Type de texte | source |
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Titre | Mémoire sur la manière dont Pline a parlé de la peinture |
Auteurs | La Nauze, abbé de |
Date de rédaction | 1753/03/20 |
Date de publication originale | 1759 |
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(t. XXV), p. 285
Antiphile, né en Égypte, également propre à peindre les grands et les petits sujets[[3:Utraque Antiphilus. Pinxit… Philippum… Alexandrum puerum.]], peignit Philippe et Alexandre encore fort jeune, et fut donc un peu plus ancien qu’Apelle, quoiqu’ils aient vécu l’un et l’autre encore après la mort d’Alexandre. Antiphile a été l’inventeur du grotesque : il peignit Gryllus, l’olympionique apparemment de ce nom, que Diodore place en la CXIIe Olympiade ; et le peintre jouant sur le mot, qui signifie une sorte d’insecte, figura Gryllus[[3:Idem jocoso nomine Gryllum ridiculi habitus pinxit : unde hoc genus picturae Grylli vocantur.]] d’une manière risible ; ce qui fit donner, ajoûte Pline, le nom de Gryllus à ce genre de peinture.
Dans :Antiphilos et le Gryllos ; Calatès, Calliclès et les tableaux comiques(Lien)
(t. XXV), p. 247
Le relief des figures est un prestige de l’art, que l’auteur de l’Histoire Naturelle ne pouvoit pas laisser passer, sans l’accompagner de quelqu’un de ces beaux traits qui lui sont familiers. Apelle avoit peint Alexandre la foudre à la main, et Pline s’écrire à la vûe du héros, « sa main paroît saillante[[3:Digiti eminere videntur, et fulmen extra tabulam esse.]] , et la foudre sort du tableau ». Il n’appartient qu’à cet écrivain de rendre ainsi les beautés qui le saisissent. Il emprunte ailleurs un style plus simple, pour dire que Nicias[[3:Lumen et umbras custodivit, atque ut eminerent e tabulis picturæ, maxime curavit.]] observa la distribution des jours et des ombres, et eut grand soin de bien détacher ses figures. Un lecteur qui n’apercevra dans cette phrase que le clair-obscur et le relief, sans leur rapport mutuel, n’y verra que le récit d’un historien : les autres y découvriront l’attention d’un connoisseur à marquer la cause et l’effet, et à donner, sous l’apparence d’un exposé historique, une leçon importante en matière de peinture.
Dans :Apelle, Alexandre au foudre(Lien)
, p. 251
[[4:suit Timanthe]] On peut ajouter deux autres exemples d’industrie, que Pline rapporte ailleurs ; l’un d’Apelle, qui peignit de profil Antigonus parce qu’il était borgne ; l’autre de Néalcès, qui représentant un combat sur le Nil, distingua la rivière d’avec la mer par un ânon à l’abreuvoir, et par un crocodile en embuscade.
Dans :Apelle, le portrait d’Antigone(Lien)
, p. 252
[[4:suit Pamphile]] Il [[5:Pline]] joint avec complaisance au titre de peintre, celui de philosophe dans la personne de Métrodore, et celui d’écrivain dans Parrhasius, dans Euphranor, dans Apelle et dans les autres ; il semble même préférer la peinture à la poësie : « la Diane d’Apelle, au milieu de ses nymphes qui sacrifient[[3:Dianam sacrificantium virginum choro mixtam ; quibus vicisse Homeri versibus videtur idipsum describentis.]], paroît, dit-il, l’emporter sur la Diane d’Homère, lequel a décrit le même spectacle. » Et il avait dit, quelques lignes auparavant[[3:Versibus graecis tali opere, dum laudatur, victo sed illustrato… consenuit haec tabula carie.]], que les vers grecs qui subsistoient à la gloire de la Vénus Anadyomène du même Apelle, avoient à la vérité prévalu sur le tableau qui ne subsistait plus, mais qu’ils rendoient toujours hommage à sa gloire.
Dans :Apelle, Diane(Lien)
(t. XXV: ), p. 222-223
[[4:suit Apelle et cordonnier]] Ce prince lui céda la plus chérie de ses favorites : grand par sa valeur héroïque, ajoute Pline, et plus grand encore pour s’être surmonté lui-même, il fit là un trait qui ne le cède en rien à aucune de ses victoires. Il faut, on le voit bien, que tout ce qui vient se ranger sous la plume de cet écrivain, et qui présente un côté avantageux, y reçoive toujours le tribut de louange qui peut lui appartenir. [[4:suite : Protogène Ialysos]]
Dans :Apelle et Campaspe(Lien)
(t. XXV), p. 222-223
Et pour Apelle, qu’il juge avoir été le plus grand peintre de l’Antiquité, il mêle sans cesse à l’éloge de ses talents celui de sa modestie et de sa politesse ; on voit cet artiste admirer sincèrement et louer volontiers les ouvrages de ses rivaux, reconnaître la supériorité d’Amphion sur lui pour l’ordonnance, et celle d’Asclépiodore pour la justesse des proportions, exposer ensuite ses tableaux à la critique du public, le jugeant plus capable que lui-même d’en connaître les défauts, ne s’oublier jamais, malgré toute la gloire dont il était couvert, malgré tous les biens de la fortune dont il était comblé, malgré toutes les bontés d’Alexandre pour lui, qui allaient jusqu’à la plus grande familiarité. Ce prince lui céda la plus chérie de ses favorites : grand par sa valeur héroïque, ajoute Pline, et plus grand encore pour s’être surmonté lui-même, il fit là un trait qui ne le cède en rien à aucune de ses victoires. Il faut, on le voit bien, que tout ce qui vient se ranger sous la plume de cet écrivain, et qui présente un côté avantageux, y reçoive toujours le tribut de louange qui peut lui appartenir. [[4:suite : Protogène Ialysus]]
Dans :Apelle et le cordonnier(Lien)
(t. XXV), p. 235-236
Mais Pline a donné des idées bien plus magnifiques du mérite et de l’excellence du dessein, sans une circonstance qui n’est ignorée de personne. Apelle trace un contour d’une grande élégance, suivant l’interprétation des savans, bien opposée à celle de M. Perrault, Protogène en trace un second encore plus parfait dans l’intérieur du premier, et Apelle un troisième, qui croisoit les deux autres, et qui ne permettoit pas qu’on portât plus loin la finesse et la justesse du pinceau. « On se détermina, dit Pline[[3:Placuitque eam tabulam posteris tradi, omnium quidem, sed artificum praecipuo miraculo. Consumptam eam priore incendio domus Caesaris in Palatio audio ; spectatam olim tanto spatio nihil aliud continentem, quam lineas visum effugientes, inter egregia multorum opera inani similem, et eo ipso allicientem, omnique opere nobiliorem.]], à transmettre à la postérité ce tableau, comme un prodige pour tout le monde, mais principalement pour les gens de l’art. J’apprends, continue-t-il, qu’il a péri dans les flammes au premier incendie de la maison de César, sur le mont Palatin, après y avoir autrefois occupé si longtemps les yeux des spectateurs : il n’offroit pourtant que des traits presque imperceptibles, avec l’apparence d’un tableau nu, au milieu des beaux ouvrages de plusieurs autres peintres ; mais il piquoit la curiosité par cela même, et se faisoit regarder plus que tout le reste. » L’intelligence et le sentiment n’éclatent pas moins ailleurs, où il dit, tantôt qu’on trouvoit dans les recueils de Parrhasius plusieurs restes de dessein, qui passoient pour être d’un grand secours aux maîtres de l’art ; tantôt qu’Apelle étant mort après avoir commencé le tableau d’une Vénus, il ne se rencontra personne en état d’exécuter le dessin qu’il en avoit tracé. [[4:suite : Apelle Vénus inachevée]]
Dans :Apelle et Protogène : le concours de la ligne(Lien)
(t. XXV), p. 242
« Apelle, ajoute-t-il ailleurs[[3:[1] Pinxit et quae pingi non possunt, tonitrua fulgetraque.]], peignit ce qui est même impossible à peintre, le bruit du tonnerre et la lueur des éclairs. » ce langage pourroit sembler étrange dans la bouche d’un philosophe ordinaire, mais la philosophie de Pline n’étoit point apathique : toujours guidée par le génie et par le savoir, toujours soutenue par l’imagination et par le sentiment, elle admettoit jusqu’à l’enthousiasme poétique en faveur d’une peinture expressive ; et je ne sais si pour lors le langage figuré, le seul qui pût peindre la chaleur de l’expression, comme l’expression peignoit celle de la nature, n’était pas conséquemment le langage le plus vrai, le plus philosophique, le plus naturel. En matière de style comme en matière de peinture, les savantes exagérations, bien loin de donner atteinte à la fidélité de l’imitation, sont quelquefois nécessaires pour lui imprimer le caractère de l’exacte vérité ; et ce grand principe doit être gravé dans l’esprit d’un peintre, s’il veut parvenir à l’intelligence de ce que Pline a écrit, et de ce qu’Apelle avait exécuté.
Dans :Apelle et l’irreprésentable(Lien)
(t. XXV), p. 244
Apelle, contemporain d’Aristide, mais un peu plus jeune, peignit également des figures de gens qui expiraient, et tous les genres d’expression sont semés dans les tableaux que Pline rapporte de ce grand artiste. Faut-il demander ensuite si l’écrivain a été curieux d’une des plus nobles et des plus difficiles parties de la peinture, et s’il y a été sensible !
