1777-02-25, de Henri Louis Lekain à Henri Rieu.

Monsieur, suivant l'espoir que vous m'aviez donné, j'espérais recevoir l'édition de m. de Voltaire vers le mois d'octobre dernier, et il y a toute apparence que je passerai mon carême sans en entendre parler; je ne prévois qu'une seule chose qui ait pu vous empêcher de me rendre ce petit service dans son temps, c'est le dérangement de votre santé, et si mon pressentiment est fondé, je vous demande en grâce de m'en donner des nouvelles; il y a déjà quelque temps que je n'en ai reçu de Ferney, mais selon celles qui me parviennent quelquefois par m. d'Argental, je suis instruit que tout le monde se porte bien, et que, mème, le patron travaille à nos plaisirs, tandis que quelques grimaux le déchirent à Paris et ques les plus grands seigneurs du royaume lui font banqueroute.
Il craint que sa colonie n'en souffre, et il a bien raison; je m'écrierai toujours en pensant à lui: Quel homme! quel homme! Et combien sa nation est peu digne de lui! Je dois vous prévenir, monsieur, que l'adresse que j'ai eu l'honneur de vous donner pour me faire parvenir l'édition en question ne peut plus avoir lieu, parce que m. Couvet a vendu son intérêt dans la ferme des postes; je vous supplie donc d'avoir la complaisance de la mettre tout uniment à mon adresse; elle restera à la chambre syndicale, et j'ai promesse de l'inspecteur de police qui en a le département d'obtenir l'ordre de me la faire remettre. Permettez moi de vous réitérer tous mes remerciements et de vous assurer de la plus respectueuse reconnaissance avec laquelle j'ai l'honneur d'être bien sincèrement, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

Lekain