4e auguste 1773
Je vous adresse, Monsieur, mes remerciements en droiture comme vous me l’ordonnez.
Je n’avais jamais entendu parler de cette illustre assemblée des oyes qui ne sont pas ceux du capitole. Je sais seulement que celui qui se moque d’eux n’était qu’un canard enroué qui croiait avoir la voix plus belle que celle d’Homère et de Sophocle. C’est de lui que nous sont venues les comédies de la passion et les moralités de la mère sotte.
Nous avons icy beaucoup de Languedochiens d’auprès de Toulouse; mais personne ne connaît la fête des ânes et des mulets. Il faut qu’elle soit imitée de celle des chevaux sur lesquels on jette de L’eau bénite à Rome, à la porte de L’église de st Antoine.
Si Rome fait cet honneur aux chevaux il est juste que Toulouse, qui n’est qu’une capitale de province, ne fête que des ânes. Il faut avouer que les vaches de Mr Le Genti sont encor au-dessus des mulets et des chevaux.
Mr Scrafton, qui a servi longtems dans l’Inde et surtout sur le Gange, est entièrement de l’avis de Mr Le Genti. Il est étonné de la facilité avec laquelle les brames calculent les éclipses. Vous connaissez sans doute tout ce que dit Mr Holwell sur les anciens bracmanes, et sur le livre du Shasta-Sid qui a cinq mille ans d’antiquité. Si Mr Holwell ne nous a pas trompés, c’est, sans contredit, le plus ancien monument de la terre.
On m’a envoié depuis peu un petit extrait de l’ouvrage de Mr Le Genti, tiré du journal des savants. Cet extrait annonce des choses bien intéressantes. Je pourais aussi vous faire tenir incessamment, quelque chose d’assez curieux sur l’Inde. Je me servirai de l’adresse de Made De Meulan la jeune sous l’envelope de Mr De Sartine. Dieu veuille que ce petit ouvrage vous parvienne. Je mettrai dans le paquet deux exemplaires, l’un pour vous, Monsieur, l’autre pour Mr D’Alembert.
L’inclément Clément n’aura pas beau jeu à désavouer les Clémentines qu’il m’a écrites; j’ai tous les originaux de sa main. Je ne crois pas qu’il y ait d’êtres si méprisables dans le monde que toute cette petite canaille de la littérature. Ils avilissent les belles Lettres autant que vous honorez les sciences.
J’ai vu Mr de Garville, mais je ne l’ai point assez vu, j’étais trop malade; il m’a paru bien digne de vôtre amitié.
Ce qu’on vous a dit du capitaine Talonde, n’est malheureusement pas vrai. Mais ce qui est assez vraisemblable, c’est qu’il peut venir un jour chez les Welches en grande compagnie.
Agréez, Monsieur, les sincères assurances de mon tendre et respectueux attachement.
V.
Je Il n’y a dans le paquet adressé à Mr De Sartine qu’une sous envelope à Madame De Meulan& vous pourez l’avertir que le paquet est pour vous.