à Ferney 11e janvier 1776
Monsieur,
Il n'y a guères d'invalide plus invalide que moi; mais aussi il n'y en a point, qui vous soit plus attaché.
Je suis pénétré de toutes vos bontés. Serait-ce en abuser que d'oser vous demander s'il est vrai que vous aiez marié Monsieur vôtre fils à Mademoiselle Hiss, avec une simple permission du Roi, sans être obligé de faire ouvrir une si jolie porte par les clefs de St Pierre? Un tel éxemple contribuerait au bonheur de la France et à la gloire du Roi.
Ce n'est pas sans raison, Monsieur, que je prends la liberté de m'informer à vous même si ce bruit qui a tant couru est véritable. J'achève mes jours dans un païs dont toutes les familles soupirent après la liberté qu'on dit que vous avez obtenue. Mais vous méritez des distinctions que d'autres demanderaient peut être vainement.
Je vous suplie, Monsieur, de regarder surtout la question que je vous fais comme l'effet du véritable intérêt que je prends à tout ce qui vous regarde.
Agréez la reconnaissance et le respect avec lesquels je serai jusqu'au dernier moment de ma vie, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire