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TitreDictionnaire portatif des beaux-arts ou abrégé de ce qui concerne l’architecture, la sculpture, la peinture, la gravure, la poésie et la musique
AuteursLacombe, Jacques
Date de rédaction
Date de publication originale1752
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Date de reprint

, art. « Apelle », p. 29-30

Personne n’a pû pénétrer la composition d’un certain vernis dont il faisoit usage ; ce vernis, dit Pline, avoit trois propriétés bien essentielles, il rendoit les couleurs plus unies, plus moelleuses, et plus tendres ; il menageoit la vûe du spectateur, et garantissoit l’ouvrage de la poussiere.

Dans :Apelle, atramentum(Lien)

, art. « Peinture », p. 480

Nous avons plusieurs morceaux de peinture antiques ; le plus considérable est à Rome, dans la Vigne Aldobrandine. Il représente un Mariage. Cet ouvrage est d’un grand goût de dessein, mais sans intelligene de groupes, ni de clair-obscur. Cependant on ne peut juger par là du mérite des Anciens dans la peinture : ils n’avoient point la connoissance de la peinture à l’huile ; mais Pline parle d’un vernis dont se servoit Apelle, qui pouvoit peut-être y suppléer.

Dans :Apelle, atramentum(Lien)

, art. « Apelle », p. 30

Apelle étoit le peintre d’Alexandre le Grand, et lui seul avoit le droit de peindre ce fameux conquerant. Alexandre l’estimoit et l’aimoit, il le fréquentoit même souvent dans son attelier et se rendoit familier avec lui, discourant assez mal d’un art qu’il ne connoissoit point, et apprêtant quelquefois à rire aux eleves d’Apelle, ce que le peintre fit un jour remarquer au roi.

Dans :Apelle et Alexandre(Lien)

, art. « Apelle » , p. 30

Apelle avoit coûtume d’exposer ses ouvrages en public pour sçavoir son jugement. Un jour un cordonnier trouva qu’il manquoit quelque chose à une sandale, il le dit hautement, et Apelle en profita ; quelques coups de pinceau firent disparoître le défaut. Le cordonnier flatté de voir que sa critique avoit eu son effet, s’ingéra de censurer mal à propos une jambe, c’est à cette occasion qu’est venu le proverbe Ne sutor ultra crepidam.

Dans :Apelle et le cordonnier(Lien)

, art. « Apelle », p. 30

On sçait la maniere dont il se fit connoître à Protogene, peintre de Syracuse ; quelques traits d’une extrême délicatesse dessinés sur une toile sans autre indication, suffirent à Protogène pour sçavoir qu’Apelle étoit venu le voir, quoiqu’il ne l’attendît point et qu’il n’eût vû auparavant aucun de ses ouvrages ; mais il y a des touches qui décelent le grand maître ; c’est un signe auquel les habiles gens ne peuvent gueres se méprendre.

Dans :Apelle et Protogène : le concours de la ligne(Lien)

, art. « Protogene », p. 530

On sçait la maniere dont Apelle et Protogène firent connoissance. Apelle arrivé à Rhodes, alla chez ce peintre et ne l’ayant point rencontré, il esquissa d’une touche legere et spirituelle une petite figure ; Protogene de retour ayant appris ce qui s’étoit passé, s’écria dans le transport de son admiration, Ah, c’est Apelle ! et prenant à son tour le pinceau, il fit sur les mêmes traits un contour plus correct et plus délicat. Apelle revint, et ne trouva point encore Protogene ; on lui montra ce qu’il venoit de faire ; Apelle se sentit vaincu ; mais ayant fait de nouveaux traits, Protogene les trouva si sçavans et si merveilleux, que sans s’amuser inutilement à jouter contre un si redoutable rival, il courut dans la ville chercher Apelle, le trouva et contracta depuis avec lui l’amitié la plus intime.

Dans :Apelle et Protogène : le concours de la ligne(Lien)

, art. « Apelle », p. 29

Mais ce qui caracterisoit ses ouvrages, c’étoit la Grace et l’Elegance ; il avoit une touche libre, noble et gracieuse ; en un mot, ce je ne sçai quoi qui remue le cœur et reveille l’esprit. Ce talent est d’autant plus précieux, qu’il est très-rare que la nature seule l’accorde, et que l’art ne peut l’acquérir. Apelle connoissoit son mérite, il en parloit avec cette ingénuité qu’on admire dans les grands hommes ; d’ailleurs il avoit la bonne foi de convenir du talent des autres célèbres artistes, et de les mettre pour certaines parties au-dessus de lui. Apelle, outre cette Grace qui lui était propre, avoit aussi beaucoup de génie ; il inventoit facilement, et disposoit avec esprit et avec goût ; la nature sembloit conduire son pinceau, il en saisissoit toutes les expressions, toute la finesse, et jusqu’aux moindres nuances.

