1776-09-24, de François Augustin Toussaint de Beaulieu de Barneville à Voltaire [François Marie Arouet].

Monsieur,

Vous ne doutés pas de la reconoisance avec laquelle j'ai reçu la dernière lettre dont vous avés daigné m'honorer, ma vénération, mon respect pour vous dureront autant que ma vie, et je souhaite dans vingt ans pouvoir vous en renouveler l'assurance.

Malgré le plaisir sensible que j'aurais Eu à assurer de vive voix madame Denis du plus tendre attachement et à lui rendre tous mes hommages, je ne puis cependant être fâché du parti qu'elle a pris de rester auprès de vous. Cette absence vous eût été trop sensible, et c'est je crois une grande consolation pour vous de ne pas vous séparer d'une femme adorable et qui vous a toujours été si tendrement attaché plus par les liens de l'amitié que par ceux du sang. Cependant si elle étoit venue à Paris, Paris auroit Eu l'espérance de vous revoir, et c'eut été certainement une grande satisfaction pour tous ses habitans. Enfin, Monsieur, pour la consolation de tous ceux qui vous aiment, conservés l'un et l'autre deux santés précieuses à l'humanité et nécessaires à votre colonie que j'espère revoir un jour. Faites moi la grâce de croire que je sacrifierois volontiers mes jours pour prolonger les vôtres, et que ma mère et vous êtes les deux personnes auxquelles je suis le plus tendrement et le plus inviolablement attaché.

de Beaulieu