1773-02-15, de Voltaire [François Marie Arouet] à Henri Louis Lekain.

Mon cher ami, voilà mon rêve fini.
J’avais imaginé que vos belles décorations, mais surtout vos talents inimitables, procureraient quelques succez aux lois de Minos. Je voulais même que le profit des représentations et de l’impression allât à l’hôtel-Dieu, et je vous destinais un émolument qui aurait été bien plus considérable. Tout a été dérangé par cette détestable édition de Valade, dans laquelle on a inséré des vers dignes de l’abbé Pellegrin. Il ne faut plus penser à tout celà. Je retire absolument la pièce. Je vous prie très instamment de le dire à vos camarades. J’attendrai un temps plus favorable. D’ailleurs, le rôle de Datame était trop petit pour vous. Mon grand malheur est que ma faiblesse et mes maladies me mettent hors d’état de joindre mes faibles talents aux vôtres. Ma consolation est d’espérer de vous revoir quand vous irez à Marseille. Portez vous bien, faittes longtemps les délices de Paris; tâchez de former des élèves qui ne vous égaleront jamais.

Je vous embrasse de tout mon cœur.

V.