Type de texte | source |
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Titre | La Poëtique |
Auteurs | La Mesnardière, Jules Pilet de |
Date de rédaction | |
Date de publication originale | 1639 |
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Editeur moderne | |
Date de reprint | Reprint Genève, Slatkine, 1972. |
, « Les sentiments horribles », p. 314
[[2:Beauté des descriptions poëtiques]] Les belles descriptions sont certainement admirables. Elles font passer dans notre âme avec un plaisir sensible la propre essence des choses dont elles tracent les images. Si la peinture muette est proprement l’art de donner des charmes à des beautez mortes, on peut dire de la Poësie, que sa peinture parlante remplit l’imagination de mille objets animez, dont elle est si occupée, qu’ils rejallissent hors d’elle iusques aux sens extérieurs, qui croyent voir les choses mesmes que le Poëte réprésente, et non pas ces légers pourtraits et ces figures invisibles que son esprit a formez.
[[2:Election des sujets pour les descriptions]] Mais quelque puissans attraits qu’ayent ces merveilleuses peintures, elles ne doivent figurer que des choses qui soient plaisantes, ou pour le moins supportables. Il faut qu’un beau coloris soit employé en des sujets qui ne soient point odieux ; et que l’on ne travaille pas comme ces peintres bizarres qui mettent toute leur science à pourtraire une couleuvre, ou quelque autre vilain reptile.
Dans :Cadavres et bêtes sauvages, ou le plaisir de la représentation(Lien)
, p. 73-74
[[2:Le poëte doit le premier ressentir les passions qu’il veut inspirer à ses auditeurs]] Il est certain que le poète ne produira point ces effets, s’il n’est fortement touché des sentiments interieurs qu’il doit inspirer à ses iuges. Il se peut faire que les pleurs qu’il versera en travaillant sur le pitoyable état d’une Reyne infortunée, ne tirera pas des larmes de ceux qui verront ses pourtraits : mais il n’aviendra iamais, ou rarement, qu’il excite de la pitié par la description des miseres, s’il n’est outré de douleur quand il en fera la peinture.
[[2:Ordre de communication des passions theatrales]] Ce commerce est naturel aux productions spirituelles, que les passions violentes et naïfvement exprimées passent d’une ame dans l’autre. Le Poëte se les figure avec tant de réalité devant la composition, qu’il ressent la Ialousie, l’Amour, la Haine et la Vengeance avec toutes leurs émotions, tandis qu’il en fait le tableau. Le coloris qu’il y employe, est, s’il en faut parler ainsi, une passion extensible, qu’il tire de sa phantasie, et qu’il couche sur le papier à mesure qu’il la décrit. Ensuite l’excellent acteur épouse tous les sentimens qu’il trouve dans cet ouvrage, et se les met dans l’esprit avec tant de vehémence, que l’on en a vu quelques-uns être si vivement touchez des choses qu’ils exprimoient, qu’il leur étoit impossible de ne pas fondre en larmes, et de n’estre point abattus d’une longue et forte douleur, après avoir représenté des avantures pitoyables [[1:Vide Fab. Quintilian, Inst. lib. 6]]. Enfin l’auditeur honneste homme, et capable de bonnes choses, entre dans tous les sentimens de la personne theatrale qui touche ses inclinations. Il s’afflige quand elle pleure ; il est gai lorsqu’elle est contente ; si elle gémit, il soupire ; il frémit, si elle se fasche ; bref il suit tous ses mouvemens, et il ressent que son cœur est comme un champ de bataille, où la science du Poëte fait combattre mille passions tumultueuses, et plus fortes que la raison.
Dans :Polos, si vis me flere(Lien)
, p. 46
Comme le Poëme Tragique consiste à bien réprésenter une action remarquable, et qu’il prend pour son sujet celles des plus excellens hommes, βελτίους μιμεῖσθαι βοὐλεται [[1:Arist. C. 2]], ainsi que la Comedie imite les plus imparfaits, χείρους, le Poëte doibt prendre garde à figurer les héros les meilleurs qu’il sera possible, à l’exemple des grans peintres, qui flatent toujours leurs pourtraits, et leur donnent des agrémens que les naturels n’ont pas.
Dans :Le portrait ressemblant et plus beau(Lien)
, p. 386-387
Comme on approuva l’artifice de ce peintre judicieux, qui pour figurer la douleur qu’eut le sage Agamemnon lorsqu’on sacrifia sa fille, lui fit le visage couvert ; pour montrer que la peinture ne pouvoit réprésenter une si grande affliction. Ainsi on loüeroit le Poëte de ne point faire déclamer avec tant d’ajustement les personnes infortunées.
[[2:Manieres que le Poëte doit imiter dans l’expression de la douleur]] On les treuveroit plus belles au milieu de leurs disgraces, si elles étoient moins parées ; et au iugement des maistres, elles seroient fort éloquentes, si alors on voyoit sortir plus de larmes de leurs yeux, que de parolles de leurs bouches.
Spesso in un dir confuso,
E’n parole interrote
Meglio si esprime il core. [[1:Tasso in Amynta]]
Dans :Timanthe, Le Sacrifice d’Iphigénie et Le Cyclope (Lien)