1778-04-22, de Voltaire [François Marie Arouet] à Théodore Tronchin.

Pardon, pardon, mon cher maître.
Vous m'aviez demandé des glaires, j'en ai au service de toute la faculté. Je n'ai pu en conserver qu'une très petite partie par des opérations très humiliantes pour la nature humaine. Mais il ne faut point rougir de la nature. Vous savez assez combien le dedans est dégoûtant si quelquefois le dehors est agréable.

Comment puis-je être continuellement empoisonné par tant de glaires dans les entrailles, lorsque je ne mange ni viande ni poisson? n'ai-je pas un besoin évident de décicatifs? pouvez vous me refuser un peu de Quinquina? Je combats depuis quatre vingts ans la nature en l'admirant. J'ai besoin de forces dans cette Lutte continuelle, et j'admire comment Dieu en nous abandonnant à tant de maux nous a accordé tant de secours.

Enfin, je vous demande la permission de prendre un peu de quinquina et un peu de vin sur les bords de la Seine comme sur les bords du lac de Genêve. Je crois n'avoir d'autre mal que ces glaires dont je vous parle. Elles rendent ma vie affreuse. Vos bontés la rendront tolérable.

V.