Ferney, le 24 juillet 1774 [1773]
J’ai toujours aimé mr de Lacondamine.
Je vous prie, monsieur l’abbé, de l’en assurer et de le bien remercier de son catéchisme. Vous pouvez aussi, monsieur, le bien assurer que je suis très fâché de savoir qu’il loge chez lui Labeaumelle, et qu’il donne à dîner à Fréron. Il y a de meilleures bonnes œuvres à faire. Ses vers ne sont pas d’un grand poète; il n’en a jamais fait que pour s’amuser; mais ses sentiments sont ceux d’un honnête homme. Je l’ai toujours connu pour être de la communion des gens de bien. Je n’aime ni Labeaumelle, ni Fréron qui m’a affiigé quelquefois et qui souvent m’a fait rire. Mais je crois, monsieur, avec vous et avec votre ami m de Lacondamine, qu’il existe un dieu rémunérateur et punisseur, et qui, s’il se mêle des chenilles de nos vergers, rendra à mes ennemis selon leurs œuvres.
Je vous renvoie, monsieur, le Chinois de mr de Lacondamine. Un jeune homme de beaucoup de talent que je possède dans ma chartreuse, s’est amusé à rajuster et à raccourcir les habits de cet honnête Chinois; cela ne peut déplaire ni à Kien-long son empereur, ni à son père, l’arpenteur du zodiaque que j’aime toujours malgré Fréron, Labeaumelle et autres grands écrivains qui font la gloire du règne de Louis XV.