1774-07-06, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jean Baptiste Nicolas de Lisle.

J'ai oublié, Monsieur, de vous demander plusieurs grâces:

Premièrement celle de me dire si un certain campagnard bien respectable a lu un certain petit ouvrage dans lequel il est dit qu'il est dangereux de changer de médecine et qu'il est triste de changer d'amis. Ce mot n'a pas été mis pour lui déplaire.

Secondement je vous supplierai de me donner des nouvelles du Vindicatif. Est-ce quelque comédie bien gaie dans le goût d'Atrée et de Thyeste? J'aimerais mieux qu'on jouât l'Indulgent, le Clément; mais ce caractère est déjà dans l'Auguste de Cinna.

Troisièmement j'ai une impatience extrême de savoir s'il est vrai qu'on ait admis la requête des Véron contre M. de Morangiès et contre le parlement. Si cette affaire recommence, il faut espérer que le magistrat du Jonquai pourrait bien être pendu.

Je ne sais point ce que c'est que le triomphe de Goesmann à l'Académie de Metz. Je vais faire venir le mémoire de ce magistrat désintéressé.

Il me semble que je ne vous ai point assez dit combien je suis charmé de ces deux vers,

Puissent, mon cher Dorat, les jours du nouveau règne,
Plus heureux que tes vers être plus longs encor!

Si ces deux vers ne sont pas de vous, il y a donc quelqu'un dans le monde qui vous vaut bien.

Madame Denis et moi nous souhaittons passionément que vôtre régiment aille incessamment sur nôtre frontière.

le vieux malade V.