1860-03-19, de  Delacroix, Eugène à  Viardot, Pauline Garcia, épouse.
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Je suis bien désespéré, Madame, de ne pouvoir aller vous voir ni dîner avec vous comme vous avez la bonté de m’y engager. Nous aurions causé d’un costume pour Armide. J’allais assez bien et un gros rhume qui m’est survenu me force encore à rester chez moi. Je me permets de vous présenter quelques observations pour l’objet de votre lettre2.

Le costume d’Armide doit être de pure fantaisie : c’est là où encore plus que dans Orphée, vous pouvez prendre celui qui vous ira le plus3. Vous êtes là dans la féerie pure : c’est un mélange de la nymphe et de la grande dame. Je suis sûr que vous avez trop bon goût pour ne pas tomber aussi juste que vous l’avez fait dans Orphée où vous êtes si bien4.

Je suis bien chagrin d’être ainsi enchaîné : j’ai manqué cet hiver [p. 2] toutes sortes de bonnes occasions.

Recevez, Madame, mille et mille nouveaux témoignages de ma vive admiration.

Eug. Delacroix

Mes compliments bien affectueux, je vous prie, à M. Viardot 5. Mme Sand, que j’ai vue, a été bien enchantée de vous.