1764-12-30, de Voltaire [François Marie Arouet] à Stanislas Jean de Boufflers.

Le jeune peintre madame que vous avez eu la bonté de m'annoncer n'a pas encor tout à fait le pinceau de Raphael. Mais il a les grâces de l'Albane et plus d'esprit que les écoles italiennes, flamandes et françaises fondues ensemble. La Suisse n'a jamais rien vu de pareil; et je crois qu'à Paris et à Versailles il y a peu de peintres qui riment comme luy et peu de rimeurs qui peignent aussi bien. Quand il était abbé, il ressemblait à l'abbé de Chaulieu et àprésent qu'il est chevalier il est fort au dessus du chevalier de Grammont. Il est digne de madame sa mère à qui je souhaitte une santé des plus robustes.

Cet aimable peintre a vu à Lausanne une madame la marquise de Gentil Langalerie, bru de ce mr de Langalerie qui envoya… promener… cet imbécile de Chamillard, ministre de la guerre et des finances, et qui aima mieux se joindre au prince Eugene pour nous battre, que d'être

Plût au ciel qu'en effet j'eusse été votre père!
Cet honneur n'apartient qu'aux habitans des cieux
Non pas à tous encore. Il est des demidieux
Assez sots et très ennuieux,
Indignes d'aimer et de plaire.
Le dieu des beaux esprits, le dieu qui nous éclaire,
Le dieu des beaux vers et du jour
Est celuy qui fit l'amour
A madame votre mère.
Vous tenez de tout deux, ce mélange set fort beau.
Vous avez (comme ont dit les saintes écritures)
Une personne et deux natures,
De l'Apollon et du Bauvau.

Je suis tendrement dévoué à et l'autre, la Suisse est émerveillé de vous. Ferney pleure votre absence. Le bon homme vous regrette, vous aime, vous respecte infiniment.