1771-06-01, de Voltaire [François Marie Arouet] à Étienne François de Choiseul-Stainville, duc de Choiseul.

Un hermite qui veut l'être, qui connaît parfaitement son néant, et celui de ce monde, qui n'a jamais été gouverné que par son cœur, qui respecte, qui aime passionnément le grand, le généreux Barmécide, autant qu'il détestait les assassins des Calas et ceux du chevalier de la Barre, une marmote qui préfère sa caverne à touttes les cours, trouve une occasion de se mettre aux pieds de son bienfaicteur et de celui de la France.
Il saisit ce moment auquel il aspirait. Il vous dit, illustre Barmécide, je ne me soucie ni de Versoy, ni de Versailles, je songe à vous soir et matin, je m'entretiens de vos bienfaits, j'admire votre belle âme, je dis à la petit fille du grand Corneille, c'est le grand Barmecide et made sa sœur qui vous ont mariée, vous lui devez tout, et jusqu'à vos enfans. Il n'a fait que du bien, et mille personnes lui doivent autant de reconnaissance que vous et moy. Il doit être heureux car les coeurs sont à lui. Ainsi il est toujours à la première place.

Je me mets aux pieds de madame Barmecide.

Que pourais-je leur présenter pour les amuser? On est philosophe à la campagne, on n'a pas le temps de l'être ailleurs.

Si dans ces lettres de l'alphabet il y en a deux ou trois qui vous plaisent tant mieux pr la filosofie.