10 august [1776]
Mon très cher grand homme premièrement je vous supplie de présenter mes remerciements et mes profonds respects à l'académie.
Souffrez àprésent que je vous dise que vous ne pouvez trop vous dissiper, et que ma guerre contre l'Angleterre vous amusera.
Ceci devient sérieux. Le Tourneur seul a fait toutte la préface dans la quelle il nous insulte avec toutte l'insolence d'un pédant qui régente des écoliers. Raiez mon cher ami le nom de ce Tourneur qui est aussi ennuieux que l'auteur de l'année sainte et qui est beaucoup plus impertinent. J'ay été inondé de lettres de Paris. Tous les honnêtes gens sont irritez contre cet homme. Plusieurs ont retiré leurs souscriptions. Il faudrait mettre au pilori du Parnasse un faquin qui nous donne d'un ton de maître des Gilles anglais pour mettre à la place de Corneille et de Racine et qui nous traitte comme tout le monde doit le traitter.
Ayez donc la bonté mon cher maître de ne point prononcer son vilain nom. A l'égard des turpitudes qu'il est nécessaire de faire connaître au public, et de ces gros mots de la canaille anglaise qu'on ne doit pas faire entendre au Louvre serait il mal de s'arrêter à ces petits défilés, de passer le mot en lisant et de faire désirer au public qu'on le prononçât, afin de laisser voir le divin Shakespear dans toutte son horreur et dans son incroiable bassesse? Sic'est vous qui daignés lire vous saurez bien vous tirer de cet embaras qui après tout est assez piquant. Fils de putain est dans Moliere. Quand vous le trouverés dans les additions que je vous envoie il ne vous en coûtera pas beaucoup de le supprimer. Mais conservez je vous en supplie l'endroit où je demande justice à la Reine. Je combats pour la nation. Je ressemble à mr Roux de Marseille qui fit la guerre aux Anglais en 1756 en son propre et privé nom. Donnez moi permission d'aller en course. Cela s'appelle je crois des lettres de marque.
J'ignore si la séance commencera ou finira par cette bagatelle. Je souhaiterais, je souhaiterais qu'elle fût lue au début et qu'on pellotât en attendant partie.
Adieu, je me console de ma triste existence en vous fournissant un moment pour vous amuser.
Je me recommande à tous mes confrères qui voudront bien se ressouvenir de moi, et soutenir un Français contre quelques Welches.