Chère amie,
j’ai éprouvé depuis que je vous ai vue un bien grand chagrin. J’ai perdu un de mes amis les plus chers et qui était mon parent1. C’est une des plus grandes peines que je puisse éprouver et qui me paraîtra aussi irréparable que le premier jour toutes les fois que j’y penserai jusqu’à la fin de ma vie. Vous savez, c’est une de ces peines qui permettent à la longue toutes les distractions, toutes les sottises par lesquelles nous trompons notre misère, mais qui font au fond du cœur une source d’amertume pour le reste de la vie. J’ai pensé que vous prendriez part à ce que j’éprouve et c’est une consolation pour moi de me tourner vers ceux que j’aime pour m’assurer de ce qui me reste.
Adieux, illustre et bonne, gardez-moi un coin de votre bon cœur.
Eugène Delacroix
ce 20 février