Dans :Apelle et les mourants(Lien)
, p. 230-231
Lorsqu’on aura une fois bien éclairci tout ce qu’il a dit sur les couleurs, on pourra les comparer avec celles dont nos peintres se servent aujourd’hui, examiner l’identité ou la différence, les desavantages ou les compensations respectives des unes et des autres, et décider si la supériorité, en ce point-là, est du côté des anciens ou des modernes. Il faut espérer que dans la confrontation l’avantage sera pour nous, puisque du temps de Pline, et même de Cicéron [[1:Orat. III, 25]], les Romains, tout ignorans qu’ils étoient dans l’art de la peinture, l’emportoient sur les grands peintres de l’Antiquité, pour la finesse et la multiplicité des couleurs. Enfin l’on sera pour lors en état d’apprécier au juste la louange donnée par Cicéron [[1:Orat. 18]] et par Pline aux fameux peintres de la Grèce, pour avoir exécuté des chefs-d’œuvres avec quatre couleurs capitales : un simple blanc, un simple rouge, un simple jaune et un simple noir. Je vois, parmi nos modernes, deux opinions diamétralement opposées, qui se réunissent ici pour faire le procès à Cicéron et à Pline : les uns prétendent que les quatre couleurs sont si pleinement et si notoirement suffisantes, qu’il n’est pas permis à des connoisseurs d’en faire un sujet d’éloge ; les autres au contraire soûtiennent l’insuffisance des quatre couleurs. De ce dernier sentiment étoit M. de Piles [[1:Cours de Peint. p. 352]] ; il veut que ces quatre couleurs des Anciens n’aient servi qu’à préparer le tableau, et quand on a dit que le Giorgion n’employoit aussi que quatre couleurs capitales, le même M. de Piles juge qu’on n’y a vrai-semblablement compris ni le blanc, qui tient lieu de la lumière, ni le noir, qui en est la privation [[1:Abrégé de la vie des peintres. Réflexions sur les ouvrages du Giorgion]]. La contrariété des deux opinions nous fait assez entendre qu’il n’est ni aisé, ni cependant impossible de peindre avec quatre couleurs seulement, et que Cicéron et Pline, que l’on condamne diversement, sont pourtant les seuls qui aient raison. De plus, quand même on prouveroit qu’aujourd’hui quatre de nos couleurs sont insuffisantes ou plus que suffisantes pour peindre, ce ne seroit pas prouver que les deux auteurs aient eu tort, la qualité des drogues qu’on employoit anciennement pouvant n’avoir pas été précisément la même que celle des drogues dont on se sert aujourd’hui ; ainsi l’on se jetteroit encore dans un labyrinthe de nouvelles difficultés : c’est ce qui arrivera toûjours, tant qu’on voudra juger des anciens usages autrement que par le témoignage des anciens écrivains ; et quels écrivains que Cicéron et Pline !
Dans :Apelle et la tétrachromie(Lien)
, p. 236
[[4:suit Apelle et Protogène]] L’intelligence et le sentiment n’éclatent pas moins ailleurs, où il dit, tantôt qu’on trouvoit dans les recueils de Parrhasius plusieurs restes de dessein, qui passoient pour être d’un grand secours aux maîtres de l’art ; tantôt qu’Apelle étant mort après avoir commencé le tableau d’une Vénus, il ne se rencontra personne en état d’exécuter le dessin qu’il en avait tracé [[4:suite : tableaux inachevés]]
Dans :Apelle, Vénus inachevée(Lien)
, p. 226
Je ne dois point oublier un trait de la rigidité de sa morale, qui pourroit échapper ici à ses lecteurs. Lysippe de Sycione, Nicias et Philocarès avoient mis leur nom à quelques-uns de leurs tableaux, avec ces mots, un tel l’a fait : et Pline, en rapportant dans son recueil sur la peinture les trois occasions où ils avoient employé l’inscription, n’y marque pas le desir qu’il auroit eu qu’elle eût été conçue en termes plus modestes ; mais voici ce qu’il en avoit dit dans sa préface de l’histoire naturelle : « Vous trouverez dans la suite de cette histoire, que les maîtres de l’art, après avoir travaillé et terminé les chefs-d’œuvre de peinture et de sculpture, que nous ne pouvons nous lasser d’admirer, y mettoient, pour toute inscription, les paroles suivantes qui pouvaient marques des ouvrages imparfaits : Apelle ou Polyclète faisoit cela. C’étoit donner leur travail comme une ébauche, se ménager une ressource contre la critique, et se réserver jusqu’à la mort le droit de retoucher et de corriger ce qu’on auroit pu y trouver de défectueux : conduite pleine de modestie et de sagesse, d’avoir employé par-tout des inscriptions pareilles, comme si chaque ouvrage particulier eût été le dernier de leur vie, et que la mort les eût empêchés d’y mettre la dernière main. Je crois que l’inscription précise et déterminée, un tel l’a fait, n’a eu lieu qu’en trois occasions que j’aurai soin de remarquer quand ce sera le lieu d’en parler. Plus cette dernière formule annonçait un homme content de la bonté de ses ouvrages, plus elle lui attiroit de censeurs et d’envieux. » Ainsi parle Pline, dont les yeux, peut-être quelquefois trop délicats, étoient blessés des plus petites apparences de vanité et d’amour-propre.
Dans :« Apelles faciebat » : signatures à l’imparfait(Lien)
, p. 242-243
Cependant, comme la nature n’est pas toûjours dans l’agitation, l’expression du peintre ne doit pas toûjours être forte et véhémente ; il faut qu’elle soit quelquefois douce et naïve, pour peindre un état de repos et de tranquillité. Pline dans ces occasions ne manque jamais de faire aussi passer la douceur jusque dans son style : il trouve, dans un tableau de Zeuxis, « les mœurs de Pénélope peintes d’après nature[[3:Fecit et Penelopen, in qua pinxisse mores videtur.]] » ; et il voit dans le tableau de deux enfants, de la main de Parrhasius, « l’image même de la sécurité et de la simplicité de l’âge[[3:Pueros duos, in quibus spectatur securitas et aetatis simplicitas.]] ».
Ces deux derniers exemples d’expression regardent l’état habituel de l’âme, autrement les mœurs, appelées par les Grecs ; mais ce qu’on entend plus ordinairement par expression de la peinture, c’est l’expression des passions, ou de l’état actuel de l’âme dans des circonstances passagères. Or il y a des passions fortes, les Grecs les nomment πάθη, et il y a des passions douces, ils les appeloient ἤθη[[3:Quintilan. orat. instit. VI, 2. Illud adhuc adjicio πάθος atque ἤθος esse interim ex eadem natura, ita ut illud majus sit, hoc minus, ut amor πάθος, caritas ἤθος. Interdum diversa inter se, sicut in epilogis ; namque πάθος concitat, ἤθος solet mitigare. Propria tamen mihi hujus nominis exprimenda natura est, quatenus appellatione ipsa non satis significari videtur : ἤθος quod intelligimus, quodque a docentibus desideramus, id erit, quod ante omnia bonitate commendabitur, non solum mite ac placidum, sed plerumque blandum et humanum, etc.]], par une acception particulière du mot, qui signifie les mœurs en général. Le tableau de Zeuxis, qui représentoit les efforts d’Hercule au berceau, étouffant des dragons, et qui marquoit la frayeur d’Amphitryon et d’Alcmène, témoins du débat, annonçoit des passions fortes ; et Pline nous offre bien d’autres peintures de passions violentes ou même furieuses, il seroit trop long de les rapporter. Les passions douces sont pour un peintre les plus difficiles à rendre [[1:M. de Piles, Convers. sur la connaissance de la peint. p. 268]], et avant Aristide le Thébain, aucun n’y avoit bien réussi. « Il fut le premier, dit Pline[[3:Is omnium primus animum pinxit et sensus hominis expressit, quae vocant Graeci ethe, item perturbationes : durior paulo in coloribus. Huius pictura est, oppido capto ad matris morientis ex volnere mammam adrepens infans : intellegiturque sentire mater et timere, ne emortuo e lacte sanguinem lambat.]], qui peignit l’âme et exprima les sentiments de l’homme, que les Grecs appellent ἤθη, et il peignit aussi les passions violentes. De lui, continue-t-il, pour donner un exemple des deux sortes de passions en même temps, de lui est ce tableau du sac d’une ville, où l’on voit un enfant se traîner pour aller prendre la mamelle de sa mère mourante et baignée de son sang : on la sent encore s’attendrir et craindre, ayant perdu son lait, que l’enfant ne vienne appliquer les lèvres sur le sang qui coule de sa plaie. » La suite de la description faire par Pline des ouvrages du même peintre, nous en présente plusieurs autres remarquables du côté de l’expression : un suppliant dont la figure étoit parlante[[3:Supplicantem pene cum voce.]], une Biblis au moment d’expirer[[3:Anapaoumenen propter fratris amorem.]], un malade qu’on ne cessoit de louer[[3:Aegrum sine fine laudatum.]].
Dans :Aristide de Thèbes : la mère mourante, le malade(Lien)
, p. 268
Il[[5:Bularchus.]] étoit contemporain du roi Candaule[[3:In confesso perinde est, Bularchi pictoris tabulam, in qua erat Magnetum prælium, Candaule rege Lydiæ Heraclidarum novissimo… repensam auro… Duo enim de vicesima olympiade interiit Candaules.]], qui lui acheta au poids de l’or un tableau de la défaite des Magnètes ; or Candaule mourut dans la XVIIIe Olympiade, l’an 708 avant l’ère chrétienne : ainsi Bularchus a vécu postérieurement à l’ère de Rome, et vers l’an 730 avant J. C.
