Type de texte | source |
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Titre | Les Beaux-Arts réduits à un même principe |
Auteurs | Batteux, Charles |
Date de rédaction | |
Date de publication originale | 1746 |
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Editeur moderne | |
Date de reprint | Paris, Durand |
, p. 124
Ce fut alors, à proprement parler, que les arts sortirent de la nature. Jusque-là tous leurs éléments y avaient été confondus et dispersés comme dans une sorte de chaos. On ne les avait guère connus que par soupçon, ou même par une sorte d’instinct. On commença alors à en démêler quelques ébauches. C’était beaucoup : il n’était pas aisé de trouver ce dont on n’avait pas une idée certaine, même en le cherchant. Qui aurait cru que l’ombre d’un corps, environné d’un simple trait, pût devenir un tableau d’Apelle, que quelques accents inarticulés puissent donner naissance à la musique telle que nous la connaissons aujourd’hui ? Le trajet est immense.
Dans :Les origines de la peinture(Lien)
, p. 212
Ce sont des dieux qui doivent parler en dieux[[6:L’auteur parle de l’opéra.]]. Pour former leurs caractères, le poète choisit ce qu’il connaît de plus beau et de plus touchant dans la nature, dans les arts, dans tout le genre humain ; et il en compose des êtres qu’il nous donne, et que nous prenons pour des divinités. Mais ce sont toujours des hommes : c’est le Jupiter de Phidias. Nous ne pouvons sortir de nous-mêmes, ni caractériser les choses d’imagination que par les traits que nous avons vus dans la réalité.
Dans :Phidias, Zeus et Athéna(Lien)
, p. 91-92
Que fit Zeuxis quand il voulut peindre une beauté parfaite ? Fit-il le portrait de quelque beauté particulière, dont sa peinture fût l’histoire ? Il rassembla les traits séparés de plusieurs beautés existantes, il se forma dans l’esprit une idée factice qui résultât de tous ces traits réunis : cette idée fut le prototype, ou le modèle de son tableau, qui fut vraisemblable et poétique dans sa totalité et ne fut vrai et historique que dans ses parties prises séparément. Voilà l’exemple donné à tous les artistes, voilà la route qu’ils doivent suivre, et c’est la pratique de tous les grands maîtres sans exception. Quand Molière voulut peindre la Misanthropie, il ne chercha point dans Paris un original, dont sa pièce fût une copie exacte ; il n’eût fait qu’un portrait ; il n’eût instruit qu’à demi. Mais il recueillit tous les traits d’humeur noire qu’il pouvait avoir remarqués dans les hommes ; il y ajouta tout ce que l’effort de son génie put lui fournir dans le même genre ; et de tous ces traits rapprochés et assortis, il en figura un caractère unique, qui ne fut pas la représentation du vrai, mais celle du vraisemblable. Sa comédie ne fut point l’histoire d’Alceste, mais la peinture d’Alceste fut l’histoire de la Misanthropie prise en général.
Dans :Zeuxis, Hélène et les cinq vierges de Crotone(Lien)
, p. 96
Voilà la source et le principe de l’enthousiasme. On sent déjà quels doivent en être les effets par rapport aux arts imitateurs de la belle nature. Rappelons-nous l’exemple de Zeuxis. La nature a dans ses trésors tous les traits dont les plus belles imitations peuvent être composées : ce sont comme des études dans les tablettes d’un peintre. L’artiste qui est essentiellement observateur, les reconnaît, les tire de la foule, les assemble. Il en compose dans son esprit un tout dont il conçoit une idée vive, qui le remplit. Bientôt son feu s’allume, à la vue de l’objet ; il s’oublie ; son âme passe dans les choses qu’il crée : il est tour à tour Cinna, Auguste, Phèdre, Hippolyte ; et si c’est un La Fontaine, il est le Loup et l’Agneau, le Chêne et le Roseau.
Dans :Zeuxis, Hélène et les cinq vierges de Crotone(Lien)