1778-05-25, de Alexandre Marie François de Paule de Dompierre d'Hornoy à Jean Louis Wagnière.

Mon pauvre oncle, mon cher Wagniere, est dans l'état le plus fâcheux.
L'effet de l'opium est passé, mais il a laissé des suittes cruelles. L'anéantissement est extrême, il a un éloignement affreux pour ce qui pourait le soutenir et le réparer, il ne veut rien prendre; tout ce qu'on peut faire à forces d'instances, de supplications, et même de propos pour l'effraier sur son état, c'est de l'engager à avaler quelques cuillerées de gelée, ou de blanc-manger; aussi sa faiblesse augmente, et elle est effraiante. Il vous désire vivement; il m'a chargé de vous écrire pour vous presser de revenir le joindre. Ne perdez pas de temps, vous auriez ici un spectacle bien cruel; mais peut être auriez vous plus de crédit sur lui que nous. Il a assez de tête pour résister obstinément à toutes les instances qu'on lui fait, et il ne veut pas se rendre à la raison. Il est bien douloureux de voir un homme qui avait encor quinze ans à vivre, se tuer par son impatience. Vous partageriez icy, mon cher Wagniere, un spectacle bien déchirant, mais vous consoleriez peut être les derniers moments d'un homme que vous aimez, qui vous aime beaucoup, et dont je partage bien les sentiments qu'il a pour vous.

D'Hornoy