Dans :Apelle supérieur par la grâce(Lien)

, art. « Protogène », p. 529-530

Ce peintre peignoit avec beaucoup de vérité. Il finissoit extrêmement ses ouvrages, et c’étoit même un défaut qu’Apelle lui reprochait.

Dans :Apelle et la nimia diligentia(Lien)

, art. « Apelle », p. 29

Quoiqu’à la maniere des Anciens il ne se servît que de quatre couleurs, son coloris étoit bien entendu, il étoit vrai, vif et brillant. [[4:suite : Apelle atramentum]]

Dans :Apelle et la tétrachromie(Lien)

, art. « Aristide », p. 39-40

Ce peintre n’avoit point cette grace et cette élegance qu’on remarquoit dans les ouvrages d’Apelle ; son pinceau avoit quelque chose de dur et d’austere ; il négligeoit trop le coloris, cette partie qui fait en quelque sorte la magie de l’art ; mais personne n’a mieux entendu que lui à exprimer les passions de l’ame. On ne pouvait voir ses tableaux sans se sentir vivement ému ; l’Art n’étoit point en cette occasion inférieur à la nature ; il agissoit aussi puissamment qu’elle sur le cœur et sur l’esprit du spectateur. Pline parle d’un tableau où ce célebre artiste avait représenté dans le sac d’une ville, une femme qui expire d’un coup de poignard qu’elle a reçu dans le sein. Un enfant à côté d’elle se traîne à sa mammelle, et va chercher la vie entre les bras de sa mere mourante ; le sang qui l’inonde, le trait qui est encore dans son sein ; cet enfant que l’instinct de la nature jette entre ses bras ; l’inquiétude de cette femme sur le sort de son malheureux fils qui vient, au lieu du lait, sucer du sang ; son combat contre une mort cruelle ; tous ces objets représentés avec des touches hardies et avec la plus grande vérité portoient le trouble dans le cœur des personnes les plus indifférentes.

Dans :Aristide de Thèbes : la mère mourante, le malade(Lien)

, art. « Grotesque », p. 304-305

Ce sont des ornemens de pur caprice, variés de figures d’animaux, de feuillages, de fleurs, de fruits, etc. Ces ornements s’appellent grotesques, parce qu’on s’en servoit autrefois pour orner les grotes (sic) où étoient renfermés les tombeaux d’une même famille, ou parce que l’on trouva de ces sortes de peintures en fouillant la terre dans des grotes à Rome. Jean d’Udine fit le premier la découverte de plusieurs morceaux de peinture avec des ornements en bas-relief faits de stuc ; il imita ce genre d’ornement appelé grotesque, et trouva le secret de faire le stuc tel qu’il le voyoit dans ces restes de l’Antiquité.

Dans :Grotesques(Lien)

, art. « Myron », p. 444

Cet artiste s’est rendu recommandable par une exacte imitation de la nature ; la matiere sembloit s’animer sous son cizeau. Plusieurs epigrammes de l’Anthologie font mention d’une vache qu’il avoit représentée en cuivre avec un tel art, que cet ouvrage séduisoit même les animaux.

Dans :Myron, la Vache(Lien)

, art. « Peinture », p. 479

La peinture eut, comme les autres arts, des commencemens très-grossiers et très-imparfaits. Il est naturel de penser que l’ombre qui retrace les objets en donna l’idée ; d’abord on se contenta de dessiner les principaux traits d’une figure ; on y ajoûta ensuite la couleur qui d’abord étoit unique dans chaque dessein.

Dans :Les origines de la peinture(Lien)

, art. « Parrhasius », p. 469-470

Les artistes d’un mérite supérieur ne sont pas souvent assez en garde contre la vanité. Parrhasius avoit conçu une si haute idée de lui-même, qu’il se prodiguoit les louanges les plus fortes ; il étoit méprisant et magnifique dans tout ce qui environnoit sa personne : il étoit ordinairement vêtu de pourpre et avoit une couronne sur la tête, se regardant comme le prince de la peinture.

Dans :Parrhasios : orgueil(Lien)

, art. « Parrhasius », p. 469

On remarque encore dans ses ouvrages beaucoup de génie et d’invention. Il avoit étudié sous Socrate les expressions qui caractérisent ordinairement les grandes passions ; il rendoit aussi dans toute leur force ces mouvemens impétueux de l’âme ; ses figures étoient correctes et élégantes, ses touches étoient savantes et spirituelles ; enfin son pinceau embellissoit la nature sans l’altérer. Le tableau allégorique que ce peintre fit du Peuple d’Athènes lui acquit une grande réputation. Cette nation bisarre, tantôt fiere et hautaine, tantôt timide et rampante, et qui à l’injustice et à l’inconstance allioit l’humanité et la clémence, étoit représentée avec tous les traits distinctifs de son caractere. [[4:suite : orgueil]]

Dans :Parrhasios, Le Peuple d’Athènes(Lien)

, art. « Phidias », p. 495

Il possédoit surtout l’optique ; ce qui lui fut très-utile dans une occasion assez remarquable. Alcamene et lui furent chargés de faire chacun une Minerve, afin qu’on pût choisir la plus belle pour la placer sur une colonne. La statue d’Alcamene vue de près avoit un beau fini qui gagna tous les suffrages, tandis que celle de Phidias ne paroissoit en quelque sorte qu’ébauchée. Mais le travail recherché d’Alcamene disparut lorsque la statue fut élevée au lieu de sa destination ; celle de Phidias au contraire fit tout son effet et frappa les spectateurs par un air de grandeur et de majesté qu’on ne pouvoit se lasser d’admirer.

Dans :Phidias et Alcamène, le concours pour Athéna(Lien)

, art. « Phidias », p. 495-496

On chargea encore Phidias de faire la Minerve qu’on plaça dans le fameux temple appelé Parthenon. Cette statue avoit vingt-six coudées de haut, elle étoit d’or et d’yvoire ; mais c’étoit l’art qui en faisoit le principal mérite. Cette statue auroit fait douter s’il pouvoit y avoir rien de plus parfait en ce genre, si Phidias lui-même n’en eût donné la preuve dans son Jupiter Olympien, qu’on peut appeller le plus grand effort de l’art et le chef-d’œuvre de l’artiste. Il fut inspiré dans cet ouvrage par un esprit de vengeance contre les Athéniens dont il avoit à se plaindre et par le desir d’ôter à son ingrate patrie la gloire de posseder son plus bel ouvrage dont les Eléens furent possesseurs. Phidias fut le premier parmi les Grecs qui étudia la belle nature pour l’imiter ; son imagination étoit grande et hardie ; il sçavoit rendre la divinité avec une telle expression et un si grand éclat, qu’il sembloit avoir été guidé dans son travail par la divinité elle-même.

Dans :Phidias, Zeus et Athéna(Lien)

, art. « Protogène », p. 529

Demetrius ayant assiegé Rhodes, ne voulut point mettre le feu à un quartier de la place, quoique ce fût le seul moyen de s’en emparer, parce qu’il apprit que c’étoit en cet endroit que Protogene avoit son attelier ; il leva le siége. [[4:suite : Protogène Ialysos]]

Dans :Protogène et Démétrios(Lien)

, art. « Protogène », p. 529-530

Le tableau le plus fameux de ce peintre étoit l’Ialyse, chasseur fameux, qui passoit pour être un petit-fils du Soleil, et le fondateur de Rhodes. Il employa sept années de travail à cet unique morceau, et pendant tout ce temps, il prit un régime de vie extrêmement sobre, afin d’être plus capable de réussir. Cependant tant de précaution pensa lui être inutile. Il y avoit dans ce tableau, un chien qui faisoit surtout l’admiration des connoisseurs. Il s’agissoit de le représenter tout haletant et la gueule pleine d’écume ; depuis longtemps il y travailloit, et n’en étoit jamais content ; enfin de dépit, il jeta dessus l’ouvrage l’éponge dont il s’étoit servi pour l’effacer ; le hazard fit ce que l’art n’avoit pu faire, l’écume fut représentée parfaitement. Ce peintre peignoit avec beaucoup de vérité.

