28e Mars 1778, à Paris, quai des Théatins à L'hôtel de Mr le marquis de Villette
Messieurs,
Echapé à deux maladies mortelles, contre toute aparence, à mon âge de quatre vingt quatre ans, souffrez que j'aie recours à vos bontés et à vôtre justice, pour achever en paix le peu de jours qui peuvent me rester.
Le sr Rozé qui me paiait selon vos ordres auparavant tous les trois mois, ne me paie plus depuis quelques années que par semestres. Il me doit suivant son dernier compte, quatorze mille livres d'une part, depuis le 1er janvier, et de l'autre mille sept cent cinquante Livres pour six mois d'arrérages du Capital des cinquante mille Livres que vous me devez.
Je lui ai écrit pour le prier d'envoier cet argent à Genêve à mon correspondant le sr Souchay, négociant, au Lyon d'or.
Je vous suplie, Messieurs, de m'accorder vôtre protection pour me faire délivrer cet argent à Geneve à la personne indiquée, laquelle donnera son reçu pour moi.
Quant à ce fond de cinquante mille livres qui vous coûtent des arrérages à cinq pour cent, si vous pouvez cette année vous libérer de vingt mille livres en ma faveur, la somme de cette dette restera réduite à trente mille, et ce sera un grand soulagement pour moi, et pour ma famille comme pour vous.
J'attends vôtre réponse et vos ordres sur tous ces objets, me recommandant à vos bontés, et aiant l'honneur d'être avec tous les sentiments que je vous dois
Messieurs
Vôtre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire