1773-12-15, de Voltaire [François Marie Arouet] à Louis François Armand Du Plessis, duc de Richelieu.

J’écris vite à mon héros (comme je peux) avec mes yeux très mal en ordre pour lui dire qu’il n’est pas vrai que M. le baron Despagnac m’ait démenti sur le service signalé que vous rendîtes le jour de Fontenoi.
Au contraire il dit précisément les mêmes choses que j’avais dites, et il vous rend la plus grande justice. Une bonne âme de Paris m’avait mandé que ce n’était pas vous qui aviez proposé les quatre canons, et que M. Despagnac en donnait la gloire à d’autres. M. Despagnac me fait l’honneur de m’envoier son ouvrage et je vois avec grand plaisir qu’il ne faut pas croire les tracassiers de votre bruiante ville, pleine de petites factions, de petits partis, de petites jalousies, de petits mensonges. Tout cela passe et la gloire reste.

Un mr Moline a été chargé de votre portrait dans la galerie française. Il m’a envoyé sa besogne. Il n’importe quelle main vous peigne, les traits sont ressemblants, et cela suffit.

Quelle consolation ce sera pour moy d’aller à Bordeaux vous faire ma cour dans vos moments de loisir, de revenir dans mon trou sans passer par Paris, et de pouvoir dire, Je l’ai revu celui qui fit tant d’honneur à la France!

Vivez monseigneur plus longtemps que votre devancier le duc d’Epernon qui n’a jamais approché de vous.

V… qui a cent ans