Dans :Bularcos vend ses tableaux leur poids d’or(Lien)
, p. 265
Il est inutile d’avertir que ces découvertes[[5:de Cimon.]], déjà connues pour la pluspart dans le dessein, dans la sculpture ou dans la plastique, regardent ici la peinture : le profil, par exemple, pouvoit fort bien avoir eu lieu plus anciennement, dans la figure que fit de son amant la fille de Dibutadès, en traçant sur le mur l’ombre du visage à la lueur d’une lampe ; ce qui fit naître à son père, ouvrier en poterie à Corinthe, l’idée du premier ouvrage de plastique connu dans la Grèce. Mais encore un coup Pline, à l’article de Cimon, parle de découvertes dans la peinture proprement dite, c’est ce qu’on ne doit jamais perdre de vûe.
Dans :Dibutade et la jeune fille de Corinthe(Lien)
, p. 275-276
Il est plus facile encore de prouver qu’il a parlé de Denys de Colophon, peintre du même temps, car il nomme[[3:Contra Dionysius nihil aliud quam homines pinxit, ob id anthropographos cognominatus.]] Denys appelé l’Anthropographe, parce qu’il ne peignoit que la figure, et il le nomme à l’article de ceux qui s’étoient bornés à de petits sujets ou à de petits tableaux. Il faut donc reconnoître dans ce Denys le Denys de Colophon, qui, suivant Élien, imita Polygnote en tout, à la grandeur près, et le Denys d’Aristote, qui prenant un milieu entre Polygnote et Pauson, peignit les sujets petits et communs de la vie ordinaire des hommes. On voit par là que le peintre rhyparographe et le peintre anthropographe ont vécu l’un et l’autre environ l’an 420.
Dans :Dionysios anthropographe(Lien)
, p. 215
L’objet de ce mémoire est de prouver que Pline, en traitant de la peinture au livre XXXVe de son histoire naturelle, s’y est peint lui-même comme philosophe et citoyen, comme physicien et naturaliste, comme amateur et connoisseur, comme historien et chronologiste. On trouvera sans doute un grand nombre de lecteurs qui l’auroient dispensé de remplir à la fois les quatre rôles. […] C’est aussi là ce qui va faire la division naturelle de ce Mémoire en quatre parties : la partie philosophique, la partie physique, la partie pittoresque et la partie historique, les unes et les autres mêlées continuellement ensemble dans le récit de Pline.
Dans :Fortune de Pline(Lien)
, p. 226
Après l’extrait qu’on vient de voir des remarques de Pline sur la peinture, extrait dont il est fort aisé de vérifier la fidélité par la confrontation du texte, il n’y a personne qui ne soit en état de décider si, en mauvais compilateur qui ne veut rien perdre de ses collections, il a ici entassé les siennes sans ordre, sans discernement et sans choix ; ou bien, s’il a traité son sujet en écrivain méthodique : mais je ne m’aperçois pas que je lui fais injure de mettre seulement le fait en question. On ne dira pas non plus que le zèle pour les mœurs et l’amour de la patrie qui éclatent à chaque instant dans tout le reste de son ouvrage, se soient démentis dans ce morceau particulier : tout y est animé par ces deux puissans ressorts qui font agir les cœurs vertueux ; il s’y est donc peint lui-même comme philosophe et comme citoyen.
Dans :Fortune de Pline(Lien)
, p. 231-233
Les couleurs ne sont pas le seul point où Pline se soit peint comme physicien, dans son histoire de la peinture ; il sème encore, çà et là, plusieurs traits relatifs à l’histoire naturelle des animaux, en racontant comment ils avoient été trompés à la vûe de certains tableaux. L’objet ne paroît pas d’abord mériter l’attention des lecteurs, dont les uns traiteront ces faits de pure fable, et les autres de pure bagatelle ; cependant comme il n’y a rien de plus nuisible à la littérature que le mépris de ce que les anciens ont écrit, et rien de plus préjudiciable à l’histoire, que de vouloir juger de l’ancien temps par le nôtre, ces importantes considérations, et la nécessité de justifier la physique de Pline, demandent une réflexion sur la question présente. Sans la délicatesse de notre siècle, qui ne souffrirait jamais qu’on cherchât à faire illusion à des animaux, pour mettre un ouvrage de peinture à l’épreuve, peut-être que la tentative réussirait aujourd’hui comme autrefois ; et si l’on en veut croire M. Perrault [[1:Parallèle, t. I p. 200]], les peintres modernes ne le cèdent point aux anciens dans ce genre de succès. Il en rapporte plusieurs exemples du dernier siècle ; mais comme il n’en parle, ce semble, que pour pouvoir dire qu’un chardon de Le Brun, qui trompa un âne, valoit bien les raisins de Zeuxis, qui trompoient les oiseaux, il nous permettra de ne pas plus compter sur ses expériences que sur sa logique, et de nous en tenir au témoignage même de nos peintres modernes, qui ne veulent ici ni parallèle, ni conformité avec les anciens. Peut-être donc que la peinture en détrempe des anciens, moins luisante que la peinture à l’huile d’aujourd’hui, présentoit les objets d’une manière plus naturelle et plus séduisante. « Les anciens, dit M de Piles [[1:Abrégé de la vie des peintres. Vie de Protogène]], avoient des vernis qui donnaient de la force à leurs couleurs brunes, et leur blanc était plus blanc que le nôtre, de sorte qu’ayant par ce moyen plus d’étendue de degrés de clair-obscur, ils pouvoient imiter certains objets avec plus de force et de vérité qu’on ne fait par le moyen de l’huile. » Aussi le même auteur a-t-il adopté sans difficulté, dans son abrégé de la vie des peintres [[1:Vie de Zeuxis]], et dans le parallèle qu’il a fait de la peinture et de la poésie [[1:Cours de peint. p. 443]], le récit de Pline sur les animaux trompés par des peintres. Et comment nier ces sortes de faits, quand des écrivains les attestent positivement, que les exemples en sont variés et répétés, car Pline ne les rapporte pas tous, qu’ils ne renferment rien d’impossible, et que ces effets de l’ancienne peinture sont même beaucoup moins surprenans que ceux de l’ancienne musique ou de l’ancienne méchanique, dont il ne nous est pourtant pas permis de douter ? Des présomptions vagues contre l’Antiquité ne seront point admises, dans un siècle surtout équitable et éclairé, où d’anciennes découvertes, qu’on regardoit comme chimériques, se renouvellent chaque jour ; et si les savants modernes, à qui nous en sommes redevables, avoient écouté je ne sais quels préjugés préférablement à l’autorité de l’histoire, ils auroient acquis moins de gloire, et moins contribué à celle des arts. Ces réflexions sur les égards dus au témoignage des anciens historiens sont de la dernière importance en tout genre de littérature, quoique l’occasion qui les fait naître puisse paroître mince et frivole.
Dans :Fortune de Pline(Lien)
, p. 234-235
Amateur et connoisseur, il parle de la peinture en homme qui l’aime et qui en sent les beautés et les défauts, en homme à qui elle plaît, et qui en connoît la raison. C’est ce qui paroît manifestement par une foule de traits de lumière et de feu qu’il ne cesse de répandre, et qui, pour la force des idées, pour la délicatesse du sentiment, pour la noblesse et pour la précision du style, pour le tour de phrase singulier à cet auteur, sont tout-à-fait pareils à mille et mille traits qu’il emploie ailleurs, toutes les fois qu’affecté et instruit lui-même le premier, il tâche d’affecter et d’instruire les autres. Le dessein, la beauté des contours, la distribution des lumières et des ombres, le coloris, l’expression, l’invention, l’ordonnance, la justesse des proportions, le relief des figures, la perspective et le raccourci, le choix des attitudes, les finesses et les ressources d’esprit, le savoir et l’érudition, la manière de chaque peintre, les différens genres de peinture, rien ne se dérobe à la sagacité de ses recherches et à la finesse de son goût. Suivons tous ces différens articles.
Dans :Fortune de Pline(Lien)
, p. 250-251
Heureusement nous n’aurons plus à parler de M. Perrault dans la suite, parce que les quatre ou cinq passages de Pline, sur lesquels nous avons vû jusqu’ici les singulières interprétations du critique, sont les seuls témoignages de l’antiquité qu’il ait produits contre l’ancienne peinture. Il a dissimulé, avec un courage étonnant, les autres autorités nombreuses, claires, décisives, tant de Pline que du reste des anciens écrivains, et il s’est borné aux quatre ou cinq endroits cités, qui disant ce que disent tous les autres, mais le disant avec plus de précision et de délicatesse, lui ont paru par là susceptibles de quelque chicane, et propres à en imposer à des lecteurs peu instruits. Il avoit raison de vouloir proscrire l’usage des langues savantes ; tant qu’elles seront entendues, elles déposeront contre ses étranges prétentions.
