[p. 1] Ce 21 mai 1860
Monsieur le préfet 1,
J’étais venu à Paris pour avoir l’honneur de vous rendre mes devoirs et pour rappeler à votre bienveillant souvenir les noms de deux sculpteurs, MM. Caillouet 2 et Préault 3, en faveur desquels j’avais pris la liberté de vous présenter une recommandation que vous aviez bien voulu accueillir favorablement. Vous m’aviez fait espérer, pour le premier de ces artistes, des travaux de sculpture dans la tour de Saint-Germain l’Auxerrois 4, ou à leur défaut des travaux analogues. M. Caillouet, depuis un grand nombre d’années, rend à la ville de véritables services comme professeur de dessin de l’une des écoles gratuites de dessin5. Son dévouement et son désintéressement, en particulier dans cette situation peu rétribuée, nous avait vivement frappés, M. Perrier 6 et moi, dans une visite que nous faisions à cet établissement, il y a quelques années. Il occupe d’ailleurs un rang très honorable parmi nos sculpteurs.
Quant à M. Préault, j’avais pris la liberté de vous prier de lui confier l’exécution de la statue de saint Louis qui est l’une des trois qui vont être données pour l’église Saint-Paul et Saint-Louis au Marais, et pour lesquelles malheureusement il se présente neuf concurrents7. C’est demander beaucoup, [p. 2] je ne me le dissimule pas, en présence de candidatures nombreuses et qui ont sans doute leur valeur : c’est donc une faveur véritable que je sollicite de votre bienveillance et qui serait justifiée, j’ose le dire, par le talent de l’artiste, tout à fait en harmonie avec le sujet.
J’ai le regret, Monsieur le préfet, de n’avoir pu que bien tard user du seul remède qui me remette véritablement de la singulière langueur et de la prostration absolue dans laquelle j’ai passé la convalescence d’une maladie dangereuse dans son principe. J’éprouve de mon séjour à la campagne des effets tellement remarquables que je me flatte de reprendre avant quinze jours et d’occuper d’une manière continue ma place au conseil municipal, de manière à me faire pardonner par vous, Monsieur le préfet, et par mes collègues, ma longue et trop involontaire absence.
Veuillez agréer, Monsieur le préfet, l’expression de ma haute considération et de mon respect.
E. Delacroix