Le 28 février 1776, à Ferney
Quid retribuam domino pro omnibus quae retribuit mihi?
Quoi, monsieur, c'est au milieu de vos voyages et de vos plus grandes occupations que vous avez la bonté de songer à Ferney, à mon huile, à cette petite rente sur mr le mis de*** laquelle je n'ai obligation qu'à vous seul! Si les princes et les ducs et pairs étaient aussi généreux et aussi bienfaisants que vous, je ne serais pas dans la triste situation où je me trouve. Il est triste d'avoir affaire à des débiteurs grands seigneurs: leurs chiens, leurs chevaux, leurs putains et leurs usuriers disposent de tout leur argent. Il ne leur en reste plus pour payer leurs dettes. Je suis obligé de renoncer à tous les travaux de Ferney, et je suis menacé de mourir misérable parce que de grands seigneurs vivent à mes dépens. Vous êtes plus sage que moi, vous ne mettez point votre fortune entre les mains des princes. C'est encore un trait de votre sagesse de passer l'hiver dans un climat doux et chaud, lorsque nous sommes cent pieds sous neige vers le mont Jura. Le Pastor fido a bien raison de dire: 'Lieto nido, esca dolce, aura cortese…bramano i cigni.'
Agréez, monsieur, mes tendres remerciements, et l'attachement inviolable de votre très humble et très obéissant serviteur,
Le vieux malade de Ferney V.