1774-08-27, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jean Le Rond d'Alembert.

La femme du frère de feu Damilaville, m'écrit, de Landerneau en Basse-Bretagne, une lettre lamentable.
Ils prétendent qu'on persécute en eux le philosophe qui est mort entre vos bras; ils disent que, depuis sa mort, on a toujours cherché à les dépouiller d'un emploi qui les faisait vivre, et qu'on vient enfin de le leur ôter. Ils imaginent que m. Turgot peut donner à ce frère de Damilaville une place de sous-commissaire de la marine. Ils paraissent réduits à la dernière misère, et ils ont des enfants.

C'est à mon cher Bertrand et à m. de Condorcet à voir s'ils peuvent obtenir cette place de sous-commissaire pour le frère d'un de leurs Ratons. Je ne connais point ce nouveau martyr, et je me trouve dans une situation qui me rend bien inutile aux fidèles et à moi même. Je ne parle point cette fois-ci de la Lettre du théologien, qu'on attribue à l'abbé du Vernet, et que je n'impute à personne.

J'ai vu dans ma retraite un grand vicaire de Toulouse, qui m'a paru très instruit et très bien intentionné. Il dit que mes ennemis sont plus acharnés que jamais. Dans la tempête adorez l'écho, disait Pythagore; et vous savez que cela veut dire, Tenez vous à la campagne loin des méchants; mais aussi il est bien triste d'être loin de ses amis.