1774-08-08, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jean Baptiste Nicolas de Lisle.

Je pense comme vous, Monsieur, sur L'épître de Mr De Rulliere, elle n'est pas si acérée que celle où il peignait si plaisamment Mr Daube, mais elle respire une facilité de moeurs et de vers qui me fait un extrême plaisir.
Celà est dans le goût de l'abbé de Chaulieu, et n'en a pas les négligences.

Le garçon qui a tant acquis en peu de temps, n'a point encor acquis cette mollesse et cet air de vérité, qui règnent dans le petit ouvrage de Mr De Rulliere. Le gros du monde y trouvera des longueurs. Ces longueurs ne me déplaisent pas quand elles partent d'un coeur qui est plein et qui débonde. Le garçon ne me l'a pas envoiée, je la tiens de vous, et de l'auteur lui même; je vous en fais à tout deux mes remerciements bien sincères.

L'avanture de Madlle De Vence ressemble à celle de Madlle d'Yvion qui fut brûlée du temps de Philippe de Valois, pour avoir fait de fausses Lettres patentes en faveur de Mr Le Comte D'Artois. La pluspart de nos Dames ne sont pas si savantes. Ma conclusion n'est pas que l'on brûle Madlle de Vence. Il ne faudrait, à mon sens, brûler que les feuilles de Fréron, et toutes celles qui nous ennuient. On se contenta de pendre Mr L'abbé Fleur, chanoine de Bezançon, prêtre et prédicateur, qui avait contrefait des Lettres de change de Montmartel.

Vous me faittes si fort aimer l'histoire moderne que je vais vous fatiguer de questions. Il s'agit de savoir si on joue Orphée;

si on continue le vindicatif;

s'il est vrai que M: Le duc De Choiseul ait acheté la charge de grand chambellan.

Je supose, Monsieur, que vous êtes encor à Paris quand je vous demande tant de choses. Car si vous êtes à Mouzon, je ne vous demande qu'un prompt retour.

Le vieux malade de f.