Ferney, 10 avril 1777
Le vieillard malade, ou plutôt mourant, à qui monsr l'abbé Duvernet a écrit, compte parmi ses plus grands maux, celui de ne lui avoir pu répondre avec exactitude.
Mr l'abbé ne doute pas que le pauvre solitaire ne soit pénétré d'horreur au récit des méchancetés et des bêtises de ces cannibales. Une relation de cette grossièreté barbare, figurerait très bien dans un de ces journaux où l'on instruit l'Europe de ce qui se passe dans l'île de Bornéo, ou dans l'île Formose.
Le vieux malade va bientôt partir de ce globe habité encore par tant de sauvages. Mais il regrettera ceux qui pensent comme mr l'abbé Duvernet et son ami. L'apoplexie dont il a été attaqué, n'a pas tout à fait pénétré jusqu'à son âme. Il se console de quitter bientôt ce monde où il n'entend parler que d'extravagances barbares et fanatiques; mais il mourra bien plus consolé s'il apprend que les détestables coquins de convulsionnaires qui ont persécuté mr Delisle, ont été sans crédit au parlemt où ils sont prisés ce qu'ils valent. On ne dira même rien de désagréable à un homme aussi estimable que mr Delisle; on lui recommandera seulement de se conformer plus exactement aux règlements de la librairie.
Je prie mr l'abbé Duvernet d'embrasser pour moi son prisonnier qui, je crois, est actuellement délivré.