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Type de textesource
TitreRecherches philosophiques sur les Grecs
AuteursPauw, Cornélius de
Date de rédaction
Date de publication originale1788
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, III, 7, « Considérations sur l’état des beaux-arts à Athènes », §2, « De l’Éthographie, et du choix des sujets dans les tableaux grecs » (numéro t. II) , p. 88-89

[[4:voir aussi Apelle grâce]] Quand Apelle s’arrogeoit ouvertement la gloire d’avoir répandu sur ses compositions plus de grâces que n’avoient fait avant lui tous les autres peintres de la Grèce, il devoit cet avantage en grande partie à la supériorité de ses talens, mais aussi en grande partie à l’heureux choix de ses sujets. Le tableau où il représenta Diane environnée d’un chœur de Nymphes sur le penchant du mont Taygète, étoit susceptible de tous les charmes et de toutes les richesses de son art : au milieu de tant de mortelles d’une beauté ravissante paroissoit une Déesse plus belle encore : on la reconnoissoit à son air majestueux, et on la reconnoissoit à sa taille ; car elle s’élevoit autant au dessus de ses compagnes, que le laurier s’élève au dessus des myrtes qui se plaisent le long de l’Eurotas.

Dans :Apelle, Diane(Lien)

, « Considérations sur l’état des beaux-arts à Athènes », §2, « De l’Éthographie, et du choix des sujets dans les tableaux grecs » (numéro III, 7) , t. II, p. 88-89

Quand Apelle s’arrogeoit ouvertement la gloire d’avoir répandu sur ses compositions plus de grâces que n’avoient fait avant lui tous les autres peintres de la Grèce, il devoit cet avantage en grande partie à la supériorité de ses talens, mais aussi en grande partie à l’heureux choix de ses sujets. Le tableau où il représenta Diane environnée d’un chœur de Nymphes sur le penchant du mont Taygète, étoit susceptible de tous les charmes et de toutes les richesses de son art : au milieu de tant de mortelles d’une beauté ravissante paroissoit une Déesse plus belle encore : on la reconnoissoit à son air majestueux, et on la reconnoissoit à sa taille ; car elle s’élevoit autant au dessus de ses compagnes, que le laurier s’élève au dessus des myrtes qui se plaisent le long de l’Eurotas. [[8:voir aussi Apelle Diane]]

Dans :Apelle supérieur par la grâce(Lien)

, « Considérations sur l’état des beaux-arts à Athènes », §1, « De la peinture, et de la Vénus et Cos et de Gnide », t. II (numéro III, 7) , p. 72-73

[[4:suit Zeuxis Hélène]] Ce qui démontre combien il étoit difficile de trouver parmi les femmes Grecques des personnes réellement accomplies, c’est que Praxitèle et Apelle durent se servir du même modèle pour exécuter la Vénus de Cos en couleurs : Athénée, infiniment mieux instruit à cet égard que Pline le Naturaliste, assure que cette fameuse statue et ce fameux tableau étoient deux copies différentes de la courtisane Phryné, née à Thespies en Béotie, mais qui vint depuis exercer son empire à Athènes même[[3:Dipnosoph. Lib. XIII. C. 2.]]. Après avoir étudié plusieurs attitudes, elle crut en avoir découvert une qui lui paroissoit très-favorable pour faire briller tous les charmes de sa taille, et toutes les perfections de sa figure : c’est ainsi qu’elle voulut être peinte, et c’est encore ainsi qu’elle voulut être sculptée. Les artistes durent malgré eux se soumettre aux caprices de cette femme, qui tyrannisoit les yeux de l’un, et l’ame de l’autre.

