14e 8bre 1775
Vôtre Lettre du 1er 8bre reçue le douze, mon cher ami, m'aprend la perte irréparable que vous avez faitte.
Je partage vôtre douleur, elle augmente celles que la nature me fait souffrir dans ma décrépitude. Mon cœur est aussi sensible que mon corps est faible et languissant.
J'aurai de la peine à vous faire parvenir ce que vous voulez bien me demander. On ne m'a donné qu'une seule collection de ces coquilles dont vous êtes curieux. On a arrangé ce malheureux ramas de choses inutiles sans me consulter. On a mis ensemble des chenilles étrangères, et des colimaçons du voisinage. C'est le cabinet le plus mal fait et le plus mal arrangé qu'il soit possible de voir. Voilà comme on traitte un pauvre vieux malade qui passe sa vie dans son lit; on vend ses meubles sans lui en rien dire, et des étrangers glissent leurs guenilles dans son inventaire.
Si à vôtre retour vous aviez pu passer par ces déserts que j'ai rendus un peu habitables, vous m'auriez consolé.
On m'avait dit que vous n'étiez parti des bords de la Sprée que comblé de présents. Vous me feriez plaisir de vouloir bien entrer avec moi dans quelques détails sur tous les agréments de vôtre voiage. Vous savez combien je m'intéresse à tout ce qui vous regarde. J'ai eu le bonheur que mes faibles talents se sont trouvés joints aux vôtres pendant ma vie.
Je vous embrasse avec tous les sentiments que j'aurai jusqu'au tombeau.
V.