1776-06-30, de Jean François Desbruguières à Voltaire [François Marie Arouet].

Monsieur,

Voulés vous bien me permettre de Vous Rapeller les bontés que vous avés bien voulu avoir pour moy, et l'intérest que vous pristes lors de ma détention dans l'affaire de M. le Cte de Morangiés.
J'eus l'honneur de vous écrire pour lors, et de vous envoyer mon mémoire, vous me fistes la grâce de me répondre, et je garde bien précieusement votre lettre; j'ai vû hier une lettre de Vous, Monsieur à Mr Marin, par la qu'elle vous lui demandés des détails sur l'affaire du fameux, et intrépide témoin Gilbert. Je me suis chargé de vous les envoyer, me trouvant bien heureux d'avoir l'occasion de m'entretenir un instant avec vous Monsieur; personne n'a êté plus que moi la victime de cette étrange affaire à la qu'elle je n'avois d'autre part que d'avoir êté chargé des ordres du Roy; quoiqu'il en soit, voilà un témoin le Né Caussin rompu vif au carefour de Bussy pour assassinat commis enver le Né D'Ardu. La hérissé dle Tempeste flaitrie, fut la seule témoin qui fit décréter le Comte. Une autre, la Tortera, qui a passé une partie de sa vie à la Salpaitrière pour des escroqueries. Présentement Gilbert au quel l'on fait le procès pour de faux billets de lotteries et, Ces gens ont êté regardés au baillage du palais comme des exemples de vertu, déchargés d'accusation, et sur la même procédure qui les absout, et nous condamne, sans adition d'imformation, ils ont êté jugés coupables à un autre tribunal. Qu'elle est donc cette lumière, qui fait voir si différament aux hommes? et à des hommes qui jugent d'autres hommes.

Depuis le jugement du parlement qui nous déclare innocents nous avons toujours parû coupables, aux yeux de bien des gens et ce sera présentement du hazard, et du temps qui conduisant successivement tous nos adversaires à la Grève feront revenir le public imbécile, et de quel soulagement peut est aux dévorés la mort de la beste du Gevaudan? Cet événement et ce que vous voudrés bien Monsieur écrire à ce sujet si tel est Vostre intention feront revenir les esprits.

L'on se plaignoit de plus de six mois de billets faux avec les quels on venoit recevoir différentes sommes chez les buralistes. Le Gilbert fut reconnu par le Né le Feve, comir du sr Lheureux, rue Dauphine, auquel l'on avoit pris 5000lt. Il fit tant de recherches qu'il est parvenu à trouver un indice, la police a fait le reste. Cet homme fut arresté le 3 Juin rue du Sépulcre f. S. Germain. Il avoit escroqué 17 buralistes.

Lheureux rue Dauphine 5000lt
Gouy tant en argt qu'en billets au porteur rue de Sève 5000
Marquis rue du pt Lion St Sauveur 1800
Le Né Voisin rue St Jacques 360
Le Né Thomas 50

J'ignore les noms des autres mais confronté sur le champ à ces cy dessus il a nié les connoitre et a assuré avec effronterie qu'ils étoient des gens aposés pour le perdre, et dans ce moment cy détenû au cachot au pt Châtelet il menace de faire payer de très gros dommages et intérest à ses adversaires. Il faudra voir jusqu'à quel point poura aller cette arrogance. Ce qu'il y a de singulier dans cette affaire est qu'on n'aperçoit aucune espèce de rature sur le papier, ce qui dénoteroit les billets totalement faux, et certainement cet homme qui à peine sçait lire et peu écrire n'est pas le seul. La suitte aprendra des vérités inconnues et si vous voulés le permettre Monsieur j'aurai l'honneur de vous en instruire. Si vous voulés je ferai imprimer icy à Paris ce que vous jugeriés à propos d'écrire à ce sujet.

Je suis avec Respect

Monsieur

vostre très humble et très obéissant serviteur

de Bruguiere
rue Grange Batteliere, maison de Mde Baude

Si vous m'envoyés Monsieur quelque chose à ce sujet voulés vous bien me l'adresser sous deux envelope, la pre addressée à Mr le Noir Conseiller d'Etat, Lt Gl de police?