Dans :Fortune de Pline(Lien)
, p. 256
Il ne me reste plus guère qu’une remarque à faire en général sur les traits d’éloge que l’auteur a prodigués, et qui en manifestant le zèle de l’amateur, pourroient nous laisser dans l’esprit quelque nuage sur l’intelligence du connoisseur. Véritablement, les louanges redoublées qu’il donne aux artistes grecs, vont quelquefois jusqu’à déconcerter les gens de l’art, et les personnes exactes et curieuses qui voudroient peser aujourd’hui, la balance à la main, le mérite de chacun des peintres de l’antiquité. On désireroit donc qu’il en eût dit également et le bien et le mal. Mais son objet n’étoit pas un pareil jugement critique, et pour n’avoir pas toûjours dit le mal, il n’en est pas moins croyable sur le bien. Il faisoit à peu près comme Apelle, qui sans s’écarter du vrai s’attachoit au beau, et qui sans jamais abandonner la Nature, n’en copioit pourtant que ce qu’elle avoit de noble et de gracieux. C’est précisément par là que les peintres de l’antiquité, et Pline leur historien, ou, si l’on veut, leur panégyriste, mériteront à jamais l’approbation de tous les siècles. Quel devoit être, et quel étoit en effet le dessein de Pline ? d’inspirer aux Romains de l’estime et du goût pour les arts, le seul endroit par où Rome avoit toûjours dédaigné de se mesurer avec la Grèce. Plus éclairé donc sur ce qui pouvoit faire l’avantage de ses citoyens, et plus zélé pour eux qu’ils ne l’étoient eux-mêmes, il a dû présenter l’art de la peinture du côté le plus flatteur, le plus digne de leur émulation, et louer les talens des peintres grecs, plustôt que de leur reprocher des défauts. Assez d’autres avant lui avoient écrit l’histoire des peintres, et donné des traités didactiques de peinture ; on avoit sous la main leurs ouvrages, et l’art n’en étoit pas moins sur le penchant de sa ruine : il tâche de le relever par une nouvelle méthode, en faisant admirer les anciens artistes ; sa réserve à les critiquer ne peut donc point être imputée à un défaut de lumières.
Le soin qu’il a de nommer les écrivains où il a puisé ses recherches sur la peinture, ne doit pas non plus fonder contre lui un chef d’accusation, comme s’il n’avoit fait que les transcrire sans entendre la matière. Les beaux endroits om il parle comme auroit pû faire un maître de l’art, sont tous rendus dans le tour de phrase qui caractérise Pline, quand il saisit bien une idée, et qu’il en est vivement frappé ; s’il en a tiré le fond d’ailleurs, il l’a donc fait en homme intelligent, en écrivain supérieur, qui se rend propre ce qu’il emprunte. Quand même il auroît copié, ce qui n’est pas, les écrits des artistes, comme il a quelquefois copié dans Théophraste et dans Dioscoride certaines descriptions de plantes, qui exigeoient une version simple et littérale, les règles de la critique et les loix de l’équité demanderoient qu’on supposât au moins dans l’un comme dans l’autre cas, qu’il a entendu ce qu’il écrivoit : de plus, la bonté seule du choix y décéleroit encore alors suffisamment la main de maître. N’a-t-il pas même fait des remarques de connoisseur, qui ne sauroient avoir été copiées, ni même empruntées d’aucun auteur précédent ? Il dit, par exemple, à l’occasion de Pinus et de Priscus, que ce dernier approchoit plus du goût des Anciens ; il le dit à l’inspection des ouvrages qu’ils faisoient l’un et l’autre par ordre de l’empereur Vespasien, et il écrivoit son Histoire Naturelle sous le même règne, dont la durée ne fut que de dix ans. Il est donc manifeste que le jugement qu’il portoit, et qui par sa nature demandoit de grandes lumières, étoit fondé sur les pièces de comparaison qu’il avoit devant les yeux, et non sur les collections qu’il avoit faites de ce qui avoit été autrefois écrit sur la peinture.
Après tant de titre de toute espèce qui lui adjugent la qualité de connoisseur, il faudroit, pour la lui contester, qu’il lui eût échappé des inepties bien marquées, et des contradictions bien grossières : c’est ce qu’on ne voit point. Et il est vrai qu’avec un génie rare et un goût exquis, avec les circonstances favorables qui le mettoient dans Rome à portée d’un nombre prodigieux d’écrits et de tableaux des plus grands peintres, il a pû beaucoup plus aisément que personne, joindre la connoissance de la peinture à toutes les autres dont il avoit l’esprit enrichi ; avec cette différence que les connoissances de l’Histoire Naturelle étant d’un détail infini, qu’il ne lui étoit pas le plus souvent possible de vérifier, il a été quelquefois trompé par le rapport d’autrui ; au lieu qu’ayant connu la peinture par lui-même, il n’a, ce semble, rien avancé où l’on puisse le convaincre d’un défaut d’intelligence dans la théorie de l’art.
Dans :Fortune de Pline(Lien)
, p. 233
Pline continue encore à nous mettre, souvent ailleurs, l’Histoire Naturelle et la Physique devant les yeux. Malgré sa sévérité philosophique contre la fresque, voici comment, en naturaliste, il parle de quelques paysages exécutés dans ce genre de peinture. « Il ne faut point faire à Ludius, qui vivoit du temps d’Auguste, l’injustice de l’oublier : il est le premier qui ait mis en vogue les aménités de la fresque. Tantôt c’étoit des maisons de campagne, des portiques, des ouvrages de verdure, des bosquets, des bois, des collines, des réservoirs d’eau, des rivières même avec leurs rivages, selon le goût particulier des curieux ; tantôt c’étoit des figures de gens qui se promenoient, d’autres qui alloient sur l’eau dans des barques ou qui se rendoient par terre à des maisons de campagne. » Je laisse le reste de la description à cause de sa longueur.
Dans :Ludius peintre de paysages et la rhopographia(Lien)
, p. 297
Le moderne Ludius, qui vivoit sous le règne d’Auguste, fut le premier qui peignit des paysages à fresque ; il en faisoit de côté et d’autre à bon marché, suivant la fantaisie des curieux. On ignoroit avant lui l’aménité des sujets dans les peintures à fresque ; on ne les avoit guère employées qu’à des ornements de temple ou à des sujets nobles et sérieux, et même les grands artistes de la Grèce n’avoient jamais donné dans ce genre de peinture.
Dans :Ludius peintre de paysages et la rhopographia(Lien)
(t. XXV), p. 251
[[4:suit Timanthe]] [[8: voir aussi Apelle Antigone]] On peut ajouter deux autres exemples d’industrie, que Pline rapporte ailleurs ; l’un d’Apelle, qui peignit de profil Antigonus parce qu’il était borgne ; l’autre de Néalcès, qui représentant un combat sur le Nil, distingua la rivière d’avec la mer par un ânon à l’abreuvoir, et par un crocodile en embuscade.
Dans :Néalcès et le crocodile(Lien)
(t. XXV), p. 235
Le dessein est le fondement et la base de la peinture, et c’est aussi par là qu’elle a commencé : ceux qui les premiers exercèrent l’art, firent des portraits[[3:Primi exercuere Ardices Corinthius, et Telephanes Sicyonius, sine ullo etiamnum colore, iam tamen spargentes lineas intus.]] simplement dessinés ; et Pline, qui nous instruit de cet usage des premiers temps, remarque, dans un petit fait des temps postérieurs, le talent singulier d’Apelle pour ce genre de peinture linéaire : l’artiste arrive dans Alexandrie, et parle à un inconnu dont on lui demande ensuite le nom ; il prend un charbon, et dessine dans l’instant sur le mur la figure de la personne, que tout le monde reconnut. [[4:suite : Apelle et Protogène]]
Dans :Les origines de la peinture(Lien)
, p. 260
La question, dit-il, qui roule sur les commencemens de la peinture, n’offre que des incertitudes […]. Mais ce ne sont encore que nouvelles incertitudes sur l’origine de la peinture parmi les Grecs : incertitude pour le lieu[[3:Graeci autem alii Sicyone, alii apud Corinthios repertam…. Inventam linearem dicunt a Philocle Ægyptio vel Cleanthe Corinthio.]], les uns vouloient qu’elle eût commencé à Sicyone, les autres chez les Corinthiens : incertitude pour le nom des inventeurs, on nommoit ou Philoclès d’Égypte, ou Cléanthe de Corinthe : incertitude sur l’opération primitive qu’ils employèrent, et qui servit de préparation à la véritable découverte de l’art. On disoit, à la vérité, que ce début fut le contour d’une figure humaine, tracé autour de l’ombre d’un corps opaque[[3:Omnes, umbra hominis lineis circumducta.]], et Pline assure que tout le monde en convenoit ; mais quand on n’a rien à dire de mieux circonstancié sur un fait de cette nature, qui se perd dans l’obscurité des temps, c’est faire entendre qu’il est fondé sur des conjectures et des raisonnemens, plustôt que sur des témoignages authentiques et bien avérés. On ne pouvoit pourtant mieux faire, dans l’histoire obscure de l’origine d’un art, que de partir d’un point comme celui-là, et nous en partirons aussi avec Pline. Mais encore un coup ce serait aller au-delà de ses intentions, que d’y voir plus qu’une hypothèse vraisemblable et accréditée, après la déclaration qu’il a faite que les commencemens de la peinture sont incertains.
