planche ce même tableau, copiant toujours avec la plus froide exactitude, sur la couche supérieure ce qu’il avait fait sur la couche inférieure.
« Cette manière de s’exprimer, dit M. Falconet, il mit quatre couleurs l’une sur l’autre, n’est point celle d’un connoisseur ; 1° parce qu’elle ne présente à l’esprit aucun des procédés de l’art ; 2° parce qu’elle n’est pas claire ; 3° parce qu’elle est triviale, et qu’elle est dans les termes dont on se serviroit pour l’impression d’une toile. Peut-être Protogene a-t-il ébauché et empâté trois fois son tableau avant de le finir ; opération qui demande de la chaleur : mais s’il a peint quatre tableaux finis l’un sur l’autre, étoit-ce un peintre ? Pline ne voit pas combien cette marche et ces petits moïens sont oposés aux ressorts, à l’esprit, aux procédés de l’art : la fatigue et l’ennui devoient au moins sauter aux yeux dans ce triste chef-d’œuvre. »
Il y avoit un chien dans ce tableau, et le peintre ne pouvoit exprimer d’une manière satisfaisante la bave de ce chien haletant. Dans sa colère, il jetta son éponge chargée de couleur contre cette partie, et ce hazard produisit ce que son travail et son adresse n’avoient pu rendre. Mais, dit plaisamment M. Falconet, « la bave du chien avoit-elle les quatre couches de couleur, ou Protogène avoit-il jetté successivemnet l’éponge aux quatre chiens ? »
Dans :Protogène, L’Ialysos (la bave du chien faite par hasard)(Lien)
, art. « Sculpture », « Sculpture chez les Grecs », p. 325
Les anciens avoient adopté pour la composition deux règles principales dont ils se sont rarement écartés ; celle de n’employer que le plus petit nombre de figures que permettoit le sujet, et celle de les représenter dans des actions modérées. Les poëtes tragiques n’introduisoient ordinairement que deux personnages à la fois sur la scène et jamais plus de trois ; les artistes, reconnoissant que cette règle étoit fondée sur les bornes de l’attention des spectateurs que les poëtes vouloient ménager, pour la fixer plus surement, l’adoptèrent eux-mêmes autant que le leur permettoient les sujets qu’ils avoient à traiter. Quelquefois même ils forçoient des sujets qui supposoient une grande multiplicité de figures, à se contenter d’un petit nombre ou même d’une seule, dont l’action avoit d’autant plus d’empire sur l’ame des spectateurs, que leur attention n’étoit pas distraite par d’autres objets. Ainsi le peintre Théon, que les anciens ont placé entre leurs artistes les plus ingénieux, voulant representer un guerrier qui résiste seul à ses adversaires, ne peignit que la seule figure de ce guerrier, et laissa l’imagination des spectateurs se peindre à elle-même les ennemis qui étoient censés hors de la toile. Les récits des temps héroïques et les poëmes d’Homère sont remplis d’actions qui se passent entre un petit nombre de figures, et c’étoit ces actions simples que l’art se plaisoit surtout à traiter.
Dans :Théon de Samos, l’Hoplite(Lien)
, art. « Passions », « Pratique des artistes grecs dans la représentation des passions », p. 615
Les anciens représentoient, dans les personnages héroïques, les passions réprimées par le courage et la sagesse. Quand on ne connoîtroit de toute l’antiquité que les apophtegmes de Plutarque, on devroit savoir que c’est un contre-sens de représenter les anciens se livrant à la fougue et aux désordres des impressions de l’ame, même dans les crises les plus violentes de la nature. Xénophon continuant son sacrifice lorsqu’il vient d’apprendre la mort de son fils, doit-il être représenté dans l’abandon de la douleur. Quand un homme grave, mais souffrant, ne pouvoit résister au choc des affections violentes il se couvroit le visage. Il auroit cru manquer à la décence et à lui-même en montrant son front dégradé par la douleur. C’est peut-être cette décence que Timanthe voulut observer, en couvrant d’un voile la tête d’Agamemnon.
Dans :Timanthe, Le Sacrifice d’Iphigénie et Le Cyclope (Lien)
, art. « Peinture chez les Grecs », vol. 1, p. 655
TIMOMAQUE de Bysance étoit contemporain de Jules-César. Il fit pour ce dictateur un Ajax furieux et une Médée massacrant ses enfans, sujet condamné par Plutarque, sans doute parce que les Grecs ne vouloient pas que l’art consacrât des actions atroces. César paya ces deux tableaux 80 talens, 360 mille livres de notre monnoie. Une somme si considérable, donnée à un peintre vivant pour deux tableaux, prouve que l’artiste jouissoit d’une haute réputation, et que l’art ne passoit pas encore pour avoir dégénéré dans les derniers temps de la république Romaine : car on auroit pu se procurer des tableaux anciens au même prix. La Médée de Timomaque, a été célebrée par des poetes Grecs, dont les pieces sont dans l’anthologie ; l’une d\'elles nous apprend que ce tableau étoit à l’encaustique. L’auteur mourut avant qu’il fût entièrement terminé.
