Type de texte | source |
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Titre | Traicte de la proportion naturelle et artificielle des choses de Ian Pol Lomazzo, peintre milanois |
Auteurs | Lomazzo, Giovanni Paulo Pader, Hilaire |
Date de rédaction | |
Date de publication originale | 1649 |
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, « De la définition de la Peinture » (numéro chapitre I) , p. 4
Et parce qu’il semble quasi impossible qu’un seul homme puisse sçavoir tout cela, le prudent Apellés lorsqu’il avoir peint quelque chose qu’il desiroit rendre parfaite, avoit accoustumé de l’exposer au public, et de se cacher derriere, attendant le jugement qu’on feroit de la proportion de sa Peinture, et selon le jugement que chacun faisoit des choses dont ils avoient connoissance, il corrigeoit ses defauts ; comme au contraire, il rejettoit le jugement de ceux qui vouloient parler de ce qui n’appartenoit pas à leur profession, comme il fit au Cordonnier, qui non content d’avoir discouru sur l’imperfection du soüillier d’une de ses figures, voulait encore porter jugement des autres parties, luy disant : Ne Sutor ultra crepidam.
Dans :Apelle et le cordonnier(Lien)
, « Préface, où est traité de l’Excellence, Origine, et Progrés de la PEINTURE », non pag.
Or il n’est pas besoin de parler beaucoup de quel prix et en quelle estime estoit l’usage de la Peinture parmy les Grecs, puis que tout ce qui a esté dit des Romains à son advantage, estoit à leur imitation, dautant que connoissant la grande utilité de la Peinture, ils l’eurent tousjours en grande recommendation parmi eux ; de sorte que pour grande que fust la despense, ils ne laisserent d’achepter ce qu’ils trouvoient d’excellent en icelle. En effect on lit que le Roy Attalus donna cent talents d’un tableau d’Aristide Peintre Thebain ; et du Roy Candaule qui achepta avec autant d’or une table de la main de Bularco, où en mediocre espace estoit representée la destruction des Magnesiens.
Dans :Bularcos vend ses tableaux leur poids d’or(Lien)
, « Préface, où est traité de l’Excellence, Origine, et Progrés de la PEINTURE », non pag.
Et finalement, Apellés y donna la derniere main, et l’amena à la perfection par l’aide de la Geometrie, et de l’Arithmetique, sans lesquelles Panfile son maistre disoit qu’aucun ne pouvoit estre Peintre : comme aussi au temps de nos Peres Bernardin Louin avoit accoustumé de dire qu’un Peintre sans perspective estoit comme un Docteur sans Grammaire. Et cét Art est de telle excellence que la grandeur mesme des Roys et des Empereurs s’est abaissée pour l’exercer. Il ne s’en faut pas émerveiller, parce que c’est un Art auquel il faut tant de choses, qu’il n’appartient qu’aux hommes libres et puissans de l’exercer avec loüange; il est comme un abregé de la plus grande partie des autres Arts liberaux ; ie veux dire qu’il ne se peut exercer sans l’ayde d’un grand nombre d’iceux, comme de la Geometrie, Architecture, Arithmetique, et Perspective.
Dans :Pamphile et la peinture comme art libéral(Lien)
, « De la necessité, et définition de la proportion » (numéro chapitre IIII) , p. 14
Ce n’est pas sans raison que les anciens Grecs, du temps que la Peinture s’acheminoit au comble de la perfection par l’industrie de Timanthe, d’Eusenide, d’Aristide, d’Eupompe Sicionien ; et surtout de Pamphile Macedonien Peintre illustre et maistre d’Apellés, qui le premier joignit à la Peinture la connoissance des bonnes Lettres, et par dessus tous les Peintres qui l’avoient devancé, suivit la conduite de l’Art et de la Raison : considerans comme aucune des choses faites sans proportion et mesure, ne pouvoit en aucune façon avoir de la convenance, ny representer la beauté et la grace aux yeux des spectateurs judicieux, avoient accoustumé de dire qu’il estoit impossible de faire une bonne Peinture, ny mesme supportable, sans l’aide de la Geometrie et de l’Arithmetique, et que partant il estoit necessaire de les sçavoir.