À la délinéation du simple contour, qu’il appelle une peinture linéaire, succéda une autre peinture linéaire plus parfaite[[3:Primi exercuere Ardices Corinthius et Telephanes Sicyonius, sine ullo etiamnum colore, jam tamen spargentes lineas intus.]], qui distingua par le dessein, et sans aucune couleur, les traits du visage renfermés dans l’intérieur du contour. Elle eut pour inventeurs Ardicès de Corinthe, et Téléphane de Sicyone ; et comme Aristote nommoit Euchir, parent de Dédale, pour le premier auteur de la peinture dans la Grèce [[1:Plin. Hist. Nat. VII, 56]], on pourroit peut-être soupçonner que l’habile artiste, désigné par le nom appellatif Euchir, a été le même qu’Ardicès ou que Téléphane, et qu’il aura vécu, ainsi que Dédale son parent, environ un siècle avant la guerre de Troie. Quoi qu’il en soit, ces deux auteurs des portraits dessinés furent, selon Pline, les premiers qui exercèrent l’art de représenter la figure sur une surface égale et unie. En effet, la première méthode, celle du contour extérieur, ne marquant pas les traits du visage et ne rendant point la personne reconnoissable, n’avoit donc point représenté la figure. Ils furent aussi les premiers, ajoûte Pline, qui écrivirent sur leur ouvrage le nom de la personne représentée. La précaution auroit été fort inutile dans la première méthode, qui ne représentant point la figure, n’auroit excité, par l’addition du nom, la curiosité ni de la postérité, ni des étrangers, ni de personne.
Dans :Les origines de la peinture(Lien)
, p. 264
On avoit donc connu jusqu’alors dans la Grèce la seule peinture linéaire, et non la peinture coloriée[[3:Itaque talem primam fuisse, secundam singulis coloribus, et monochromaton dictam, postquam operosior inuenta est.]]. Après qu’on eut inventé cette dernière, plus recherchée que l’autre dans ses opérations, elle fut appelée peinture monochrome, parce qu’on y employa d’abord qu’une seule couleur dans chaque ouvrage, à moins que nous ne donnions le nom de seconde couleur à celle du fond sur lequel on travailloit. L’auteur de cette méthode, l’inventeur de la peinture proprement dite, fut Cléophante de Corinthe[[3:Primus inuenit eas colorare, testa ut ferunt trita, Cleophantus Corinthius.]] ; il débuta par colorier les traits du visage avec de la terre cuite et broyée ; ainsi la couleur rouge, comme la plus approchante de la carnation, fut la première en usage. Les autres peintres monochromes, et peut-être Cléophante lui-même, varièrent de temps en temps dans le choix de la couleur des figures, différente de la couleur du fond. Peut-être aussi qu’ils mirent quelquefois la même couleur pour le fond et pour les figures, on peut le présumer par l’exemple de quelques-uns de nos camayeux, pourvû qu’on n’admette point dans les leurs l’usage du clair-obscur, dont la découverte accompagna l’introduction de la peinture polychrome, ou de la pluralité des couleurs, comme nous le dirons plus bas.
Dans :Les origines de la peinture(Lien)
, p. 252
Le savoir, et l’érudition, qu’il n’est permis qu’à de simples ouvriers de négliger, entre pour beaucoup dans ce qui sert à former les véritables artistes. Pline en faisoit grand cas : il nous donne à entendre[[3:Austerior colore, et in austeritate jucundior, ut in ipsa pictura eruditio eluceat.]] que le défaut de coloris, dans les ouvrages d’Athénion, contribuoit à les rendre plus agréables, parce que les yeux y étoient moins séduits, et l’esprit mieux en état d’y voir briller l’érudition ; et il ne faudroit pas remonter bien haut dans les derniers temps, pour y trouver de grands peintres à qui l’on a volontiers pardonné, en faveur de leurs savantes compositions, de n’avoir point été coloristes. Du moins ce que Pline dit ici sur l’érudition, comme ce qu’il a dit ailleurs sur le dessein, sur les contours, sur l’expression, et sur les autres parties de la peinture, prouve évidemment que le coloris n’a été ni la seule, ni même la principale qui ait attiré ses regards.
Pamphile, plus ancien qu’Athénion, avoit été, entre les peintres[[3:Primus in pictura omnibus litteris eruditus, praecipue arithmetica et geometrice, sine quibus negabat artem perfici posse.]], le premier versé dans tous les genres de science et de littérature : il prétendoit que sans le secours de l’arithmétique et de la géométrie, il n’étoit pas possible de conduire la peinture à un état de perfection. Pline, qui rapporte l’assertion, paroît y souscrire, et avec très grande raison, puisque les règles de la perspective, dont les peintres font continuellement usage, et celles de l’architecture, qu’ils sont quelquefois obligés d’employer, appartiennent les unes et les autres à la géométrie ; or la nécessité de la géométrie la plus simple et la plus élémentaire, entraîne la nécessité de l’arithmétique pour le calcul des angles et des côtés des figures : ainsi l’on n’exige rien de trop en voulant qu’un peintre soit arithméticien et géomètre, du moins jusqu’à un certain degré. M. De Piles [[1:Cours de Peinture, p. 402]] prescrit aussi aux élèves l’étude de la géométrie, et il prononce que le peintre en tire un service dont il lui est impossible de se passer, quelque ouvrage qu’il veuille entreprendre. Ajoûtons, comme une suite nécessaire du même raisonnement, que la peinture étant destinée à représenter tous les objets de la nature par une imitation fidèle, tous les êtres métaphysiques par ds symboles et des allégories, tous les évènemens de l’histoire par les caractères des temps, des lieux et des personnes, elle ne doit par conséquent rien ignorer ; et qu’elle n’excellera jamais, si elle n’a des artistes qui réunissent chacun en particulier, ou du moins qui partagent entre eux les plus vastes connoissances.
Malheur à elle, si au lieu de mettre ainsi à contribution la littérature et les sciences, pour les faire servir à sa gloire, elle venoit jamais à les regarder comme un joug qu’elle dût secouer, pour se livrer aux opérations de l’œil et de la main. Qu’auroit dit Pline d’une si étrange idée, lui qui nous présente continuellement la peinture sous un point de vûe magnifique ? Il l’appelle un art noble et distingué, qui avoit excité l’empressement des rois et des peuples ; il veut qu’elle soit exercée par des citoyens, et interdite aux esclaves ; la négliger c’est étouffer, selon lui, le génie et les talents ; il aime qu’elle fasse briller l’érudition au préjudice même du coloris ; il joint avec complaisance au titre de peintre, celui de philosophe dans la personne de Métrodore, et celui d’écrivain dans Parrhasius, dans Euphranor, dans Apelle et dans les autres ; il semble même préférer la peinture à la poësie : « la Diane d’Apelle, au milieu de ses nymphes qui sacrifient[[3:Dianam sacrificantium virginum choro mixtam ; quibus vicisse Homeri versibus videtur idipsum describentis.]], paroît, dit-il, l’emporter sur la Diane d’Homère, lequel a décrit le même spectacle. » Et il avait dit, quelques lignes auparavant[[3:Versibus graecis tali opere, dum laudatur, victo sed illustrato… consenuit haec tabula carie.]], que les vers grecs qui subsistoient à la gloire de la Vénus Anadyomène du même Apelle, avoient à la vérité prévalu sur le tableau qui ne subsistait plus, mais qu’ils rendoient toujours hommage à sa gloire. Ceux qui aiment l’Antiquité, ceux qui s’intéressent en faveur de notre siècle, ne peuvent donc trop inculquer aux peintres modernes que Pline doit leur être infiniment cher ; qu’ayant affectionné leur art, et en ayant possédé à fond la théorie, il leur en donnera les leçons les plus sublimes ; qu’il leur montrera toute l’étendue de leur carrière, toute la noblesse de leur profession ; qu’une fois bien approfondi par les gens du métier, et une fois goûté du public, il suffiroit seul pour renouveler parmi nous les talents et les récompenses des Apelles. On vit, après sa mort, la peinture trouver faveur pendant quelque temps auprès des Romains ; ne doutons pas qu’elle n’en ait eu l’obligation à ce que le grand homme avait fait pour elle ; mais il n’avoit certainement pas compté rendre ce service à un art manuel, pour lequel les sciences et les lettres seroient étrangères. Ce n’étoit pas non plus là l’idée de ceux qui tirèrent la peinture, il y a environ un siècle, de l’état d’avilissement où elle étoit en France ; elle rompit, à la faveur des lettres, les liens de la servitude, qui dégradoient parmi nous un art libéral, et il ne se maintiendra dans ce degré de distinction que par les mêmes moyens qui l’y ont fait parvenir.
Dans :Pamphile et la peinture comme art libéral(Lien)
, p. 181
Pamphile fut le premier peintre versé dans tous les genres de science et de littérature[[3:Primus in pictura omnibus litteris eruditus, praecipue arithmetice et geometrice… et huius auctoritate effectum est, Sicyone primum, deinde et in tota Graecia, ut pueri ingenui ante omnia graphicen, hoc est, picturam in buxo, docerentur.]], et il fit commencer dans la Grèce l’instruction des enfans par le dessein. Il ne prit point d’élève à moins d’un talent d’avance pour dix années de leçon. Le talent attique doit être évalué à environ quatre mille sept cens livres de notre monnoie, suivant le titre où est l’argent en France dans la présente année 1753, ainsi que Mrs. Belley et Barthelemy l’ont supputé : et nous suivront toûjours dans la suite cette évaluation.