De là il résulta que la Vénus de Gnide et la Vénus de Cos se ressembloient tellement, qu’il n’étoit pas possible d’y observer la moindre différence, ni dans les traits, ni dans le contour, ni surtout dans l’attitude : on y voyoit deux fois Phryné sortant des eaux du golfe Saronique, où elle se baignoit souvent entre Athènes et Éleusis sur la plage de Sciron. Mais il s’en faut de beaucoup que la figure peinte par Apelle ait jamais suscité autant d’enthousiasme dans l’esprit des Grecs, que la figure sculptée par Praxitèle : là ils croyoient l’entendre parler, et leur illusion étoit telle, dit Lucien, qu’ils finissoient par appliquer leurs lèvres sur celles de la Déesse. Aussi trouve-t-on dans l’Anthologie beaucoup plus de vers faits en l’honneur de la Vénus de Gnide, qu’en l’honneur de celle de Cos[[3:Lucien, dans les ἘΡΩΤΕΣ ou les Amours, et l’Anthologie, à l’article des Statues.]].

Dans : Apelle, Praxitèle et Phryné(Lien)

, « Considérations sur l’état des beaux-arts à Athènes », §1, « De la peinture, et de la Vénus et Cos et de Gnide », t. II (numéro III, 7) , p. 76

De tout cela il s’ensuit que le point le plus avantageux où un artiste grec pouvoit se placer, consistoit à ne représenter qu’une seule figure, qui ne choquoit jamais sensiblement les règles de la perspective : aussi est-il aisé d’observer que les tableaux qui ont été le plus généralement applaudis, ne contenoient qu’une seule figure, telle que le Ialyse de Protogène, la Vénus d’Apelle, et la Glycère de Pausias.

Dans :Apelle, Vénus anadyomène (Lien)

, « Considérations sur l’état des beaux-arts à Athènes », §4, « Des apographes, ou des ouvrages copiés et supposés » (numéro III, 7) , t. II, p. 110

Plutarque avoue qu’il ne lui fut pas possible de mettre un frein à la loquacité des mystagogues de Delphes[[3:Plutarque, au traité pourquoi les oracles ne se rendent plus en vers.]]. Enfin ce sont ces hommes-là qu’on doit envisager aujourd’hui comme les véritables auteurs de tous ces prodiges ridicules que Pline et tant d’autres écrivains ont répété d’après eux, touchant des statues et des tableaux qui firent illusion aux animaux, et les rendirent contre les lois de leur instinct sensibles aux charmes des arts. Dans aucune contrée au monde la hardiesse de mentir ne fut portée à un plus haut degré que parmi les conducteurs publics de la Grèce ; et pour tenir toujours l’esprit des étrangers dans une espèce d’extase, ils attribuoient aux plus grands artistes les productions les plus médiocres, et montroient tant de statues sous le nom supposé de Phidias, de Polyclète, et de Praxitèle, que ces sculpteurs auroient dû vivre pendant plus de deux-cents ans pour les finir toutes.

Dans :Fortune de Pline(Lien)

, « Considérations sur l’état des beaux-arts à Athènes », §2, « De l’Éthographie, et du choix des sujets dans les tableaux grecs » (numéro III, 7) , t. II, p. 83-84

Sénèque assure que Parrhasius fit un jour appliquer un esclave déjà âgé à la torture extraordinaire, afin de pouvoir copier d’après nature le supplice de Prométhée, que l’on consacra, dit-il, dans le temple de Minerve à Athènes. Cette prétendue atrocité n’est heureusement qu’une fiction imaginée pour exercer les jeunes déclamateurs dans les écoles de Rome, où on leur proposoit les sujets les plus absurdes et les plus extravagans[[3:Controverses, Lib. X. Déclamation V. Tout ce que Sénèque dit ensuite de la manière dont les Éliens coupèrent les mains à Phidias, dès qu’il eut achevé le Jupiter d’Olympie, pour qu’il n’allât pas faire une telle statue ailleurs, est la chose du monde la plus fabuleuse et la plus absurde.]]. Mais si l’on ne sauroit réellement faire ce reproche à Parrhasius, combien de peintres modernes ne l’ont-ils pas mérité en représentant tous les supplices imaginaires de la Légende dorée, et du Martyrologe ? Il faut cependant, dit-on, permettre aux artistes d’être de temps en temps tragiques à leur manière, pour émouvoir la terreur et la pitié des spectateurs qui aiment de telles images, et qui aiment encore de tels sujets, sans qu’on soit en droit d’entrer avec eux dans la moindre contestation touchant l’essence de leurs goûts et l’analyse de leurs plaisirs.

