1773-07-14, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Bordes.

Mon cher confrère, mon cher philosophe, il est bien triste pour vôtre belle ville de Lyon qu’il y ait de si mauvais acteurs sur un théâtre si magnifique.
Adieu les beaux arts dans le siècle où nous sommes. Nous avons des vernisseurs de carosses et pas un grand peintre, cent feseurs de doubles croches, et pas un musicien, cent barbouilleurs de papier et pas un bon écrivain. Les beaux jours de la France sont passés. Nous voilà comme l’Italie après le siècle des Médicis; il faut prendre son mal en patience, et être tranquile sur nos ruines.

Vous m’aviez mandé l’année passée que vous iriez à Chanteloup; je ne sais si vous êtes encor dans le même dessein; je suis bien fâché que Ferney ne soit pas sur la route, je vous aurais dit

mecum una in sylvis imitabere Pana canendo.

Conservez moi une amitié qui peut seule me consoler de vôtre absence.

V.