1760-10-16, de Chrétien Guillaume de Lamoignon de Malesherbes à François Augustin Paradis de Moncrif.

Il a transpiré, Monsieur, contre mon intention et malgré les mesures que j'avois prises pour le cacher que vous estiés nommé censeur de l'histoire de Russie. M. d'Argental m'a écrit à ce sujet et m'a représenté que vu votre absence il falloit nommer un censeur qui fût à Paris.
Il a raison quand il me dit que cette affaire requiert célérité d'autant plus qu'il se débite des éditions contrefaites pendant qu'on a arrêté à la chambre syndicale l'édition avouée par l'autheur. Je ne peux pas luy dire les très bonnes raisons que j'avois de désirer que vous fussiés chargé de cet examen plustost que tout autre censeur, et d'ailleurs l'ouvrage estant connu et se débitant de toutes parts dans le royaume, le choix du censeur devient bien moins important et sa fonction se réduit à très peu de chose. Aussi je me suis presté à l'empressement de m. d'Argental en vous substituant un censeur qui est àprésent à Paris. Je vous conteray la première fois que nous nous verrons ce qui s'est passé à ce sujet. En attendant je vous félicite d'estre débarassé d'une corvée assés épineuse, dans la quelle cependant j'aurois eu attention que vous ne fussiés pas compromis; vous connoissés les sentimens.