Dans :Pamphile et la peinture comme art libéral(Lien)
(t. XXV), p. 237
La beauté des contours, l’une des plus grandes perfections du dessein, et la plus attrayante pour des yeux connoisseurs, a été rendue par Pline dans les termes suivans. « De l’aveu des maîtres de l’art[[3:confessione artificum in lineis extremis palmam adeptus. Haec est picturae summa sublimitas. Corpora enim pingere et media rerum est quidem magni operis, sed in quo multi gloriam tulerint. Extrema corporum facere, et desinentis picturae modum includere, rarum in successu artis invenitur. Ambire enim se ipsa debet extremitas ipsa, et sic desinere, ut promittat alia et post se, ostendatque etiam quae occultat.]], Parrhasius l’emporte sur tous les autres par la beauté des contours : or c’est ici le sublime de la peinture. Peindre les corps et le milieu de l’étendue des objets, c’est à la vérité un grand ouvrage ; cependant plusieurs s’en sont tirés à leur honneur : mais tracer les contours, et terminer parfaitement bien une peinture, c’est à quoi on a rarement réussi. Car les contours doivent s’arrondir sur eux-mêmes, et en se perdant au tournant des parties, annoncer derrière eux la continuité des objets, et les faire voir, même en les cachant. » À ce style on ne peut méconnoître ni l’auteur de l’Histoire naturelle, ni un homme de savoir et de goût, versé dans les plus profonds mystères de la peinture.
Dans :Parrhasios et les contours(Lien)
, p. 245
Au reste, si je propose le tableau de Raphaël [[1:L’École d’Athènes]] pour donner idée de celui de Parrhasius [[1:Le Peuple d’Athènes]], je ne prétends pas nier que celui-ci n’ait pû être conçu de plusieurs autres différentes manières : par exemple, Xénophon, contemporain de Socrate et de Parrhasius, écrit qu’un jour le philosophe demandoit au peintre[[3:Ἀλλὰ μὴν καὶ τὸ μεγαλοπρεπές τε καὶ ἐλευθέριον, καὶ τὸ ταπεινόν τε καὶ ἀνελεύθεριον, καὶ τὸ σωφρονικόν τε καὶ φρόνιμον, καὶ τὸ ὑβριστικόν τε καὶ ἀπειρόκαλον, καὶ διὰ τοῦ προσώπου καὶ διὰ τῶν σχημάτων καὶ ἑστώτων καὶ κινουμένων ἀνθρώπων διαφαίνει· αληθῆ λέγεις, ἔφη. Xenoph. Memorabil. III, p. 167, edit. Basil.]], si la grandeur et la noblesse des sentiments, la petitesse et la bassesse du cœur, l’honnêteté et la sagesse, l’insolence et la grossièreté, ne pouvaient pas se rendre en peinture par l’air du visage, et par les attitudes de divers personnages en repos et en mouvement ; le peintre répondit qu’oui ; et voilà presque le canevas de l’ouvrage, où Parrhasius aura pû réunir plusieurs de ces figures, malgré leur opposition, et les assigner pour cortège, à la ville d’Athènes personnifiée. Aristophane, autre auteur contemporain, représente dans une même scène de comédie, le peuple d’Athènes[[3:Καθώσπερ αἱ τίτθαι γε σιτίζεις κακῶς,
Μασώμενος γὰρ, τῷ μ’ὀλίγον ἐντιθεῖς.
…………………………..
……………Ὁ γὰρ γέρων
Οἴκοι μ’, ἀνδρῶν δεξιώτατος.
Ὅταν δ’ἐπὶ ταυτησὶ κάθηται τῆς πέτρας,
Κέχηνεν, ὥσπερ ἐμποδίζων ἰσχαδας.
Aristophan. Equit. II, 2.]], sous l’emblême d’un enfant à qui sa nourrice mâche les morceaux, et sous l’emblême d’un vieillard, qui conserve un grand air de dignité dans le particulier, et qui tient niaisement la bouche ouverte en public. Ne sont-ce point encore là des images favorables au récit de Pline, sur la possibilité de rendre en peinture les inégalités de ce peuple ?
Dans :Parrhasios et Socrate : le dialogue sur les passions(Lien)
(t. XXV), p. 241-242
L’expression décidant souvent du mérite du peintre, et du succès de l’ouvrage, doit être chère aux yeux d’un amateur et d’un connoisseur ; elle a été telle à ceux de Pline, comme il paroît par plusieurs endroits remplis de cette énergie de style qui lui est particulière. Pour donner idée d’un tableau, où Apelle avoit représenté un héros nu, il déclare que « c’étoit un défi fait à la Nature[[3:Pinxit et heroa nudum, eaque pictura naturam ipsam prouocauit.]] ». Il dit, de deux hoplites, ouvrages de Parrhasius, « celui qui court, on le voit suer[[3:Hoplites alter, in certamine ita decurrens, ut sudare uideatur ; alter arma deponens, ut anhelare sentiatur.]], celui qui met les armes bas, on le sent haleter : « et d’un Hercule peint par derrière, « la peinture y montre à découvert, plutôt qu’elle n’y annonce, l’air du visage[[3:[3] Herculem auersiam, ut, quod est difficillimum, faciem eius ostendat uerius pictura, quam promittat.]] ». [[4:suite : Apelle irreprésentable]]
Dans :Parrhasios, les Hoplites(Lien)
, p. 244-245
Il insiste davantage sur le mérite de l’invention dans un autre tableau, qui s’étoit perdu, ou qui peut-être n’avoit jamais été exécuté : le voici. « Parrhasius, dit-il[[3:Pinxit demon Atheniensium, argumento quoque ingenioso. Volebat namque uarium, iracundum, iniustum, inconstantem, eundem exorabilem, clementem, misericordem, excelsum, gloriosum, humilem, ferocem, fugacemque, et omnia pariter ostendere.]], peignit le peuple d’Athènes d’une manière ingénieuse pour le choix du sujet : il vouloit représenter ce peuple avec ses variations, emporté, injuste, inconstant, et cependant facile à calmer, doux et compatissant, haut, glorieux et rampant, fier et poltron, et il vouloit que le tout parût en même temps. » L’école d’Athènes, un des chefs-d’œuvre de la peinture moderne du côté de l’invention [[1:M. de Piles, Cours de peint. p. 75 et suiv.]], nous fait assez clairement entendre ce qu’a pû être le peuple d’Athènes de Parrhasius, dont Pline trouvait aussi l’invention ingénieuse : l’artiste grec aura peint les variations des sentiments populaires, comme Raphaël celle des opinions philosophiques, par une multiplicité de figures habilement imaginées ; car enfin un tableau allégorique du génie d’un peuple par le moyen de plusieurs grouppes, qui en retraçant des évènemens historiques de divers temps, marqueroient la vicissitude des sentiments populaires, ne paraît pas plus difficile à concevoir, qu’un tableau allégorique du génie de la philosophie par d’autres groupes, qui en représentant les personnages historiques de différens pays et de différens siècles, indiquent la vicissitude des opinions philosophiques. Le parallèle semble complet, avec cette différence que le sujet caustique de Parrhasius étoit délicat à traiter ; aussi Pline a-t-il insinué, par le terme il vouloit, que l’exécution, ou du moins le succès, furent moins heureux que l’invention. Au reste, si je propose le tableau de Raphaël pour donner idée de celui de Parrhasius, je ne prétends pas nier que celui-ci n’ait pû être conçu de plusieurs autres différentes manières : par exemple, Xénophon, contemporain de Socrate et de Parrhasius, écrit qu’un jour le philosophe demandoit au peintre[[3:Ἀλλὰ μὴν καὶ τὸ μεγαλοπρεπές τε καὶ ἐλευθέριον, καὶ τὸ ταπεινόν τε καὶ ἀνελεύθεριον, καὶ τὸ σωφρονικόν τε καὶ φρόνιμον, καὶ τὸ ὑβριστικόν τε καὶ ἀπειρόκαλον, καὶ διὰ τοῦ προσώπου καὶ διὰ τῶν σχημάτων καὶ ἑστώτων καὶ κινουμένων ἀνθρώπων, διαφαίνει· ἀληθῆ λέγεις, ἔφη. Xenoph. Memorabil. III, p. 167, edit. Basil.]], si la grandeur et la noblesse des sentimens, la petitesse et la bassesse du cœur, l’honnêteté et la sagesse, l’insolence et la grossièreté, ne pouvoient pas se rendre en peinture par l’air du visage, et par les attitudes de divers personnages en repos et en mouvement ; le peintre répondit qu’oui ; et voilà presque le canevas de l’ouvrage, où Parrhasius aura pû réunir plusieurs de ces figures, malgré leur opposition, et les assigner pour cortège à la ville d’Athènes personnifiée. Aristophane, autre auteur contemporain, représente dans une même scène de comédie, le peuple d’Athènes[[3:Καθώσπερ αἱ τίτθαιγε σιτίζεις κακῶς,
μασώμενος γὰρ τῷ μὲν ὀλίγον ἐντίθεῖς.
… ὁ γὰρ γέρων
Οἴκοι μ, ἀνδρῶν ἐστι δεξιώτατος.
῎Οταν δ᾽ἐπὶ ταυτησὶ κάθηται τῆς πέτρας,
Κέχηνεν, ὥσπερ ἐμποδίζων ἰσχάδας.
Aristophan. Equit. II, 2.]], sous l’emblême d’un enfant à qui sa nourrice mâche les morceaux, et sous l’emblême d’un vieillard, qui conserve un grand air de dignité dans le particulier, et qui tient niaisement la bouche ouverte en public. Ne sont-ce point encore là les images favorables au récit de Pline, sur la possibilité de rendre en peinture les inégalités de ce peuple ? Pour peu qu’on veuille donner l’essor à son imagination, on trouvera bien d’autres idées à peu près pareilles ; et quand on n’en trouveroit aucune de véritablement ingénieuse, on ne pourrait pas nier que celle de Parrhasius ne l’eût été, parce que les preuves négatives ne détruisent pas les témoignages positifs. Si nous ignorions l’invention de la natte de l’indolent, nous soupçonnerions peut-être plus de difficulté à exécuter ingénieusement en peinture le contraste de l’économie et de la dissipation dans un ménage, que la contrariété des sentimens dans une ville.
