1768-09-02, de Voltaire [François Marie Arouet] à Marie Aurore de Saxe, comtesse de Horn.

Madame,

J'irai bientôt rejoindre le héros votre père et je lui apprendrai avec indignation l'état où est sa fille.
J'ai eu l'honneur de vivre beaucoup avec lui, il daignait avoir de la bonté pour moi. C'est un des malheurs qui m'accablent dans ma vieillesse de voir que la fille du héros de la France n'est pas heureuse en France. Si j'était à votre place, j'irais me présenter à madame la duchesse de Choiseul. Mon nom me ferait ouvrir les portes à deux battants et madame la duchesse de Choiseul, dont l'âme est juste, noble et bienfaisante ne laisserait pas passer une telle occasion de faire du bien. C'est le meilleur conseil que je puisse vous donner, et je suis sûr du succès quand vous parlerez. Vous m'avez fait sans doute trop d'honneur, madame, quand vous avez pensé qu'un vieillard moribond, persécuté et retiré du monde, serait assez heureux pour servir la fille de mr le maréchal de Saxe. Mais vous m'avez rendu justice en ne doutant pas du vif intérêt que je dois prendre à la fille d'un si grand homme.

J'ai l'honneur d'être avec respect,

madame,

votre très humble et très obéissant serviteur.

Voltaire, gentilhomme ordinaire de la chambre du roi