1776-09-17, de Jean Charles Philibert Trudaine de Montigny à Voltaire [François Marie Arouet].

Les marques d'amitié que vous m'avez données, Monsieur, engagent plusieurs personnes à me demander des lettres de recommendation auprès de vous.
Mais je n'en donneray point avec plus de plaisir que celle qui m'est demandée par Mr De La Vie, président à mortier du Parlement de Bordeaux. C'est un homme d'esprit et dont je ne doute pas que vous ne soyez très content. Je suis depuis longtems lié d'amitié très intime avec toute sa famille, et je crois leur en donner une grande marque, en lui donnant occasion d'être connu de vous. Il a épousé Mademoiselle Dilon qui est parente de l'infortuné conte de Lally et l'intérêt que cette famille a pris à son fils sera sûrement une grande recommendation auprès de vous.

Voulez vous bien aussi, Monsieur, vous charger de le présenter à Madame Denis à qui je vous prie de présenter en même tems mes respectueux homages. Je vous assure que je regrete bien sincèrement le peu de jours que j'ai passés auprès de vous. Je ne vous étonneray pas en vous disant que je ne les ay pas retrouvé dans ce pays ci. La façon de penser que je vous ay vu d'un des hommes que j'aime le mieux m'a touché jusqu'au fond du coeur. J'ay quelques amis et surtout un jardin que je cultive sans avoir autant couru que Candide. Je crois être aussi digne que lui de cette occupation douce et agréable.

Je crois que vous pouvez être tranquille sur le pays de Gex. Je ne vois aucun projet d'attaquer le repos dont il jouit. Vous le lui avez procuré, et vous le lui conserverez.

Je vous supplie, Monsieur, de ne jamais oublier l'homme du monde qui vous est le plus attaché.

Trudaine