Dans :Parrhasios, Le Peuple d’Athènes(Lien)
, p. 279
Il[[5:Pline.]] s’est bien gardé de faire entrer dans son récit un trait fabuleux avancé par Sénèque le Rhéteur [[1:Controv. V, 10]]: c’est que dans la vente des Olynthiens, prisonniers de Philippe, Parrhasius en acheta un qu’il fit périr dans les tourmens, voulant s’en servir pour modèle d’un Prométhée. Pline a fait ce que font ceux de nos historiens, qui ne daignent pas seulement rapporter une fable à peu près pareille, mise sur le compte de Titien [[1:Remarquez la faute de M. Olivier. Hist. de Philippe, t. II, p. 24]] : d’ailleurs, la chronologie s’oppose au récit de Sénèque ; la prise d’Olynthe est de l’an 348, et Parrhasius étoit déjà connu avant la mort de Socrate, arrivée plus de cinquante ans avant cette expédition.
Dans :Parrhasios, Prométhée(Lien)
, p. 247-248
La perspective, qui doit former le raccourci, est rendue clairement et savamment dans le passage qui suit. « Pausias fit aussi de grands tableaux[[3:Pausias autem fecit et grandes tabulas, sicut spectatam in Pompeii porticibus boum immolationem. Eam enim picturam primus invenit, quam postea imitati sunt multi, aequavit nemo. Ante omnia cum longitudinem bouis ostendi uellet, aduersum eum pinxit, non transuersum : et abunde intellegitur amplitudo. Dein, cum omnes, quae uolunt eminentia uideri, candicantia faciant, coloremque condant nigro ; hic totum bouem atri coloris fecit, umbraeque corpus ex ipso dedit, magna prorsus arte in aequo extantia ostendens, et in confracto solida omnia.]] pareils à ceux qu’on voit sous les portiques de Pompée, où est peint un sacrifice de bœufs : car il s’avisa le premier de cette sorte de peinture, et il s’est trouvé plusieurs peintres qui l’ont imité, sans qu’aucun l’ait égalé. D’abord voulant indiquer la longueur du corps de l’animal, il le présente de front, non par le flanc, et ne laisse pas d’en faire connoître suffisamment tout le volume. Ensuite, au lieu que les autres détachent leurs figures par des couleurs voyantes qu’ils appliquent sur un fond obscur, celui-ci a fait le bœuf entier de couleur noire, par où il a donné du corps aux ombres mêmes. C’est ainsi qu’il a représenté avec beaucoup d’artifice tous les membres avec tout leur relief, sur une surface égale et unie, et avec toute leur solidité, à l’aide d’une couleur rompue. » Ce sont les paroles de l’auteur, et il faut être bien supérieur à sa matière, pour la traiter avec cette netteté dans les idées, et avec cette énergie dans les expressions.
Dans :Pausias, le Bœuf(Lien)
, p. 235
[[4:suit origines de la peinture]] Quoi qu’il en soit, ces deux auteurs des portraits dessinés furent, selon Pline, les premiers qui exercèrent l’art de représenter la figure sur une surface égale et unie. En effet, la première méthode, celle du contour extérieur, ne marquant pas les traits du visage et ne rendant point la personne reconnoissable, n’avoit donc point représenté la figure. Ils furent aussi les premiers, ajoûte Pline, qui écrivirent sur leur ouvrage le nom de la personne représentée. La précaution auroit été fort inutile dans la première méthode, qui ne représentant point la figure, n’auroit excité, par l’addition du nom, la curiosité ni de la postérité, ni des étrangers, ni de personne.
Dans :Peintres archaïques : « ceci est un bœuf »(Lien)
, p. 274-275
[[4:suit Polygnote et Pauson]] D’un autre côté l’on voit dans Pline un très habile peintre de sujets bas ou grossiers, sous le nom de Pracius ou Préïus, ou Pyréïcus, car toutes ces dénominations varient dans les manuscrits, et sont également inconnues aux autres écrivains de l’antiquité. « Il y a, dit Pline[[3:Pyreicus arte paucis postferendus : proposito, nescio an destruxerit se ; quoniam humilia quidem secutus, humilitatis tamen summam adeptus est gloriam. Tonstrinas sutrinasque pinxit, et asellos, et obsonia, ac similia, ob hoc cognominatus Rhyparographos : in iis consummatae uoluptatis. Quippe eae pluris ueniere, quam maximae multorum.]], fort peu d’artistes à qui l’on doive accorder la préférence sur celui-ci du côté du talent ; et je ne sais si le choix qu’il fit de ses sujets peut lui faire grand tort, car en donnant dans ce qu’il y a de plus bas, il s’y est pourtant acquis une grande gloire. Il peignit des boutiques de barbier et de cordonnier, des pièces de service de table, des mets de cuisine, et d’autres figures pareilles, qui lui attirèrent le surnom de Rhyparographe, peintre de vilenies. Elles ont fait un plaisir infini, et ont été vendues plus cher que les tableaux les plus magnifiques de plusieurs autres peintres. » Ainsi parle Pline : or la variation et l’altération manifeste des manuscrits, dans le nom de l’artiste, le peu d’apparence qu’il y a qu’il ait oublié un peintre fameux dans l’antiquité, et que les autres écrivains n’aient rien dit d’un peintre célèbre dans Pline, et l’identité de goût et de manière dans le Pauson des Anciens et dans le peintre Rhyparographe, font assez comprendre que c’est un seul et même artiste. Pline avoit donc parlé de Pauson, peintre de l’an environ 420.
Dans :Piraicos et la rhyparographie(Lien)
(t. XXV), p. 274-275
Aristote, en parlant des mœurs qui doivent entrer dans les ouvrages de poësie, dit qu’elles sont ou plus vertueuses que les nôtres, ou plus vicieuses, ou tout-à-fait pareilles à nos mœurs ordinaires, qui tiennent un certain milieu entre la vertu et le vice. Il compare ensuite les trois sortes de mœurs de la poësie avec les trois sortes de sujets de la peinture, les sujets grands et héroïques, les sujets bas et grossiers, les sujets médiocres et ordinaires ; et il dit : « Polygnote[[3:Πολύγνωτος μὲν κρείττους, Παύσων δὲ χείρους, Διονύσιος δὲ ὁμοίους εἴκαζε. Aristot. Poetic. 2]] en peignant les hommes les a rehaissés, Pauson les a avilis, et Denys les a peints ce qu’ils ont coutûme d’être. » Ce philosophe exige en conséquence, pour l’instruction de la jeunesse, qu’on lui mette devant les yeux les grands sujets de Polygnote, et qu’on lui cache les sujets grossiers de Pauson [[1:Arist. Polit. VIII, 5]]. Cependant le nom de ce dernier peintre, fameux dans Aristophane, dans Aristote, dans Plutarque [[1:De Pythiae oraculis. p. 396, F. edit. Par.]], dans Lucien [[1:Encom. Demosthen.]], dans Élien [[1:Ælian. var. hist. IV, 3, XIV, 15]], et dans les autres, ne se retrouve plus aujourd’hui dans Pline ; et d’un autre côté l’on voit dans Pline un très habile peintre de sujets bas ou grossiers, sous le nom de Pracius ou Préïus, ou Pyréïcus, car toutes ces dénominations varient dans les manuscrits, et sont également inconnues aux autres écrivains de l’antiquité. [[4:suite : Piraicos]]
Dans :Polygnote, Dionysos et Pauson : portraits pires, semblables, meilleurs(Lien)
, p. 223
[[4:suit Alexandre et Apelle]] Quand on lit ce qu’il raconte de Protogène, on est touché de voir ce peintre dans l’indigence au commencement de sa carrière, et de le voir ensuite ne rien rabattre d’une assiduité, d’une constance, d’une application qui sont sans exemple : pendant qu’il travaille à son magnifique tableau d’Ialysus, il ne prend pour toute ressource contre la faim et la soif, que de mauvais légumes trempés dans de l’eau, de peur de s’émousser l’imagination et le sentiment par une nourriture trop appétissante. On admire sa tranquillité à continuer son travail dans un faux-bourg de sa ville assiégée, et à répondre pour lors au roi Demetrius, qu’il savoit bien que ce prince venait faire la guerre aux Rhodiens, et non aux beaux arts.
Dans :Protogène, L’Ialysos (la bave du chien faite par hasard)(Lien)
, p. 234
S’il dit que Protogène ne pouvant venir à bout de peindre l’écume de la gueule d’un chien, jeta de dépit son éponge contre le tableau, et que le hasard opéra ce que l’art n’avoit pû faire, il connoît trop bien la nature pour se persuader que de pareils faits soient sujets à se répéter. Comme on voulait donc que Néalcès se fût trouvé depuis dans le même cas, pour l’écume de la bouche d’un cheval, Pline rapporte cette dernière histoire avec la restriction on dit, pour avertir qu’il n’en falloit rien croire. Nous pourrions même ajoûter aussi peu de foi à la première histoire qu’à la seconde, sans craindre de compromettre l’honneur de Pline. Des physiciens, et même des connoisseurs en fait de peinture, peuvent très bien, sans se faire beaucoup de tort, ignorer ce qui regarde le torche-pinceau des ouvriers, et raconter en pareille matière, sur la foi publique, une singularité sans conséquence, qu’ils auront négligée d’approfondir.
