[29 auguste 1773]
Vous sentez mon cher ami que le déchaînement d’une faction nombreuse en faveur des Du Jonquai a été produit principalement par l’horreur que l’administration nécessaire de la police inspire à la basse bourgeoisie de Paris.
Les ennemis du gouvernement et les vôtres se sont joints à cette multitude. On s’est imaginé que M. de Morangiés était protégé par la cour et sur cela seul bien des gens l’ont jugé coupable. On revient enfin de cette idée monstrueuse idée. Toutte la noblesse de France qui avait été longtemps en suspends commence à prendre fait et cause pour mr de Morangies.
Si les faits allégués par Linguet sont vrais comme il n’est guères permis d’en douter, il est démontré que Mr de Morangies est innocent et qu’il est opprimé par la plus insolente et la plus artificielle canaille qu’on ait vue depuis les convulsions.
Le Roy a senti tout le ridicule et toutte l’horreur du roman des cent mille écus portez à pied en treize voiages. M. Pigeon n’a pas eu tant de bons sens que le Roy.
Si quelques esprits du parlement sont encor préoccupez, quel homme est plus capable que vous de les éclairer? Je suis attaché dès mon enfance à la maison de Morangies, mais je ne prends son parti que parce que je suis attaché mille fois davantage à la vérité. Je ne vous sollicite point. Je vous dis seulement, voiez, je m’en raporte à vous.
Si on pouvait espérer de ramener Dhornoy à ses vrais intérêts je me joindrais à vous, je ferais le voiage tout mourant que je suis. On pourait lui procurer un établissement bien honorable. Mais je vous embrasse de tout mon coeur.