1778-05-10, de Théodore Tronchin à François Tronchin.

… Aujourd'huy que Voltaire est près de sa fin, les bouches s'ouvrent, & je crois déjà appercevoir qu'il sera pour le moins regreté.
On évalue déjà le mal qu'il a fait à la société, que gens qui ne sont pas infiniment sévères équivalent aux guerres, aux pestes, & aux famines qui depuis quelques milliers d'années ont désolé la terre. Ce qui m'a le plus étonné c'est que cette évaluation se fait par ce qu'on apelle les gens du monde. J'étois hier chez Mr le Duc de Penthievre, où un élégant entra. Il en parla du même ton.

Qu'est ce que la réputation des vivants? elle ne ressemble guère à celle des morts. Je me divertirai à entendre tout ce qui s'en dira, car pendant 48 heures on en parlera beaucoup. A la 49e on parlera d'autre chose. Rien ne tient audelà de deux fois 24 heures. J'espère que la pauvre Made Denis sera contente. Je le souhaite de tout mon cœur. Parlez lui de mes sentimens quand vous la verrez. Nous nous portons bien, & nous vous embrassons, mon cher ami, bien tendrement.