Dans :Parrhasios, Prométhée(Lien)

, « Considérations sur l’état des beaux-arts à Athènes », §1, « De la peinture, et de la Vénus et Cos et de Gnide » (numéro III, 7 ) , t. II, p. 76

De tout cela il s’ensuit que le point le plus avantageux où un artiste grec pouvoit se placer, consistoit à ne représenter qu’une seule figure, qui ne choquoit jamais sensiblement les règles de la perspective : aussi est-il aisé d’observer que les tableaux qui ont été le plus généralement applaudis, ne contenoient qu’une seule figure, telle que le Ialyse de Protogène, la Vénus d’Apelle, et la Glycère de Pausias.

Dans :Pausias et la bouquetière Glycère(Lien)

, « Des apographes, ou des ouvrages copiés et supposés » (numéro §4) , p. 107-108

Quant aux peintres d’Athènes, les deux plus fameux apographes qu’ils eussent mis au jour, étoient d’abord une copie des Centaures de Zeuxis, que Lucien a décrite fort en détail, et ensuite une copie de la Glycère de Pausias, qu’on pouvoit compter au nombre des plus beaux tableaux qu’on eût jamais vus dans la Grèce, quoiqu’il ne représentât qu’une seule figure de femme occupée à faire des festons ou des couronnes de fleurs ; car Pausias possédoit presque en un aussi haut degré qu’Apelles, le talent d’exciter une illusion qui tenoit de l’enchantement.

Dans :Pausias et la bouquetière Glycère(Lien)

, « Considérations sur l’état des beaux-arts à Athènes », §2, « De l’Éthographie, et du choix des sujets dans les tableaux grecs » (numéro III, 7, t. II) , p. 80-83

Il y a, dit Aristote, trois manières de représenter la nature humaine sur le théâtre, dans les poëmes épiques et les tableaux : ou l’on y rend les hommes plus grands et plus héros qu’ils ne le sont réellement, comme l’ont fait Homère, les poëtes tragiques et le peintre Polygnote : ou on les rend plus foibles, plus petits, et plus ridicules qu’ils ne le sont, comme l’ont fait les auteurs comiques et le peintre Pauson : ou enfin on les copie exactement tels qu’ils sont, comme l’a fait le peintre Denys. Et c’est bien dommage qu’un artiste si fidellement attaché à l’imitation de la nature, eût reçu d’elle de si foibles talens, qu’il a eu peine à parvenir jusqu’au portique du temple de Mémoire.

Ce passage, traduit assez librement de la Poëtique d’Aristote, donne une idée très-exacte des différentes parties de la Peinture historique des anciens : elle avoit deux extrêmes et un milieu ; mais les Grecs regardoient ce milieu-là comme le règne de la médiocrité, et ne réservoient leurs applaudissements que pour les images et les compositions hardies, où l’homme sembloit plus tenir au ciel qu’à la terre. Cette manière de voir et de juger avoit sa source dans la nature de leur éducation, et dans l’empreinte ineffaçable que laissoit dans leur esprit ardent la première lecture d’Homère, qu’ils lisoient à l’âge de sept ans, au lieu de le lire à l’âge de trente ans.

Il n’est point aisé de décider en quoi consistoit précisément la manière favorite de Pauson, qui ôtoit à ses figures la dignité convenable, pour les faire ressembler à des personnages qu’on joue dans une comédie : car ce genre-là n’étoit point celui des Rhyparographes, qui choisissoient des objets bas et ignobles, tels que des cuisines, des boutiques et des atteliers : ce genre-là n’étoit point non plus celui des peintres qui représentoient des fantaisies que les grecs nommoient des songes, dont on voyoit quelques essais à Athènes dans le Lycée[[3:Xénophon, dans l’expédition du jeune Cyrus. Lib. VII.]].