Dans :Pamphile et la peinture comme art libéral(Lien)
, « Division de la peinture » (numéro chapitre II) , p. 10
Où il est necessaire que si l’un et l’autre a dessein de devenir un nouveau Fidias, ou un Apellés, qu’il fasse tousjours sa Peinture ou Sculpture proportionnée selon le lieu où elle doit estre mise, et à l’œil duquel elle doit estre veuë : je veux dire, que si le tableau est haut, et le lieu pour le voir, bas, il doit faire la teste et les autres parties suprémes un peu plus grandes qu’elles ne sont au naturel : parce que l’œil qui la verra la jugera proportionnée. Par exemple, s’il veut faire le portrait ou la statuë d’un homme vif de dix faces planté droit sur ses pieds, et qu’il le doive poser à un lieu assez haut, de façon que le lieu pour le voir reste bas, il doit faire la teste de cette Peinture ou Sculpture une huictieme ou neufiesme, comme il sera besoin, plus grande que le naturel : comme si la face de l’homme vivant qu’il voudra representer, est de proportion denaire au respect du corps, il fera le portrait de telle façon qu’il ait une huictieme ou neufiesme partie de plus, ou ce qui sera necessaire, et ainsi paroistra proportionnée à l’œil ; parce que la regle generale est, qu’on foit autant joindre à cette partie, comme la distance du lieu luy en desrobe, par ainsi la figure vient par apres proportionnée à l’œil : comme on trouve que Praxitelle et Fidias ont observé aux statuës qui sont à Montecavallo à Rome, lesquelles Michel l’Ange ayant mesurées, il trouva que leurs testes sont d’autant plus grandes qu’elles perdent pour estre mises à un lieu ainsi relevé ; c’est pourquoy elles paroissent à l’œil tres-bien proportionnées. La mesme proportion observa l’artificieux et admirable ouvrier de la Colomne Trajane, en laquelle on voit les figures d’en haut, d’autant plus grandes qu’elles vienent à diminuer pour la hauteur du lieu ; c’est pourquoy elles paroissent toutes esgales en quantité. Et enfin c’est une regle que tous les grands hommes tant anciens que modernes ont observé.
Dans :Phidias et Alcamène, le concours pour Athéna(Lien)
, « De la proportion des ordres de l’Architecture en general » (numéro chapitre XXIII) , p. 55
De mesme aux figures tant de relief que de Peinture posées en haut, si l’on n’y observe que leur proportion naturelle, estans destituées de celle de la perspective, on voit que les hommes semblent de nains petits, bossus, et estropiés. C’est pourquoy je tiens que les Anciens à ces grandissimes Statuës et Colosses, comme estoit celuy de Rhodes, ne faisoient pas l’ouvrage (pour le faire correspondre à l’œil sans l’offenser) selon la proportion simplement naturelle, d’autant que la teste estant si haut eslevée, auroit semblé aussi petite que le talon, mais que composant et moderant l’un et l’autre de ces deux proportions, ils augmentoient les membres à mesure, et selon qu’ils gaignoient le haut. Ce qui s’observe encore és Obelisques et Colomnes fort hautes, bref en toutes choses ; et la raison de faire cecy est un des secrets contenus au dessein, et dans l’art visuel ; de sorte qu’il ne peut estre entendu que par ceux qui sont Maistres de ces deux parties.
Dans :Phidias et Alcamène, le concours pour Athéna(Lien)
, « De la proportion du Corps Viril de 8. Testes » (numéro chapitre X) , p. 29
Quoy que le principal de chaque ouvrage soit tout le corps d’un Tableau et toute l’histoire ensemble, comme estant le tout auquel les raisons des parties se doivent rapporter ; le Peintre pourtant ne doit pas se persuader que pour bien qu’il fasse une seule chose dans un ouvrage, elle luy reüssisse, si la perfection qu’il luy donne va au delà de la raison, qui regarde le tout. Au contraire qu’il s’asseure de n’en avoir que desplaisir et confusion, parce que faisant dominer une figure sur une autre, celle icy en reste offensée, et la plus excellente mesme en est affoiblie en quelque façon, n’ayant point le rapport convenable qu’elle devroit avoir avec les autres parties selon la vraye maniere. Et c’est la raison pour laquelle plusieurs Peintres tant anciens que modernes et des plus signalés, s’estans advisés qu’ils estoient transportés d’un trop violent desir de bien faire, ont laissé leurs Tableaux imparfaits, ne pouvant amender ou corriger cette faute achevée que par la destruction de leur ouvrage, comme l’antique et fameux Eufranore en fait foy, lequel peignant dans Athenes les 12 Dieux, fit Neptune avec tant de merveilleuses parties, tant pour la proportion, le Colorit, et le reste, que voulant peindre celle de Jupiter et plus majestueuse, et d’un plus bel aspect, il luy fut impossible, auant debuté toute la fougue de ses plus belles pensées à la premiere figure. Zeuxis rougit voyant que l’enfant n’approche pas la naïfveté naturelle du raisin. Leonard d’Avince parmy les modernes Peintre tres-excellent, peignant une Cene au Refectoir de Saincte Marie des Graces à Milan, et ayant peint les Apostres, fit Saint Jacques le Majeur et le Mineur avec tant de beauté et majesté, que voulant faire le Christ, il ne peut achever cette Divine face, quoy qu’il fust singulier.
Dans :Zeuxis et Parrhasios : les raisins et le rideau(Lien)
, « De la proportion » (numéro chapitre III) , p. 14
C’est pourquoy l’ancien Zeuxis connoissant la dignité de cette Proportion si agreable à voir, qui monstre et fait connoistre doucement les belles choses, persuada à toute la Grece quand elle florissoit, que les Peintures où l’on descouvroit cette majesté, fussent données aux Princes, ou bien offertes aux sacrés Temples, les jugeant sans prix, d’autant que c’estoient les ouvrages de ceux qu’on estimoit sur la terre comme des Dieux, puis qu’ils representoient à peu prés tout ce que le grand Dieu avoir fabriqué : joignant de plus la beauté aux lieux où la Nature avoit manqué, choisissant tousjours à cét effect la fleur des delices de la veuë.
Dans :Zeuxis et la richesse(Lien)