1775-07-03, de Dominique Vivant Denon à Voltaire [François Marie Arouet].

Monsieur,

J'ai un désir infini de vous rendre mon hommage.
Vous pouvez être malade, et c'est ce que je crains; je sens aussi qu'il faut souvent que vous vouliez l'être, et c'est ce que je ne veux pas dans ce moment-ci. Je suis gentilhomme ordinaire du roi, et vous savez mieux que personne qu'on ne nous refuse jamais la porte. Je réclame donc tout privilège pour faire ouvrir les battants.

J'étais, l'année dernière, à Pétersbourg; j'habite ordinairement Paris, et je viens de parcourir les treize cantons dont vous voyez que j'ai pris la franche liberté. Si avec cela vous pouvez trouver en moi quelque chose qui vous dédommage des instants que je vous demande, alors mon plaisir sera sans reproche et deviendra parfait.

Je ne m'aviserai point, monsieur, de vous faire des compliments; vous êtes au dessus de mes éloges, et vous n'avez pas besoin de mes humilités: et puisque j'ai trouvé un moyen d'être votre camarade, je me contenterai de vous assurer que vous n'en avez point qui vous soit plus parfaitement dévoué, monsieur, que

votre très humble et très obéissant serviteur

Denon