1774-11-04, de Voltaire [François Marie Arouet] à Joseph Jérôme Le Français de Lalande.

Le vieux malade, monsieur, est pénétré de votre souvenir et de vos bontés.
Il tient encore un peu au monde, mais c'est aux talents et à la vertu, c'est ce qui fait qu'il vous est très attaché, à vous et à madame de Maron.

Je vous crois beaucoup plus occupé des vérités physiques et morales que du remue ménage des parlements. Vous n'oublierez point pourtant celui qui vous a fait gagner votre procès contre Cogé pecus. Quelques magistrats qu'on choisisse pour juger du procès, je souhaite seulement qu'il n'y ait jamais parmi eux ni d'assassins du comte de Lally, ni d'assassins du chevalier de La Barre. La faction de l'ancien et du nouveau parlement causent trop de querelles. J'aime mieux les partisans de Rameau et de Gluk, elles ne peuvent faire aucun mal. Mais ce que j'aime passionnément ce sont les instructions qu'on peut prendre auprès de vous et que je viendrais chercher si je pouvais sortir de mon lit, et faire d'autre voyage que celui de l'autre monde.

Soyez sûr, monsieur, que tant que je végéterai dans celui-ci, je serai pénétré pour vous de l'estime la plus respectueuse et du plus sincère dévouement.

Le vieux malade V.