1776-04-30, de Claude Charles de Brosses, comte de Tournay à Charles de Brosses, baron de Montfalcon.

Me voicy enfin à Vesancy d'avant hier avec La Forest et ses trois bambins toupillant.
Il me désiroit depuis longtems toute pauvre société que je sois tant il hait la solitude. Il vint avec Fabry diner dimanche avec moy et m'ont ramené. Je luy ay promis la semaine et d'y revenir aprez pour plus long tems et que je me seray tout à fait arrangé ainsy que mes 3 femelles. Car je reste encor avec cette petite gaillarde de Claudine qui seule sçay les allures du pays.

En ce paese da paradiso habitato da diavoli il me faudroit bien avoir d'autres oreilles encor plus une autre teste pour pouvoir y estre la concorde et de l'union et surtout de la franchise et droiture à concourir au bien de la chose. Mais coe à la cour on est plus occupé à nuire aux autres qu'à faire et à ce concilier, surtout la troupe des vils Brouillons, bas velets dirigés par l'exécrable arcenil de Fernex, si dangereux poison dans un pays déjà si mauvais et presque tout à fait piedmontois.

Voyant que Fabry et la Forest avoient ouvert les yeux et ne seroient plus de ses gens il s'est emparé de l'ignorance en affaire et de la vanité sacerdotale du doyen de Gex franc bélitre que tu connois assez, et qui s'est prostitué à Volt. ainsy qu'il disoit luy mesme hier que l'on l'en accusoit, et qui s'est figuré estre évêque du pays. Je laisse à la Forest à te raconter cela, dont partie est dans le mémoire que nous avons prit le partit de faire et envoyer à mr de Malsherbe que je croy déjà prévenu par Ferney où l'on couru vite avec la lettre de la Forest écrite aud. doyen et qui a bien vite a bien fait retirer les Cornes aux deux autres Curés et laissera tout en suspend jusqu'à ce qu'il y ay un Bureau d'administration légal formé et des députés du clergé en règles, ce qui n'existe pas àprésent. Il faut bien qu'à ce Bureau il y ay un hoe du roy, et cet hoe pouvoit il estre un autre que le Bailly? C'est icy un moment trez important et qui donnera une trez grande Consistance à cette charge et fort intéressant pour Dom René lorsqu'elle luy reviendra. Ainsy je te remet à plaider pour luy cecy auprest de son parent Malsherbe à qui je vais écrire aussy et signer le mémoire.

Un clergé légalement établit icy ayant nommé sous l'autorité et agrément de la cour ses officiers pr sindic et conseilliers les autres Corps ayant les leurs, je présume que l'on composera le bureau de 2 députés de chaque ordre dont le clergé sera le 1er puisque la prestraille a usurpé cet avantage, mais toujours présidé par le Bailly déjà chef de la noblesse et le seule hoe du roy résident au Pays. Fait ensorte d'ammener le Malsherbe à cette tournure. Je croirois mesme que le Bailly pouroit estra la personne qui pour le roy assisteroit à l'assemblée générale du clergé pour la nomination des officiers ce qui en ce moment cy feroit un excellent effet.

Le Brouillon de doyen mériteroit Bien l'exclusion tant part ses affiches et ridicule lettre pastorale que Voltaire qui ne sçay pas un mot des règles ni des formes luy a fait faire, et le Cortois, curé de Saconnay, hoe instruit et sage seroit bien fait pour estre indiqué en sa place par le ministre mais le voudra t-il et ne regardera t-il pas la place de doyen Rural de Gex coe le mettant à la teste de ce boudrillon De clergé. Enfin je te dis mes idées tant bonnes que mauvaises dont tu prendra ce que tu voudra, et surtout ne manquera pas de dire que voylà bien de l'ennuy et des affaires que l'on te donne dans un pays où l'on n'en fait point avec bien de la peine et où tu en a déjà tant d'autres, mais celle cy me paroit tout à fait Capitale.

Hier Verny et Menthon quand ils me sçurent icy y vinrent vite avec Fabry. J'étois malheureusement dans mes moments de chien et il fut tenu à peu prest un Conseil de rat, dont le résulta fut a peu qu'il faloit attendre la réponse de mr le 1er pdt et moy surtout qu'il y eu un bureau légal formé et qui tint des déliberations sur des registres, tout ce qui avoit été fait et se feroit sans cela n'étant que de la Bouillie pour les chats. Verny vous a envoyé ou enverra ma précédente lettre. Vous en aurez eu une précédent de mon arrivée en magot de panchant avec demande sur ton avis de retour au château coe locataire De Corboz. Si tu le désaprouve j'y renonceray. La Forest coe moy n'y voit pas d'inconvénient. Je ne me trouve icy ni pis ni mieux, toujours cette abominable teste avec tapage et diadème de fer. Les gens d'icy ne me trouvent pourtant pas méchant mine et mes domestiques prétendent qu'elle est bien meilleur, que cet hiver vaudroit mieux, meilleur jeu puis que les destins fataux m'ont fait devenir archibélitre. Me voicy dans leur patrie jusqu'à ce que vous soyez prest de revoir la Vesle, si dieu n'en ordonne autrement.

Bonjour tous la belle, ma nièce, &c. Il faut bien finir car ma vue est tout à fait trouble quoique je m'y sois repris en 4 ou 5 fois. Mils choses au cher petit intendant mais surtout qu'il connoisse son Volt. si méchant et Brouillon et qui se targue tant icy de son Farges. La lettre que l'on luy Doit écrire de ne se mesler où il n'a affaire me paroit devenue tout à fait nécessaire et indispensable. Le Trudaine attendu aujourd'huy à Secheron et qu'il va chercher et espère d'amener à Ferney va encor enfler ses actions.

Verny prétend que L'édit donne au administrateurs la connoissance en 1ère instance des difficultés sur le fait de l'imposition. Je ne sçay trop si cela est ni s'il se peut, cela seroit fort heureux. Pour les chemins nul doute que coe par le passé ce ne doive estre par l'intdt et participation des ordres ainsy qu'en Bresse et Bugey.