1774-12-19, de Voltaire [François Marie Arouet] à Dominique Audibert.

Si vous avez, monsieur, connu le froid à Marseille au mois de novembre, vous devez actuellement avoir trop chaud.
Voilà comme la nature est faite. Il y a autant de variations dans les têtes de Paris que nous éprouvons dans les saisons. Vous savez à présent, ou vous saurez bientôt avec quelle reconnaissance le parlement fait des remontrances au roi contre l'édit qui l'a ressuscité.

J'apprends qu'il y a une forte cabale de quelques financiers contre m. Turgot. Cela seul ferait son éloge, et ne causera pas sa perte. La France serait trop à plaindre si un homme d'un mérite et d'une vertu si rare, cessait d'être à la tête des affaires.

Vous avez eu la bonté, monsieur, de me faire toucher quelquefois un peu d'argent; je vous demande aujourd'hui une autre grâce; elle est un peu plus considérable. C'est de me conserver la vie en m'envoyant un petit quartaut du meilleur vin de Frontignan. Ne le dites pas à ceux qui me paient des rentes viagères. Ce sera une petite extrême onction que vous aurez la bonté de me donner. Je vous ferai tenir l'argent par Lyon ou par Genève, comme il vous plaira. Si vous me refusez, je suis homme à venir chercher moi même du vin muscat à Marseille, car je ne puis plus tenir aux neiges du mont Jura.

Agréez, monsieur, les sincères remerciements &a.