A Compiègne, ce 7 août 1768
Voici, ma chère enfant, une lettre qui m'est arrivée ce matin de Lyon à mon adresse, celle qui était dessous pour vous était à cachet volant.
Je l'ai lue pour remplir l'intention du fondateur. Ah! il est tout à fait de mauvaise humeur de la protection que nous accordons contre lui à La Bletterie et ma chère petitefille est le houssart qu'il fouette pour mon billet; je crois que nous ferons bien de le laisser tranquille, car pour moi, je ne veux point entrer dans une dispute littéraire. Je ne me sens pas en état de tenir tête à Voltaire, puis l'animadversion des gens de lettres me paraît la plus dangereuse des pestes. J'aime les lettres, j'honore ceux qui les professent, mais je ne veux de société avec eux que dans leurs livres et je ne les trouve bons à voir qu'en portrait. J'entends d'ici la petite-fille qui dit: la grand'maman a raison, il semble qu'elle ait mon expérience. Avouez, ma chère enfant, qu'il n'y a que notre très cher et bon abbé qui se soit garanti du venin commun des gens de lettres; c'est qu'il n'a sa supériorité que pour lui, son bel esprit que pour nous, et son bon esprit pour tout le monde. Aussi les craint il presque autant que nous. Le grand-papa vous embrasse, il dit qu'il vous enverra la suite de sa traduction à mesure qu'elle sera faite. J'embrasse aussi la chère enfant, et sur ce je vais me coucher sur la bonne bouche.