1756-04-09, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jean Robert Tronchin.

Il y a mille ans, Monsieur, que je n'ai eu l'honneur de vous écrire.
Je renouvelle connaissance avec vous en vous envoyant quelques faibles débris des flottes éspagnoles: ce sont Lettres de change, l'une de 264lt 10s 3d, l'autre 528lt, la troisiéme 1186lt, la quatrième 3550 £, que je vous prie de vouloir bien ajouter à notre trésor. Je mets une partie de ce qui me reste en arbres et en meubles: j'embellis votre maison tant que je peux; je vous assûre que j'y ai quelque honneur, et que vous ne serez pas mécontent quand vous verrez le petit hermitage des Délices où par parenthèse il fait un froid ridicule avec de la grêle et de la neige. Je me flatte pour me consoler qu'il ne fait pas plus chaud dans les campagnes les plus sacrées de près de Lyon.

J'ajoute à la cargaison de Cadix un petit mot pour mr de Laleu, et avec cela on continuera à faire bonne chère aux Délices et à Monrion. Je suis bien fier àprésent, j'ose être gourmand en l'absence d'Esculape. Je vous embrasse tendrement mon cher associé aux Délices, mon cher correspondant. Me Denis en fait autant.