Ferney le 15 9bre 1777
Monsieur,
Pendant que m. de Villette se marie chez moi à la fille d'un officier dont l'unique dot est de la bonté et de la vertu; pendant qu'on prépare la noce, je suis assez près d'aller habiter mon cimetière, pour mettre un peu de variété dans la scène de ce monde.
J'ai lu pendant ma maladie le monument attendrissant que vous élevez à la mémoire de votre ami. J'ai vu partout l'éloquence du cœur et de la vérité. Si j'étais dans un âge où l'on peut travailler encore, je me garderais bien d'oser toucher à votre ouvrage. Il est plein d'intérêt, il est écrit avec sagesse, on y devine des vérités que vous avez l'art de laisser entrevoir. Il y a d'autres vérités que vous développez en homme qui connaît les nations, et qui sait les peindre; entre autres le portrait des Français et des Anglais est de main de maître. Si vous avez communiqué cet écrit à m. de Foncemagne, il vous aura sans doute conseillé de le faire imprimer. Ce sera une consolation pour made Deblot et pour me D'Ennerie. Cette espèce d'oraison funèbre faite par l'amitié sera éternellement chère aux îles de l'Amérique où elle parviendra bientôt. L'accablement où je suis ne me permet pas de vous en dire davantage. Il me serait difficile de vous bien exprimer le plaisir que j'ai eu en lisant ce beau morceau, et l'estime respectueuse que je conserverai pour l'auteur, jusqu'au moment où j'achèverai ma languissante vie.