Lyon, 20 mars 1810.
Enfin le plus paresseux des amis m'a donné de ses nouvelles. Ne s'avise-t-il pas encore pour comble d'impudence de nous accuser! Je lui ai répondu comme il le mérite, en lui faisant cependant entrevoir un léger espoir de pardon. Gronde-le aussi d'importance, il l'a bien mérité. Écoule un méchant impromptu en l'honneur de mon masque que je liens presque :
Ce sont des couplets, comme tu vois. Je ne trouve que le dernier de supportable. J'ai entrepris ces jours-ci un petit vaudeville de moitié avec un des jeunes gens de ma connaissance. Je ne sais pas si nous passerons la première scène. On nous donne ici des pièces nouvelles à force. Hier au soir, nous eûmes un très-joli opéra-comique de M. Etienne, celui qui a fait Un jour à Paris. Je suis trop fidèle au spectacle. Je ferais peut-être mieux d'aller quelquefois en bonne compagnie, mais j'aime trop la vie libre, et je ne peux être une heure assis à une sotte partie sans avoir l'esprit ou tout au moins le coeur agréablement occupé.
A propos de voyage, j'ai été avant-hier deux fois retenir ma place pour Grenoble, et deux fois je me suis dédit pour de trop fortes raisons. Je t'aurais surpris, car je crois que tu ne m'attends plus guère ; cependant je ne désespère toujours de rien. Donne-moi la rue et l'adresse de la bonne auberge pour que j'y aille débarquer si cela m'arrive. Donne-moi la tienne pour que j'aille aussitôt le trouver.
ALPHONSE DE LAMARTINE.
J'oubliais de te donner l'adresse du voyageur : à M. Aymon de Virieu, rue de Lille. n° 92. à Paris.