1773-03-28, de Denis Diderot à Voltaire [François Marie Arouet].

Monsieur et cher maître,

On dit ici des choses Incroyables de vous; l’on en dit ensuite d’effrayantes.
Qu’une Jeune femme ait eu La vanité de coucher avec l’homme unique de son siècle, Je n’en suis pas trop surpris. J’en serais même édifié si l’on vouloit. Mais que vous…. Je ne sçaurois croire cette folie là, c’est un Conte. Conte ou non,rassurez nous sur votre santé. Dites nous que vous vous portez bien, afin que le cri de notre Joye soit entendu de tous les gueux, de tous les fripons, de tous Les maroufles qui s’ennuyent de votre éternité, et qu’ils en crèvent de Rage. Je vous envoye les premiers essais de poésie d’un Jeune homme dont J’ai bonne opinion, parce qu’il est modeste, et qu’il est vraiment votre admirateur. Le goût pour Les ouvrages d’Homere étoit la marque du talent chez les anciens. Celui qui se plait à la Lecture des vôtres a déjà fait un grand pas. Je vous suplie monsieur et cher maître, de Le lire … de le lire avec Indulgence, et de L’honorer d’un mot de réponse. Je ne sçaurois vous dire Le plaisir que vous Lui ferez. Soufflez sur cette Jeune plante. Qui sçait ce que votre haleine chaude et vivifiante produira?

Je vous salue. Je vous embrasse,

et je suis, monsieur et cher maître, avec Le plus tendre respect,

Le respect filial

Votre très humble et très obéisst serviteur

Diderot