Dans :Protogène, L’Ialysos (la bave du chien faite par hasard)(Lien)
, p. 240-241
Pline, dit-on, représente le peintre mettant quatre couches de couleurs au tableau, pour en perpétuer la fraîcheur, afin qu’une couche venant à partir, il en succédât aussitôt une nouvelle : voilà toute la difficulté. Les uns prétendent que c’étoit là un secret admirable de l’ancienne peinture, qui s’est malheureusement perdu, et les autres soupçonnent ou quelque altération dans le texte, ou quelque faute de la part de l’écrivain. Sans donner aucune de ces extrémités, ne pourroit-on pas expliquer l’endroit de Pline autrement que par toutes ces croûtes imaginaires ? Protogène travailla pendant sept ans entiers à son magnifique tableau d’Ialysus [[1:Plut. In Demetrio, p. 898. F. edit. Paris. Ælian. Variar. Hist. XII, 41]] : dans ce long intervalle quatre fois il compta d’avoir fini l’ouvrage, et quatre fois il le reprit, pour l’empâter de plus en plus, et le mettre en état de braver l’injure des temps ; il voulut que le coloris, à mesure qu’il s’altéroit au-dessus par l’action de l’air, fût continuellement et insensiblement réparé par ce qui seroit au-dessous. C’est, je crois, le sens de la phrase latine : Huic picturae quater colorem induxit, subsidio injuriae et vetustatis, ut decedente superiore inferior succederent. Après tout, quand parmi ces différentes interprétations on choisiroit de préférence la plus avantageuse à Pline, qu’en résulteroit-il contre lui, sinon qu’il se seroit trompé sur le mécanisme de l’application des couleurs ? Mais ces sortes de connoissances pratiques, indispensables pour un ouvrier, ne sont pas ce qu’on exige d’un connoisseur : par conséquent, de quelque façon qu’on tourne le texte allégué, il ne sauroit infirmer les autres preuves de l’intelligence de Pline, dans ce qui concerne les merveilles du coloris.
Dans :Protogène, L’Ialysos (la bave du chien faite par hasard)(Lien)
, p. 236
[[4:suit Apelle Vénus inachevée]] L’intelligence et le sentiment n’éclatent pas moins ailleurs, où il dit, tantôt qu’on trouvoit dans les recueils de Parrhasius plusieurs restes de dessein, qui passoient pour être d’un grand secours aux maîtres de l’art ; tantôt qu’Apelle étant mort après avoir commencé le tableau d’une Vénus, il ne se rencontra personne en état d’exécuter le dessin qu’il en avait tracé ; tantôt enfin que l’Iris d’Aristide, les Tyndarides de Nicomachus, la Médée de Timomachus, furent à peu près dans le cas de la Vénus d’Apelle. « On préfère, dit-il[[3:Memoria dignum, etiam suprema opera artificum inperfectasque tabulas… in maiore admiratione esse quam perfecta. Quippe in iis liniamenta reliqua, ipsaeque cogitationes artificum spectantur, atque in lenocinio commendationis dolor est : manus, cum id ageret, exstinctae desiderantur.]], ces ouvrages imparfaits à des ouvrages terminés, parce qu’on y contemple les traits qui nous restent de la main de ces grands peintres, et qu’on y voit leur pensée parfaitement bien exécutée. » Tel est le langage du connoisseur ; et l’amateur ajoûte aussitôt : « le plaisir dont on se sent flatté à louer ces beautés de l’art est mêlé de douleur ; on a regret à (sic) la main des artistes ainsi arrêtée au milieu de leur travail. » Un écrivain ne traite point avec cette effusion de cœur les matières qui lui seraient indifférentes, ni avec ce discernement celles qu’il ignoreroit. Celui-ci a donc aimé, et il a connu la première et la plus importante partie de la peinture.
Dans :Tableaux inachevés(Lien)
, p. 251
Les finesses et les ressources d’esprit sont nécessaires dans la peinture comme dans tous les autres arts, qui rivaux de la Nature, mais plus bornés dans leurs ouvrages qu’elle dans les siens, ne peuvent pas toûjours nous la présenter dans un parfait degré de ressemblance : il faut pour lors appeler l’industrie au secours de l’art, comme l’ont fait quelques peintres cités par notre auteur. « Tous les ouvrages[[3:In omnibus huius operibus intellegitur plus semper quam pingitur et, cum sit ars summa, ingenium tamen ultra artem est.]] de Timanthe, dit-il, donnent à entendre plus qu’ils n’expriment, et quoique le talent pour la peinture y brille au souverain degré, ils annoncent l’homme d’esprit encore plus que le grand peintre. » Il peignit le sacrifice d’Iphigénie, et pour indiquer la douleur du père, après avoir épuisé tout son art à exprimer celle des autres assistans, il couvrit d’un voile le visage d’Agamemnon. Il trouva le moyen aussi de peindre, dans un petit tableau, un énorme Cyclope, à qui des satyres prenoient la mesure du pouce avec un thyrse. On peut ajoûter deux autres exemples d’industrie, que Pline rapporte ailleurs ; l’un d’Apelle, qui peignit de profil Antigonus parce qu’il étoit borgne ; l’autre de Néalcès, qui représentant un combat sur le Nil, distingua la rivière d’avec la mer par un ânon à l’abreuvoir, et par un crocodile en embuscade. Ce judicieux écrivain exige qu’un peintre ait du moins assez d’esprit pour suivre le genre de peinture assorti à ses talens, et le plus propre à lui assurer un succès avantageux : Pausias, qui réussissait dans l’encaustique, ayant pris le pinceau pour rafraîchir d’anciennes peintures à fresque de Polygnote, perdit beaucoup au parallèle qui fut fait du travail de l’un et de l’autre ; c’est que Pausias, suivant la remarque de Pline, étoit sorti de son genre.
Dans :Timanthe, Le Sacrifice d’Iphigénie et Le Cyclope (Lien)
, p. 231-232
[[4:suit Apelle tétrachromie]] Les couleurs ne sont pas le seul point où Pline se soit peint comme physicien, dans son histoire de la peinture ; il sème encore, çà et là, plusieurs traits relatifs à l’histoire naturelle des animaux, en racontant comment ils avoient été trompés à la vue de certains tableaux. L’objet ne paroît pas d’abord mériter l’attention des lecteurs, dont les uns traiteront ces faits de pure fable, et les autres de pure bagatelle ; cependant comme il n’y a rien de plus nuisible à la littérature que le mépris de ce que les anciens ont écrit, et rien de plus préjudiciable à l’histoire, que de vouloir juger de l’ancien temps par le nôtre, ces importantes considérations, et la nécessité de justifier la physique de Pline, demandent une réflexion sur la question présente. Sans la délicatesse de notre siècle, qui ne souffriroit jamais qu’on cherchât à faire illusion à des animaux, pour mettre un ouvrage de peinture à l’épreuve, peut-être que la tentative réussirait aujourd’hui comme autrefois ; et si l’on en veut croire M. Perrault [[1:Parallèle, t. I p. 200]], les peintres modernes ne le cèdent point aux anciens dans ce genre de succès. Il en rapporte plusieurs exemples du dernier siècle ; mais comme il n’en parle, ce semble, que pour pouvoir dire qu’un chardon de Le Brun, qui trompa un âne, valoit bien les raisins de Zeuxis, qui trompoient les oiseaux, il nous permettra de ne pas plus compter sur ses expériences que sur sa logique, et de nous en tenir au témoignage même de nos peintres modernes, qui ne veulent ici ni parallèle, ni conformité avec les anciens. Peut-être donc que la peinture en détrempe des anciens, moins luisante que la peinture à l’huile d’aujourd’hui, présentoit les objets d’une manière plus naturelle et plus séduisante. « Les anciens, dit M de Piles [[1:Abrégé de la vie des peintr. Vie de Protog.]], avoient des vernis qui donnoient de la force à leurs couleurs brunes, et leur blanc était plus blanc que le nôtre, de sorte qu’ayant par ce moyen plus d’étendue de degrés de clair-obscur, ils pouvoient imiter certains objets avec plus de force et de vérité qu’on ne fait par le moyen de l’huile. » Aussi le même auteur a-t-il adopté sans difficulté, dans son abrégé de la vie des peintres [[1:Vie de Zeuxis]], et dans le parallèle qu’il a fait de la peinture et de la poësie [[1:Cours de peint. p. 443]], le récit de Pline sur les animaux trompés par des peintres. Et comment nier ces sortes de faits, quand des écrivains les attestent positivement, que les exemples en sont variés et répétés, car Pline ne les rapporte pas tous, qu’ils ne renferment rien d’impossible, et que ces effets de l’ancienne peinture sont même beaucoup moins surprenans que ceux de l’ancienne musique ou de l’ancienne méchanique, dont il ne nous est pourtant pas permis de douter ? Des présomptions vagues contre l’Antiquité ne seront point admises, dans un siècle sur-tout équitable et éclairé, où d’anciennes découvertes, qu’on regardoit comme chimériques, se renouvellent chaque jour ; et si les savans modernes, à qui nous en sommes redevables, avoient écouté je ne sais quels préjugés préférablement à l’autorité de l’histoire, ils auroient acquis moins de gloire, et moins contribué à celle des arts. Ces réflexions sur les égards dûs au témoignage des anciens historiens sont de la dernière importance en tout genre de littérature, quoique l’occasion qui les fait naître puisse paroître mince et frivole.
Dans :Zeuxis et Parrhasios : les raisins et le rideau(Lien)