27 février 1776
La pièce d'éloquence, monsieur, dont vous voulez bien me donner communication, ne doit point vous décourager.
Je pense qu'il faudrait nous assembler à dîner quelq'un de ces jours chez le vieux malade, & que chacun eut le temps de réfléchir un peu sur les choses qu'il aurait à proposer. Le troisième dimanche de carême, 10 du mois de mars où nous allons entrer, vous conviendrait il? & pourriez vous avoir la bonté de nous faire voir avant ou après dîner un petit relevé des vingtièmes? car il est bon de s'arranger plus tôt que plus tard pour être en état de payer cinq cents francs à chacun des soixante sousrois de France: il vient d'en mourir un, nommé Boisemont, qui a laissé dix-huit millions de bien; le tout dans son portefeuille. Il ne contribuait pas d'une obole aux charges de l'état: il est juste d'assister de pareils gens.
A l'égard de notre sel bernois, je n'ai pas encore bien compris les sens profonds de la sublime lettre qu'on vous a écrite en style d'Apocalypse; mais je dis & je dirai toujours en style très simple, que vous nous avez rendu un très grand service, que la province vous doit de la reconnaissance, que votre entrepreneur en use très honnêtement en nous donnant douze mille francs, & en payant ainsi lui seul plus du tiers de notre indemnité.
J'ai vu l'édit de la suppression de la caisse de Poissy: il m'a paru très bien fait, très sage, très noble, très bienfaisant; messieurs ne pourront y mordre. L'édit des corvées ne sera pas si bien reçu, & pourra bien nous embarasser un peu dans notre fourmilière.
Adieu, monsieur, comptez sur la tendre & respectueuse amitié du vieux malade de Fernex.
V.