Dans :Protogène, L’Ialysos (la bave du chien faite par hasard)(Lien)

, article « Timanthe », p. 641

C’est lui qui est l’auteur de ce fameux tableau d’Iphigénie que tant d’écrivains célebres, et que les grands maîtres ont regardé comme un chef-d’œuvre de l’art. Le peintre avait représenté Iphigénie avec toutes les graces attachées à son sexe, à son âge, à son rang ; avec le caractere d’une grande ame qui se dévoue pour le bien public, et avec l’inquiétude que l’approche du sacrifice devoit naturellement lui causer. Elle étoit debout devant l’autel, le grand prêtre Calchas avoit une douleur majestueuse, telle qu’elle convenoit à son ministere ; Ulysse paroissoit aussi pénétré de la plus vive douleur ; l’art s’étoit épuisé à peindre l’affliction de Ménélas oncle de la princesse, d’Ajax, et d’autres personnages présens à ce triste spectacle ; cependant il restoit encore à marquer la douleur d’Agamemnon pere d’Iphigénie, les expressions manquoient ici ; mais le peintre par un trait d’esprit également ingénieux et frappant, laissa à l’imagination du spectateur ému le soin de se représenter quelle était la situation de ce malheureux pere, et pour lui il se contenta d’envelopper d’un voile le visage d’Agamemnon. Qui ne sent que par là Timanthe donnoit infiniment plus à penser, qu’il n’auroit pu exprimer. Cette idée a été heureusement employée plus d’une fois depuis, et surtout dans le Germanicus du Poussin. Tel était le talent de Timanthe, il faisoit concevoir plus de choses qu’il n’en montroit.

Dans :Timanthe, Le Sacrifice d’Iphigénie et Le Cyclope (Lien)

, article « Zeuxis », p. 704 

[[4:suit Zeuxis Hélène]] Ce peintre saisissoit la nature dans toute sa vérité ; il avoit représenté des raisins dans une corbeille, mais avec un tel art que les oiseaux séduits venoient pour becqueter les grappes peintes. Une autre fois il fit un tableau où un jeune garçon portoit un panier aussi rempli de raisins, les oiseaux vinrent encore pour manger ce fruit. Zeuxis en fut mécontent, et ne put s’empêcher d’avouer qu’il falloit que le porteur fût mal représenté, puisqu’il n’écartoit point les oiseaux. Zeuxis avoit des talents supérieurs, mais il n’étoit point sans compétiteurs ; Parrhasius en fut un dangereux pour lui. Il appela un jour ce peintre en défi. Zeuxis produisit son tableau aux raisins qui tromperent les oiseaux mêmes ; quelle preuve plus forte de l’excellence de sa peinture ! Mais Parrhasius ayant montré son ouvrage, Zeuxis impatient s’écria, Tirez donc ce rideau, et c’étoit ce rideau même qui faisait le sujet de son tableau. Zeuxis s’avoua vaincu, puisqu’il n’avoit trompé que des oiseaux, et que Parrhasius l’avoit séduit lui-même.

Dans :Zeuxis et Parrhasios : les raisins et le rideau(Lien)

, article « Zeuxis », p. 705

On reprochait à Zeuxis de ne savoir pas exprimer les passions de l’âme, de faire les extrémités de ses figures trop prononcées.

Dans :Zeuxis et Polygnote : action et caractères(Lien)

, article « Zeuxis », p. 704

On a beaucoup vanté le tableau d’une Hélene que ce peintre fit pour les Agrigentins. Cette nation lui avoit envoyé les plus belles filles d’Agrigente. Zeuxis en retint cinq, et c’est en réunissant les graces et les charmes particuliers à chacun qu’il conçut l’idée de la plus belle personne du monde, que son pinceau rendit parfaitement.

Dans :Zeuxis, Hélène et les cinq vierges de Crotone(Lien)

, article « Zeuxis », p. 705

Si l’on en croit Festus, ce peintre ayant représenté une Vieille avec un air extrêmement ridicule, ce tableau le fit tant rire qu’il en mourut.

Dans :Zeuxis mort de rire(Lien)

, article « Zeuxis », p. 704

Ce peintre porta à un plus haut dégré que son maître[[5:Apollodore.]] l’intelligence et la pratique du clair-obscur ; ces parties essentielles qui font principalement la magie de l’art, firent rechercher ses ouvrages avec empressement, ce qui mit bientôt Zeuxis dans une telle opulence qu’il ne vendoit plus ses tableaux, parce que, disoit-il, aucun prix n’étoit capable de les payer.

Dans :Zeuxis et la richesse(Lien)