Il semble que la manière de Pauson se rapprochoit d’avantage de ces peintures satiriques où les défauts du corps et de l’esprit sont exagérés par des traits violens, qui divertissent un instant la malignité, et que le bon goût réprouve ensuite pour toujours. Ce devroit être une maxime constante, et pour ainsi dire, sacrée parmi les artistes qui aspirent aux éloges des contemporains et de la postérité, de ne jamais choisir que des sujets agréables, et de ne répandre dans leurs compositions que des idées gracieuses, propres à faire naître de douces illusions.

Dans :Polygnote, Dionysos et Pauson : portraits pires, semblables, meilleurs(Lien)

, « Considérations sur l’état des beaux-arts à Athènes », §1, « De la peinture, et de la Vénus et Cos et de Gnide » (numéro III, 7) , t. II, p. 76

De tout cela il s’ensuit que le point le plus avantageux où un artiste grec pouvoit se placer, consistoit à ne représenter qu’une seule figure, qui ne choquoit jamais sensiblement les règles de la perspective : aussi est-il aisé d’observer que les tableaux qui ont été le plus généralement applaudis, ne contenoient qu’une seule figure, telle que le Ialyse de Protogène, la Vénus d’Apelle, et la Glycère de Pausias.

Dans :Protogène, L’Ialysos (la bave du chien faite par hasard)(Lien)

, « Considérations sur l’état des beaux-arts à Athènes », §2, « De l’Éthographie, et du choix des sujets dans les tableaux grecs » (numéro III, 7) , t. II, p. 79-80

Le plus grand mérite de Polygnote, ou si l’on veut sa plus grande force, consistoit dans l’Éthographie ou l’art de peindre les mœurs, les passions, et les caractères des personnages. Il excelloit tellement dans cette partie, qu’il surpassa de beaucoup Zeuxis, qui étoit un si foible éthographe, que ses ouvrages les mieux dessinés manquoient de ce charme, le plus grand de tous les charmes aux yeux des critiques grecs[[3:Aristote assure, de la manière la plus positive, que dans tous les ouvrages de Zeuxis il n’y avoit aucune trace de l’Éthographie, où Polygnote excelloit tant. ὁ μεν γαρ Πολγνωτος  ἀγαθος ἠθογραφος· ἡ δε Ζεξιδος γραφη ουεν ἐχει ἠθος.  Poëtique. C. 6.

Après cela il ne faut ajouter aucune foi à tout ce que dit Pline d’un tableau de Zeuxis, où il paroissoit avoir peint les mœurs des personnages ; ce qu’il n’étoit pas en état de faire.]]. Ainsi l’histoire de la peinture offre vers cette époque un phénomène surprenant : on avoit avancé dans l’exécution, qui tient beaucoup à l’art ; et on avoit reculé dans l’expression, qui dépend davantage du génie. Zeuxis parut plus de soixante ans après Polygnote, qu’il ne pouvoit égaler dans les caractères, tandis qu’il lui étoit supérieur par le coloris et la pratique du clair-obscur. [[4:suite : Polygnote et Pauson]]

Dans :Zeuxis et Polygnote : action et caractères(Lien)

, « Considérations sur l’état des beaux-arts à Athènes », §1, « De la peinture, et de la Vénus et Cos et de Gnide » (numéro III, 7) , t. II, p. 71

Cicéron assure que dans une ville telle que Crotone, où selon quelques historiens la population excédoit cent-mille habitans, Zeuxis ne put rencontrer un seul individu capable de servir de modèle à une figure d’Hélène qu’il vouloit représenter dans le temple de Junon sur le promontoire de Lacinium : il dut choisir jusqu’à cinq vierges Crotoniates, dont il copia les beautés individuelles, pour en former un ensemble idéal, qui ne répondit pas à beaucoup près dans l’exécution aux grandes espérances qu’on en avoit conçues dans la théorie ; car nous avons déjà eu l’occasion de prouver que cette Hélène de Zeuxis n’étoit point un tableau de la première force : il fixoit les regards de quelques artistes, mais n’attiroit pas la multitude comme la Cassandre de Polygnote, qui étoit encore fameuse au temps de Lucien. [[4:suite : Apelle Vénus et Phryné]]

Dans :Zeuxis, Hélène et les cinq vierges de Crotone(Lien)