Dans :Timomaque, Ajax et Médée(Lien)
, art. « Passions », « Pratique des artistes grecs dans la représentation des passions », vol. 1, p. 616
Le célèbre peintre Timomaque n’avoit pas représenté Ajax au moment de ses fureurs, lorsqu’il égorge un bélier qu’il prend pour le chef des Grecs : mais il avoit choisi l’instant où le héros, dans ce tranquille désespoir qui ressemble à l’apathie, réfléchit sur son erreur. C’est encore ainsi qu’il est figuré sur la table iliaque au Capitole, et sur plusieurs pierres gravées. Une seule pâte antique le représente tuant un bélier.
Dans :Timomaque, Ajax et Médée(Lien)
, art. « Illusion », vol. 1 , p. 438
Le but des arts qu’on appelle arts d’imitation, est fixé par cette dénomination même. Ils doivent imiter la vérité, mais ces imitations ne doivent pas être prises pour la vérité même. Si elles ressembloient parfaitement à la nature, si elles pouvoient être prises pour elle, elles n’exciteroient plus aucun sentiment d’admiration ni de plaisir. […] Cependant les personnes qui ne connoissent point l’art, placent dans l’illusion la perfection de la peinture. Cette erreur n’est pas nouvelle. Les anciens ont célébré les raisins de Zeuxis que des oiseaux vinrent becqueter, et le rideau de Parrhasius qui trompa Zeuxis lui-même. Il est vrai que l’artiste, en prenant les précautions nécessaires pour la manière dont il expose ses ouvrages, peut opérer une illusion complette par des peintures de fruits, de rideaux, de bas-reliefs, d’ornemens d’architecture, et d’autres objets semblables ; mais il ne fera jamais prendre pour la vérité même un tableau qui supposera des plans variés et un certain enfoncement. Si donc l’illusion étoit la première partie de la peinture, la plus grande gloire, dans ce genre, seroit réservée aux peintres qui ne traitent que les plus petits détails de la nature, et le dernier de tous les genres seroit celui de l’histoire, parce qu’il se refuse plus que les autres à la parfaite illusion.
« On voit, dit Félibien, de certaines remarques qu’Annibal Carrache a faites sur les vies des peintres de Vasari, et à l’endroit où il est parlé de Jacques Bassan, il dit : Jacques Bassan a été un peintre excellent et digne de plus grandes louanges que celles que Vasari lui donne, parce qu’outre les beaux tableaux qu’on voit de lui, il a fait encore de ces miracles qu’on rapporte des anciens Grecs, trompant par son art, non seulement les bêtes, mais les hommes : ce que je puis témoigner, puisqu’étant un jour dans sa chambre, je fus trompé moi-même, avançant la main pour prendre un livre que je croyois un vrai livre, et qui ne l’étoit qu’en peinture. »
Est-il bien vrai qu’Annibal ait fait cette note ? Mais s’il l’a faite, il ne faut pas se laisser séduire par quelques mots peu réfléchis, échappés à ce grand artiste. Surpris d’avoir été trompé lui-même par un ouvrage de l’art, il a mis, sans y bien songer, trop d’importance à cette petite aventure : mais on peut être bien sûr qu’il auroit pas donné l’un de ses moindres tableaux d’histoire pour le livre peint et découpé du Bassan.
Dans :Zeuxis et Parrhasios : les raisins et le rideau(Lien)
, p. 643
Ses principaux ouvrages[[5:de Zeuxis.]] sont une Pénélope, dans laquelle, suivant Pline, il paroissoit avoir peint les mœurs de cette princesse, ce qui suppose plus de talent dans l’expression qu’Aristote ne lui en accorde […].
Dans :Zeuxis et Polygnote : action et caractères(Lien)
, art. « Sculpture », « Sculpture chez les Grecs », p. 324
La beauté ne se trouvant pas également parfaite dans toutes les parties d’un même individu, il faut la considérer comme un choix des plus belles parties prises dans différens modèles ; mais avec tant de soin et d’intelligence, que ces parties détachées de différens corps, ont entre elles cet accord parfait d’où résulte un beau tout.
Il paroît que les anciens se bornèrent quelquefois au beau individuel, même dans les siècles les plus florissans de l’art. Théodote, à qui Socrate fit une visite avec ses disciples, servoit de modèle aux artistes de son temps. Il est probable aussi que Phryné servit quelquefois seule de modèle à des peintres et à des sculpteurs. Mais Socrate, dans son entretien avec Parrhasius, nous apprend que, pour s’élever à une beauté plus parfaite, les artistes réunissoient dans une seule figure les beautés de plusieurs corps, et nous savons que Zeuxis, pour peindre son Hélène, choisit les différentes beautés des plus belles femmes de Crotone.
Dans :Zeuxis, Hélène et les cinq vierges de Crotone(Lien)
, art. « Peinture chez les Grecs », vol. 1, p. 643
Zeuxis acquit de grandes richesses, et s’en servit pour étaler un faste imposant : il se montroit aux jeux olympiques avec un manteau sur lequel son nom étoit brodé en lettres d’or. Dès lors il fit présent de ses ouvrages, croyant qu’ils ne pouvoient être payés dignement. Si l’on blâme son orgueil, on peut avoir quelqu’estime pour sa fierté ; elle ne messied point aux grands talens. J’aime à voir le peintre Zeuxis imposer de la reconnoissance au roi Archélaüs, à qui il fit présent d’un tbaleau qui représentoit le dieu Pan. Il donna aussi une Alcmene aux Agrigentins.
Dans :Zeuxis et la richesse(Lien)